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« Handicap : ne pas évaluer la personne, mais ses besoins au regard de ses projets »

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Dans un rapport sur la mise en oeuvre de la loi du 11 février 2005 pour les personnes très lourdement handicapées (1), approuvé à l'unanimité par le Conseil national consultatif des personnes handicapées le 28 février, Jean-Claude Cunin (de l'Association française contre les myopathies) plaide pour que le plan de compensation soit co-construit avec l'intéressé, premier expert de sa situation. Ce n'est pas encore le cas.
Dans quelles conditions avez-vous travaillé et présenté ce texte, qui reste daté de juin 2006 ?

Le groupe de suivi de la mise en oeuvre de la loi du 11 février 2005 - composé à parité de représentants des associations et des pouvoirs publics - a été créé au moment du passage du dispositif transitoire mis en place en 2005 à la prestation de compensation définie par les maisons départementales des personnes handicapées, quand des situations difficiles et des reculs apparaissaient ici et là. Nous n'avions pas vocation à résoudre les cas individuels, mais nous nous en sommes saisis comme des révélateurs des incompréhensions, des blocages ou des dérives qui venaient affecter l'application de la loi. Depuis, plusieurs des problèmes évoqués ont été résolus par des textes réglementaires. Mais l'essentiel de nos conclusions demeure quant à l'état d'esprit - ce que nous avons appelé la « culture partagée » - qui doit présider à l'application de la loi, et qui donne un rôle central à la personne en situation de handicap elle-même et à son entourage.

Quelles sont les grandes difficultés ?

C'est sans doute en matière d'évaluation que le bât blesse le plus. Dans de trop nombreux cas, celle-ci est confiée à un seul professionnel, souvent un médecin, ce qui montre la survivance d'une vision purement médicale de la situation de handicap, alors qu'il s'agit en l'occurrence d'apprécier ses conséquences sur l'accomplissement des actes essentiels de survie (manger, se laver, se mouvoir...), mais aussi des actes de la vie courante (écrire, téléphoner...) et de toute la vie familiale, sociale et citoyenne (sortir, s'occuper de ses enfants, voter...). Les textes sont clairs : il faut une équipe multidisciplinaire qui, au besoin, fait appel à d'autres professionnels compétents pour le type de handicap concerné. Il faut surtout que ladite équipe prenne en compte la principale expertise existante : celle de la personne elle-même ou, lorsqu'elle ne peut l'exprimer, celle de ses proches. Sur ce point essentiel, l'état d'esprit du législateur n'est pas entré dans les faits. Pour lui, il ne s'agit pas d'« évaluer la personne », mais d'évaluer ses besoins au regard de ses attentes et de ses choix propres. L'élaboration du plan de compensation personnalisé intègre, par définition, la discussion d'égal à égal avec l'intéressé. Cela suppose que la notion de grande dépendance ne soit pas inconsciemment associée à celle de limitation intellectuelle, ni assimilée aux seules personnes grabataires. Un citoyen très lourdement handicapé peut avoir envie de sortir...

A cet égard, où en est-on pour l'attribution des aides humaines ?

Le plafond des aides humaines porté à 24 heures par jour constitue une avancée capitale. Subsistent les besoins exceptionnels, pour lesquels il faudrait aller au-delà et prévoir l'aide d'une deuxième personne, par exemple pour accompagner un déplacement de plusieurs jours. Reste surtout le problème de la réalité des coûts, les tarifs retenus par les départements étant souvent trop bas. Le ministère a promis une mesure rectificative pour la mi-mars. Enfin, il faut régler la question des justificatifs demandés, parfois chaque mois, et parfois même avant le versement de la prestation ! Le contrôle doit être réalisé a posteriori et à l'année.

D'autres problèmes ?

Le fonds départemental de compensation (2) est un autre maillon faible du dispositif. Sa mise en place et ses modalités d'intervention font l'objet d'interprétations diverses qu'il faut recadrer et clarifier. Les départements font la sourde oreille sur ce chapitre comme sur les aides humaines, car ils craignent de devoir compléter des financements insuffisants... Il faut instituer partout des comités de suivi auprès des conseils départementaux consultatifs des personnes handicapées.

Pour autant, vous insistez pour ne pas faire un sort particulier aux personnes très handicapées...

Effectivement. Si les outils prévus ne comportent ni lacunes, ni risques de mauvaise interprétation, si les équipes d'évaluation font bien leur travail, si les personnes en grande dépendance sont entendues et leur projet respecté, bref si la loi, toute la loi, leur est appliquée, cela profitera à l'ensemble des destinataires. Qui peut le plus peut le moins.

Notes

(1) « Pour une application effective de la loi : une culture partagée » - Publication à venir par le CNCPH : 14, avenue Duquesne - 75350 Paris 07SP.

(2) Le fonds départemental de compensation du handicap rassemble tous les contributeurs des aides extra-légales : collectivités, caisses de sécurité sociale, mutuelles, Agefiph...

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