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La réforme de la justice définitivement adoptée mais partiellement censurée

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La loi tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale et la loi organique relative au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats, toutes deux censées répondre aux dysfonctionnements de la justice révélés par l'affaire d'Outreau (1), ont été définitivement adoptées par le Parlement le 22 février. Parmi leurs principales dispositions, certaines renforcent la protection des mineurs et d'autres tendent à assurer la célérité de la procédure pénale. Toutefois, le Conseil constitutionnel a amputé la réforme de deux mesures majeures, notamment. Tout d'abord, la sanction du magistrat en cas de violation grave et délibérée d'une règle de procédure constituant une garantie essentielle du droit des parties. Mais aussi la possibilité pour un justiciable de saisir le médiateur de la République en cas de comportement fautif du juge dans une affaire le concernant.

Renforcer la protection des mineurs victimes d'infractions sexuelles

Afin d'éviter le renouvellement toujours pénible du récit des faits, la loi renforçant l'équilibre de la procédure pénale rend obligatoire l'enregistrement audiovisuel des auditions d'un mineur victime d'infractions sexuelles (2) et ce, sans qu'il soit désormais besoin de recueillir son consentement ou celui de ses parents, si le mineur n'était pas en état de le donner. Par ailleurs, alors que la victime, ou son représentant légal, pouvait jusqu'alors demander un enregistrement exclusivement sonore de son audition, cette faculté appartient dorénavant au procureur de la République ou au juge d'instruction « si l'intérêt du mineur le justifie », précise le texte. Au-delà de la protection du mineur, cette mesure peut être un « outil de contrôle de la qualité de la procédure, d'autant plus important que, souvent, dans ce type d'affaires, le dossier repose essentiellement sur le témoignage de la victime », note Guy Geoffroy, rapporteur à l'Assemblée nationale (Rap. A.N. n° 3505, Geoffroy, page 284). Lequel ajoute que son application « nécessitera sans doute la mobilisation de moyens pour mieux équiper les commissariats, les services de gendarmerie et les juridictions. Un tel effort d'investissement sur la phase initiale de la procédure permettra cependant d'éviter des procédures complexes et onéreuses résultant d'une défaillance dans le recueil des déclarations des victimes » (Rap. A.N. n° 3505, Geoffroy, page 286).

A noter : lorsque l'enregistrement ne peut être effectué en raison d'une « impossibilité technique », il en est fait mention dans le procès-verbal d'audition qui précise la nature de cette impossibilité. Si l'audition intervient au cours de l'enquête, le procureur de la République ou le juge d'instruction doit en être « immédiatement avisé ».

Par ailleurs, afin de garantir l'effectivité de ses droits, la loi prévoit que le mineur est désormais assisté d'un avocat dès le début de la procédure, lors de son audition devant le juge d'instruction. Si ses représentants légaux ou l'administrateur ad hoc n'en ont pas désigné, le juge en informe le bâtonnier qui lui en commettra un d'office. Jusqu'à présent, l'assistance d'un avocat n'était obligatoire qu'à un stade avancé de la procédure, notamment lorsque le magistrat informait la victime de la possibilité de se constituer partie civile, « soit 12 à 18 mois après le début de l'enquête », relève le rapporteur. Sa présence s'avère aussi nécessaire afin d'« assurer un certain équilibre des droits avec le suspect, qui reçoit généralement l'assistance d'un avocat dès sa mise en garde à vue », explique-t-il (Rap. A.N. n° 3505, Geoffroy, page 281). Les députés espèrent enfin que le recours systématique à un avocat pour les mineurs victimes d'infractions sexuelles constituera, pour les barreaux, une « incitation à mettre en place des pôles de spécialistes ».

Assurer la célérité de la procédure pénale

Lorsque le juge civil est saisi d'une action en réparation d'une infraction pour laquelle la victime a également introduit une action auprès du juge pénal afin de faire condamner son auteur, il doit surseoir à statuer et attendre que la juridiction pénale ait rendu sa décision avant de poursuivre, en vertu de la règle selon laquelle le « pénal tient le civil en l'état ». Or certains requérants utilisent le recours au juge pénal comme un moyen pour « paralyser des procédures civiles et commerciales », avance François Zocchetto, rapporteur au Sénat. « C'est ainsi, par exemple, qu'un employeur assigné au conseil de prud'hommes par un salarié irrégulièrement licencié peut déposer plainte, avec constitution de partie civile, contre ce salarié pour vol, bloquant l'instance prud'homale jusqu'à ce que le juge d'instruction rende un non-lieu » (J.O.A.N [C.R.] n° 119 du 20 décembre 2006, page 9206). Dès lors, souligne-t-il, « cette multiplication des plaintes devant les juridictions répressives contribue à l'encombrement de ces dernières et ne permet pas, de ce fait, d'assurer le principe de célérité qui devrait pourtant accompagner la procédure pénale » (Rap. Sén. n° 177, Zocchetto, page 88) (3). La loi renforçant l'équilibre de la procédure pénale limite dorénavant l'application de cette règle au dommage directement causé par une infraction pénale. « La mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil », indique la loi. Une mesure qui devrait « instaurer de la souplesse », estime Pascal Clément, qui précise que « c'est le juge civil qui décidera, selon les cas, s'il suspend l'application de la procédure selon qu'il l'estimera dilatoire ou non » (J.O.A.N. [C.R.] n° 119 du 20 décembre 2006, page 9207).

Pour éviter les instructions injustifiées ou inutiles et raccourcir ainsi la durée de la procédure, les parlementaires ont voté une disposition encadrant plus strictement le dépôt de plainte avec constitution de partie civile, qui était jusqu'à présent possible dès qu'une personne se prétendait lésée par un crime ou un délit sans autre condition. Désormais, en matière délictuelle, pour être recevable, la plainte est subordonnée à la condition que la personne justifie (4) :

soit que le procureur de la République lui a fait connaître qu'il n'engagera pas de poursuites à la suite d'une plainte déposée devant lui ou un service de police judiciaire ;

soit de l'inertie du ministère public depuis trois mois à compter du dépôt de sa plainte devant le procureur ou de la date à laquelle il lui a adressé copie de sa plainte déposée devant le service de police judiciaire.

Les personnes qui souhaitent déposer plainte avec constitution de partie civile doivent donc désormais au préalable déposer une plainte devant un service de police judiciaire ou le procureur de la République, lequel décide, sur la base d'une enquête préliminaire, de la pertinence de poursuites. C'est « en quelque sorte un filtre, à la fois temporel et technique, qui devrait permettre, d'une part, au procureur d'intervenir plus rapidement et de poursuivre lorsque cela s'impose, et d'autre part, aux plaignants de bien peser le sens et la portée du dépôt d'une plainte avec constitution de partie civile », explique Guy Geoffroy (Rap. A.N n° 3505, Geoffroy, page 270).

La saisine du médiateur de la République par les justiciables censurée

Une des mesures relatives à la responsabilité des magistrats contenues dans la loi organique votée également le 22 février a été censurée par le Conseil constitutionnel. La loi permettait en effet aux justiciables de saisir directement le médiateur de la République lorsqu'ils estimaient, à l'occasion d'une affaire les concernant, que le comportement d'un magistrat était susceptible de constituer une faute disciplinaire. Les neuf sages ont estimé cette disposition contraire à la Constitution, au motif que « l'indépendance des juridictions judiciaires et le caractère spécifique de leurs fonctions [excluaient] tout empiétement d'autorités administratives sur une procédure juridictionnelle ». Une décision qui, selon le garde des Sceaux, « montre la difficulté qu'il y a à réformer en ce domaine ».

(Loi organique n° 2007-287 du 5 mars 2007, loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 et décision du Conseil constitutionnel n° 2007-551 DC du 1er mars 2007, J.O. du 6-03-07)
Notes

(1) Voir ASH n° 2460 du 16-06-06, page 17.

(2) Sont ici concernées les infractions de nature sexuelle de l'article 706-47 du code de procédure pénale, à savoir le viol, l'agression sexuelle, l'exhibition sexuelle, le recours à la prostitution, la corruption de mineur, la pornographie enfantine et les atteintes sexuelles sur mineur. Auxquelles il faut ajouter les tentatives de meurtre ou d'assassinat accompagnées de viol, de tortures ou d'actes de barbarie.

(3) Le ministre de la Justice a en effet indiqué, lors des débats à l'Assemblée nationale, que, en 2005, presque 10 000 des 30 000 informations ouvertes à l'instruction avaient fait suite à une plainte avec constitution de partie civile et que plus de 9 000 d'entre elles s'étaient terminées par un non-lieu, une irrecevabilité ou un refus d'informer » (J.O.A.N. [C.R.] n° 119 du 20 décembre 2006, page 9206).

(4) Toutefois, cette condition n'est pas requise lorsqu'il s'agit d'un délit de presse ou de certains délits en matière électorale.

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