Hasard du calendrier, la veille de la décision du Conseil d'Etat validant la circulaire du 21 février 2006 relative aux conditions d'interpellation des étrangers en situation irrégulière (voir ci-dessus), la Cour de cassation a réaffirmé sa position en matière d'arrestations de clandestins au guichet des préfectures après convocation des intéressés : une telle convocation doit être loyale (1) et non pas un prétexte à son interpellation.
Dans cette affaire, la Haute Juridiction avait à juger du cas d'un ressortissant algérien visé par un arrêté de reconduite à la frontière qui, après avoir été convoqué par l'administration - à la demande de son avocat - pour un réexamen de sa situation administrative, s'était présenté à la préfecture de la Seine-Saint-Denis. Sa situation n'ayant pas évolué aux yeux des pouvoirs publics, l'intéressé s'est alors retrouvé immédiatement placé en rétention administrative, sur ordre du préfet. 48 heures plus tard, l'administration a sollicité la prolongation de cette rétention, ce que le juge des libertés et de la détention lui a refusé. Saisie à son tour, la cour d'appel a confirmé cette décision, estimant notamment que l'interpellation de l'étranger constituait une « pratique déloyale » contraire à l'article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales relatif à la liberté et à la sûreté. La préfecture s'est alors tournée vers la Cour de cassation... qui donc, à son tour, lui a donné tort : « l'administration ne peut utiliser la convocation d'un étranger faisant l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière [et] qui sollicite l'examen de sa situation administrative nécessitant sa présence personnelle pour faire procéder à son interpellation en vue de son placement en rétention ». En l'espèce, les conditions de l'interpellation de l'intéressé étaient bien contraires à l'article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
Rappelons que, dans leur circulaire du 21 février 2006, Nicolas Sarkozy et Pascal Clément mettent en garde les préfectures précisément contre les difficultés contentieuses qui peuvent survenir, devant la Cour de cassation, en cas de convocation d'un étranger visé par un arrêté de reconduite à la frontière.
(1) Comme l'ont rappelé les ministres de l'Intérieur et de la Justice dans leur circulaire du 21 février 2006, la Cour de cassation a déjà, par le passé, validé la procédure d'interpellation d'un étranger clandestin s'étant présenté à la préfecture suite à une convocation pour un examen de sa situation. Simplement, il ressortait des faits de l'espèce que la préfecture n'avait pas tendu de piège à l'intéressé : ce dernier s'était déplacé en connaissance de cause et l'administration avait procédé à l'examen effectif de sa situation.