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La réforme des tutelles est définitivement adoptée

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Alors que près de dix ans de débats et de tergiversations auront été nécessaires pour préparer la réforme des tutelles, quelques semaines seulement auront suffi aux parlementaires pour adopter définitivement, le 22 février, la loi relative à la protection juridique des majeurs (sur les réactions associatives, voir ce numéro, page 38). Pour l'essentiel, ce texte, dont la grande majorité des dispositions n'entrera en vigueur que le 1er janvier 2009, a été adopté dans un climat consensuel. Seuls quatre « cavaliers législatifs », sans aucun lien avec la réforme, ont motivé la saisine du Conseil constitutionnel par 60 sénateurs socialistes et communistes.

Passage en revue des principales modifications apportées au projet de loi initial (1), sous réserve de l'éventuelle censure des neuf sages.

L'encadrement des mesures de protection juridique

Certains changements visent à mieux encadrer les régimes de protection juridique. A cet égard, l'ouverture d'une mesure de protection juridique en cas d'altération des facultés corporelles est désormais subordonnée à une impossibilité absolue pour la personne d'exprimer sa volonté. Le texte initial évoquait jusque-là un empêchement.

Par ailleurs, la loi autorise toute personne entretenant avec le majeur des liens étroits et stables à demander au juge des tutelles l'ouverture d'une mesure de protection juridique, même si cette personne ne réside pas avec le majeur (cette condition était exigée dans le projet de loi).

Dans le cadre de la procédure de placement sous une mesure judiciaire de protection, la loi prévoit désormais que l'intéressé, lorsqu'il est auditionné par le juge des tutelles, pourra être assisté par un avocat ou, sous réserve de l'accord du juge, par toute autre personne de son choix. Elle a également limité les possibilités de dispense d'audition aux seuls cas de mise en danger de la santé de la personne ou d'inaptitude à exprimer sa volonté. Et supprimé la dispense prévue en cas d'impossibilité, pour cette dernière, de comprendre la portée de la mesure.

Le texte accorde par ailleurs au juge la possibilité, lorsque l'altération des facultés personnelles de l'intéressé « n'apparaît manifestement pas susceptible de connaître une amélioration selon les données acquises de la science », à renouveler la mesure de tutelle ou curatelle pour une durée plus longue que celle du droit commun (cinq ans). Il appartiendra au juge de déterminer cette durée, par décision spécialement motivée et sur avis conforme du médecin.

Alors que le projet de loi initial prévoyait la cessation automatique d'une mesure de protection juridique lorsque le majeur protégé fixait sa résidence à l'étranger, la loi n'oblige plus le juge à y mettre fin mais l'autorise à le faire, à sa libre appréciation, « si cet éloignement empêche le suivi et le contrôle de la mesure ». En fait, il s'agit de prendre en compte la situation d'un certain nombre de personnes habitant des départements frontaliers contraintes, en raison du manque de places disponibles en établissement, de quitter le territoire national pour être hébergées et soignées à l'étranger.

Le renforcement de la protection des personnes

Du côté du droit des personnes protégées, le texte leur offre, par exemple, la possibilité d'entretenir des relations personnelles avec des tiers, parents ou non, et d'être visitées ou hébergées par ceux-ci.

Par ailleurs, alors que les députés souhaitaient introduire l'obligation de recourir à deux notaires pour établir un mandat de protection future (2) sous forme d'un acte authentique, la loi dispose finalement qu'il est reçu par un notaire choisi par le mandant, son acceptation par le mandataire étant alors faite dans les mêmes formes. Autrement dit, le mandat et son acceptation pourront être reçus par un même notaire ou par deux notaires différents (notamment en cas de conflits d'intérêts), simultanément ou successivement. En ce qui concerne le mandat sous seing privé, il devra être enregistré pour obtenir date certaine, cela afin d'améliorer sa sécurité juridique. De plus, la loi garantit la qualité de son contenu en exigeant qu'il soit contresigné par un avocat ou établi selon un modèle défini par décret.

Le dispositif d'accompagnement social et judiciaire

Contrairement au souhait de l'Assemblée nationale d'étendre le champ d'application du dispositif d'accompagnement social et judiciaire à d'autres ressources que les seules prestations sociales, le législateur en est resté au dispositif initial.

Par ailleurs, par coordination avec la mesure judiciaire d'aide à la gestion du budget familial introduite par la loi réformant la protection de l'enfance (voir ce numéro, page 7), le texte prévoit que, lorsque ces deux dispositifs coexistent pour un même foyer, les prestations familiales pour lesquelles le juge des enfants a ordonné la mesure d'aide à la gestion du budget familial sont exclues de plein droit de la mesure d'accompagnement judiciaire. En outre, les personnes chargées respectivement de l'exécution de ces mesures pour une même famille devront s'informer mutuellement des décisions qu'elles prennent.

En outre, une nouvelle hypothèse d'ouverture de la mesure d'accompagnement personnalisé est prévue. Elle pourra ainsi être prononcée « à l'issue d'une mesure d'accompagnement judiciaire arrivée à échéance », au bénéfice d'une personne répondant aux conditions d'ouverture de cette mesure (perception des prestations sociales, difficultés à gérer ses ressources mettant en danger sa santé ou sa sécurité). Le contrat conclu dans ce cadre aura une durée minimale de six mois.

Le régime des mandataires judiciaires à la protection des majeurs

Dans l'objectif de responsabiliser ces professionnels, la loi prévoit qu'ils doivent prêter serment lors de leur inscription sur la liste des mandataires établie par le préfet de département. Elle instaure également une liste nationale, qui devra être tenue à jour, des mandataires judiciaires à la protection des majeurs interdits d'exercice dans leur département d'origine.

Mais c'est une autre disposition - celle imposant aux établissements sociaux ou médico-sociaux pour personnes âgées et handicapées d'une certaine taille de désigner des préposés en qualité de mandataires judiciaires à la protection des majeurs - qui a suscité les plus nombreuses critiques au cours des débats et qui est aussi décriée par les associations du secteur. En cause : les risques de conflits d'intérêts potentiels entre ceux du majeur et ceux de l'établissement lui-même. Le législateur a toutefois maintenu sa position mais a limité cette obligation aux seuls établissements publics, ce qui n'interdira toutefois pas cette désignation dans les autres catégories d'établissements sociaux ou médico-sociaux. En outre, il ne sera pas possible à ces établissements de désigner l'un de leurs agents pour exercer les fonctions de mandataire judiciaire à la protection des majeurs si les conditions d'un exercice indépendant des mesures de protection ordonnées par le juge des tutelles ne sont pas garanties « de manière effective ». Le préfet disposera alors d'un droit d'opposition et d'un pouvoir d'annulation lorsque cette condition d'indépendance ne sera pas respectée.

Les parlementaires ont par ailleurs introduit des dispositions sur le statut du délégué aux prestations familiales - nouvelle appellation du tuteur aux prestations sociales enfants prévue par la loi relative à la protection de l'enfance -, chargé par le juge de percevoir et de gérer les prestations familiales dans l'intérêt du mineur. Son statut est aligné sur le nouveau régime applicable aux mandataires judiciaires à la protection des majeurs et assorti d'un régime transitoire.

Les autres dispositions

Un certain nombre de dispositions diverses ont été introduites dans le texte, plus particulièrement par l'Assemblée nationale. On retiendra notamment la ratification de deux ordonnances qui ont donc désormais une valeur législative : l'ordonnance du 8 juin 2005 relative aux règles de fonctionnement des juridictions de l'incapacité, qui a simplifié les règles relatives au fonctionnement des tribunaux du contentieux de l'incapacité et de la Cour nationale de l'incapacité ainsi qu'à la tarification de l'assurance des accidents du travail (3), et l'ordonnance du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation (4), sous réserve d'une correction aux dispositions transitoires applicables en matière de nom de famille.

Enfin, la loi a prévu que, à compter du 1er janvier 2010 et jusqu'au 1er janvier 2015, le gouvernement devra remettre chaque année au Parlement un rapport dressant le bilan statistique de la mise en oeuvre de la mesure d'accompagnement social personnalisé, ainsi que de l'évolution du nombre de mesures de protection judiciaire des majeurs, afin que les élus nationaux puissent s'assurer que l'Etat respecte les engagements de compensation des charges financières assumées par les départements.

(Loi à paraître)
Notes

(1) Voir ASH n° 2489 du 12-01-07, p. 21.

(2) Un mandat de protection future peut être confié à une personne physique dès la publication de la loi. Toutefois, il ne peut prendre effet qu'à compter du 1er janvier 2009.

(3) Voir ASH n° 2412 du 17-06-05, p. 6.

(4) Voir ASH n° 2415 du 8-07-05, p. 16.

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