62 882 affaires transmises à l'institution en 2006, soit une augmentation de 4,5 % par rapport à l'année précédente ; 28 998 demandes d'informations et d'orientation reçues ; 33 824 réclamations traitées, dont un tiers relevant du domaine social... Tels sont les principaux chiffres à retenir du dernier rapport annuel du médiateur de la République, remis au chef de l'Etat le 12 février (1).
Au-delà des chiffres, Jean-Paul Delevoye y évoque également les grands chantiers engagés durant l'année écoulée. Une année durant laquelle il aura accordé une attention particulière à la « protection des plus faibles ». Il revient notamment sur la problématique du malendettement, terme amené, selon lui, à « remplacer celui de surendettement pour mieux rendre compte d'une réalité qui a fortement évolué ces dernières années ». En effet, explique-t-il, si « l'abus de crédits entraînant un surendettement a sensiblement diminué », le « malendettement lié à des accidents de la vie » - suite à une séparation, une maladie... - a de son côté augmenté et représente une majorité de foyers en difficulté (73 %). Les caractéristiques communes des cas traités en la matière par les services du médiateur, les « dysfonctionnements » ou les « iniquités » qu'ils ont révélés, ont conduit Jean-Paul Delevoye à faire plusieurs propositions de réformes. Ayant relevé « certaines lacunes » dans l'application de la procédure de rétablissement personnel (2), il recommande, en particulier, de réduire à cinq années maximum les délais d'inscription au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP). « L'inscription pendant huit à dix ans au FICP peut en effet engendrer des effets pervers, car ce fichier est accessible aux établissements de crédit », explique le rapport. « Cela signifie une quasi-impossibilité de souscrire un emprunt durant cette période, voire d'ouvrir un compte en banque malgré l'existence légale d'un droit au compte. » Or, souligne-t-il encore, « l'exclusion bancaire augure souvent d'une exclusion sociale plus large ».
Autre thème abordé par le médiateur de la République : « l'impuissance » ressentie par les administrés face aux organismes sociaux. Dans son collimateur en particulier : le dispositif actuel d'évaluation forfaitaire des ressources en matière de prestations familiales et de logement, déjà dénoncé dans son premier rapport annuel en 2004 (3) et qui a, de nouveau, fait l'objet de réclamations devant l'institution en 2006. Ce système « engendre de fait de nombreuses difficultés et conduit à des conséquences profondément injustes », a répété Jean-Paul Delevoye. « Des personnes qui auraient droit au montant maximum de l'allocation, si leurs ressources réelles perçues au cours de l'année de référence étaient prises en compte, se voient attribuer une allocation moindre, ou sont privées de leur aide au logement du fait de l'application de l'évaluation forfaitaire. » Le médiateur, qui souhaite la suppression de ce système pour le calcul des prestations familiales et de logement attribuées sous conditions de ressources et prône un retour à l'application du droit commun (4), regrette, à cet égard, que ses demandes restent pour l'instant ignorées par les ministères concernés.
Evoquant la réforme du régime des tutelles et curatelles - un autre de ses grands chantiers -, Jean-Paul Delevoye se félicite en revanche qu'une partie de ses propositions, concernant notamment l'organisation de l'activité des mandataires judiciaires à la protection des personnes, ait été reprise dans le projet de loi portant réforme de la protection juridique des majeurs, qui doit être définitivement adopté par le Parlement le 22 février (5).
Plus généralement, il déplore toujours « la complexité des textes et le labyrinthe des procédures », qui « élèvent des barrières souvent infranchissables », surtout pour « les citoyens les plus démunis, ceux que l'aide publique doit accompagner au mieux mais qui ne bénéficient même pas, dans bien des cas, d'une information claire et actualisée sur leurs droits ». Abordant notamment la question de l'accès au droit des détenus, il se réjouit toutefois de la généralisation programmée de l'expérimentation ayant permis la tenue dans des prisons de permanences de délégués du médiateur (6). Et se dit intéressé par la nouvelle mission de contrôle extérieur et indépendant de l'ensemble des lieux privatifs de liberté, qui devrait lui être confiée par le garde des Sceaux.
Enfin, le médiateur annonce, en tant que défenseur attentif des libertés individuelles, une « vigilance accrue » face à la « mise en oeuvre de moyens défensifs » par l'Etat tels que les fichiers de police et de gendarmerie ou encore face à la nouvelle politique d'immigration choisie qui reste un « chemin à baliser ».
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(2) Laquelle, pour mémoire, doit permettre à une personne enlisée dans une situation de surendettement de refaire surface grâce à un apurement de ses dettes suite à la liquidation judiciaire de son patrimoine privé - Voir ASH n° 2350 du 12-03-04, p. 19.
(4) C'est-à-dire le calcul du montant de ces prestations sur la base des ressources effectivement perçues lors de l'année de référence n - 1.