Statuant en référé à la demande du Groupe d'information et de soutien des immigrés, de la Ligue des droits de l'Homme et de l'Association de défense des droits des étrangers, le Conseil d'Etat a suspendu le 15 février une disposition de la circulaire du 22 décembre 2006 (1) dans laquelle le ministère de l'Intérieur délivrait ses consignes concernant l'entrée en vigueur de la nouvelle mesure d'éloignement créée par la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration : l'obligation de quitter le territoire français (OQTF), exécutée d'office un mois après sa notification sans qu'il soit besoin pour les préfectures de prendre un arrêté de reconduite à la frontière (sur les réactions associatives, voir ce numéro, page 52).
Pour mémoire, le législateur a reculé l'entrée en vigueur du nouveau dispositif jusqu'au lendemain de la publication d'un décret modifiant le code de justice administrative. Ce décret est paru le 29 décembre dernier au Journal officiel (2). Depuis le 30 décembre 2006, les décisions de refus de séjour peuvent donc être assorties d'une OQTF. Avant cette date, c'est la réglementation antérieure qui est restée applicable. Les préfectures ont donc pu continuer à accompagner leurs décisions de retrait ou de refus de séjour d'une invitation à quitter le territoire français dans le délai de un mois. Au-delà de ce délai, en cas d'interpellation, une préfecture peut en principe prendre un arrêté de reconduite à la frontière (APRF) à l'encontre de l'intéressé. Problème : cette procédure de l'APRF n'existe plus depuis l'entrée en vigueur du décret du 29 décembre 2006, sauf pour les cas où l'irrégularité de la situation d'un étranger est découverte en dehors de toute demande de titre de séjour. Par conséquent, quid des étrangers qui se sont vu opposer un refus de séjour avant le 30 décembre 2006, sans OQTF donc puisque celle-ci ne pouvait pas être prononcée à l'époque, mais avec une invitation à quitter le territoire dans un délai de un mois ? Peuvent-ils malgré tout faire l'objet d'un APRF en cas d'interpellation ? Ni la loi, ni le décret n'ont prévu de dispositions à ce sujet. Le ministère de l'Intérieur a voulu apporter une réponse dans une disposition de sa circulaire du 22 décembre 2006, invitant les préfets à prendre un APRF à l'encontre des étrangers entrant dans ce cas de figure car, selon lui, faute d'avoir répondu à l'invitation de quitter le territoire français, ils « ont objectivement rejoint, du fait de leur maintien en France, la situation d'irrégularité de séjour prévue aux 1° et 2 ° du II de l'article L.511-1 » du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda), qui permet de prendre un arrêté de reconduite à la frontière.
Le Conseil d'Etat lui a donné tort. « Contrairement à ce qu'indique la circulaire contestée » par les associations, un étranger auquel un titre de séjour a été précédemment refusé ou retiré ne se trouve pas, « de ce seul fait », ni dans la situation mentionnée au 1° du II de l'article L. 511-1 du Ceseda, qui est celle de l'étranger irrégulièrement entré sur le territoire français, ni à celle mentionnée au 2° du même article, qui vise pour sa part le cas de l'étranger qui entre en France sans visa ou, s'il est dispensé de visa, se maintient sur le territoire au-delà de trois mois sans demander un titre de séjour.
Pointant également l'absence de dispositions transitoires dans la loi et le décret précité, les sages du Palais Royal ont encore invoqué un « doute sérieux sur la légalité » de la disposition attaquée et décidé sa suspension.