Dans une enquête sur l'impact des aides à l'emploi sur la baisse du chômage (1), commandée par la commission des finances du Sénat, la Cour des comptes souligne les défauts criants de la politique de l'emploi en matière de contrats aidés.
Premier constat : en dépit des efforts récents de simplification, le panorama actuel des aides à l'emploi reste marqué « par l'éclatement et l'instabilité ». Le droit des contrats aidés se caractérise « par l'urgence de la régulation à court terme de la file d'attente sur le marché du travail », soulignent les magistrats. Dans cette optique, les modifications des dispositifs constituent « une succession d'essais pour atteindre les publics jugés prioritaires à un moment donné ». Or « ces changements de court terme sont souvent contre-productifs, les problèmes d'emploi nécessitant un traitement sur la durée », constate la Cour des comptes, à l'instar du Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale (2). En d'autres termes, la diversité des aides à l'emploi reflète, en partie, une volonté d'adaptation aux besoins de populations différentes de bénéficiaires. Mais, pour autant, la palette des dispositifs doit « rester relativement simple pour pouvoir être appropriée par les acteurs du service public de l'emploi et les bénéficiaires potentiels », considèrent les magistrats de la rue Cambon. C'est dans cet esprit qu'a été engagée récemment une démarche de simplification par réduction du nombre de catégories de contrats aidés. Simplification dont la Cour des comptes regrette le caractère relatif, pour plusieurs raisons : notamment, « les contrats nouveaux viennent souvent constituer une strate supplémentaire sans articulation avec les textes antérieurs ; il y a souvent simple «parenté» d'un dispositif à l'autre, sans que tel contrat soit clairement désigné comme le successeur d'un autre ».
La Cour des comptes analyse par ailleurs les différents dispositifs du point de vue de leur efficacité et de leur coût. Principal enseignement qu'elle tire : les contrats aidés dans le secteur non marchand ont « un impact plus immédiat et plus direct sur les chiffres du chômage ». Mais ces résultats, qui se situent dans le court terme, « doivent être relativisés par une analyse de l'accès des bénéficiaires, sur une période de temps plus longue, à l'emploi non aidé », tempère la cour. Plus généralement, elle constate que « l'impact réel des contrats aidés sur la réduction du nombre de chômeurs reste difficile à évaluer, notamment en raison des effets d'aubaine, tandis que leur rôle en matière d'insertion sociale ne saurait être négligé ». D'où le besoin impérieux d'élaborer une méthodologie adaptée d'analyse de l'efficience de ces dispositifs.
Elle met également en regard le bénéfice des contrats aidés et l'accès à l'emploi non aidé, et aboutit à cette conclusion : « l'hypothèse d'une «trajectoire dans les contrats aidés» rapprochant progressivement de l'emploi non aidé - premier contrat aidé dans le non-marchand puis second dans le secteur marchand avant l'accès à un emploi non aidé - se vérifie peu en pratique ; on constate, en effet, des phénomènes de «fixation» de bénéficiaires dans les filières n'offrant qu'un accès limité à l'emploi non aidé ». Par ailleurs, un « effet de stigmatisation » serait attaché à certains contrats aidés (le contrat emploi-solidarité, par exemple), lesquels, explique la cour, « conduisent plus facilement à cantonner leurs bénéficiaires dans l'emploi aidé et, lorsqu'ils donnent accès à de l'emploi non aidé, [les] dirigent plus sur des contrats précaires ».
Allant au-delà de la simple dénonciation, les magistrats de la rue Cambon énoncent plusieurs conditions pour renforcer l'efficacité des contrats aidés. Parmi elles, la nécessité d'« estimer en amont les risques d'effets de distorsion », après avoir notamment mis en évidence « des présomptions d'effets d'aubaine (3) importants pour plusieurs contrats aidés » - tels le soutien à l'emploi des jeunes en entreprise (dispositif « SEJE »), le contrat de professionnalisation et le contrat nouvelles embauches -, et insisté sur l'importance de les résorber au maximum. Autre priorité pour la cour : assurer la stabilité des dispositifs dans le temps, en cherchant à les simplifier. Une véritable simplification ne pourrait intervenir sans une refonte de l'architecture des contrats aidés impliquant la fusion ou la suppression d'un certain nombre d'entre eux, selon les magistrats. Ils plaident pour « une armature stable avec un ou deux contrats type » par grandes catégories d'objectifs (alternance, accès à l'emploi en entreprise, insertion sociale et accompagnement renforcé vers l'emploi). Et, à cet égard, juge d'un bon oeil la création d'un contrat unique d'insertion (voir ce numéro, page 25).
L'étude insiste également sur la nécessité de « favoriser la construction de parcours qualifiants à travers le passage en contrat aidé ». A cette fin, la validation des acquis de l'expérience devrait constituer « un outil très utile », estiment ses auteurs, qui rappellent que les indications disponibles sur l'accès des bénéficiaires de contrats aidés à cette voie laissent à penser que celui-ci reste aujourd'hui « très réduit ».
Pour la cour, il s'agit aussi de mobiliser davantage les contrats aidés comme de véritables outils de placement, ce qui ne paraît pas encore le cas actuellement, leur utilisation étant souvent considérée comme trop complexe par les conseillers pour l'emploi. La mise en place du suivi plus fréquent des demandeurs d'emploi devrait permettre de donner de la chair à cette ambition. En outre, les magistrats de la rue Cambon militent pour un renforcement des démarches d'évaluation des aides à l'emploi, ce qui permettra d'« assurer un pilotage et un contrôle effectif » des contrats aidés. Et plaide enfin pour une meilleure coordination des acteurs impliqués, rendue nécessaire par le rôle dorénavant joué par les collectivités territoriales dans la politique de l'emploi et d'insertion professionnelle.
(1) Prochainement disponible sur
(3) « Un effet d'aubaine se produit lorsqu'une mesure d'aide profite à un bénéficiaire qui, sans aide, aurait pris la même décision (ici, l'embauche d'un demandeur d'emploi) », explique la Cour des comptes.