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Tutelles : « Attention à la confusion des rôles »

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Les délégués à la tutelle ont de plus en plus le sentiment de crouler sous des tâches administratives... qui ne leur incombent pas forcément. Une situation d'autant plus regrettable que la qualité de l'accompagnement tutélaire s'en trouve affectée, explique Didier Prévot, directeur de l'Association tutélaire de la Fédération protestante des oeuvres (ATFPO), à Paris (1).

« Entre le tuteur «ripou» dont les médias se font l'écho régulièrement et le tuteur «sauveur» incarné dans une série télévisée, je revendique pour les associations tutélaires leur juste place : celle de tuteurs, tout simplement, assurant les missions que leur assigne le code civil. Rien de plus, rien de moins.

« Pourquoi l'affirmation d'une évidence ? Le délégué à la tutelle aide la personne à être acteur de sa vie dans les limites de ses capacités, en gérant avec elle un budget établi ensemble, en rappelant les engagements pris de part et d'autre, en l'aidant à identifier le rôle des différents intervenants autour d'elle. Il l'assiste ou la représente auprès des tiers pour les contrats liés au logement ou à l'hébergement, ou tout acte de disposition auprès des banques, des notaires...

Si cet accompagnement peut avoir une certaine fonction thérapeutique, il ne viendrait à l'idée de personne de confondre le rôle du tuteur ou du curateur avec celui d'un thérapeute. De même, si l'accompagnement tutélaire s'inscrit dans le champ du social, notre rôle n'est pas d'assurer les fonctions de l'assistant social de secteur, de la conseillère en économie sociale et familiale, de l'éducateur spécialisé, mais bien de travailler en partenariat avec tous ces acteurs, dans une position d'assistance ou de représentation d'un citoyen en incapacité d'effectuer seul ses démarches personnelles.

« Or, actuellement, l'ATFPO, comme nombre d'associations, est confrontée de plus en plus souvent à la difficulté d'utiliser les services auxquels devraient pouvoir accéder les personnes sous mesure de protection. Tout un volet de l'accompagnement tutélaire - les visites au domicile des personnes protégées - se trouve mal assumé du fait de l'importance croissante d'un travail social administratif dont nos théoriques partenaires se déchargent sur nous. Il y a là confusion des rôles.

« Dans 80 % des cas, aujourd'hui, nous sommes contraints de constituer seuls le dossier d'allocation logement, le dossier d'aide juridictionnelle, le dossier de surendettement, le dossier du Fonds de solidarité logement, le dossier d'aide sociale, le dossier de retraite ou d'invalidité... Or, dans le contexte du financement actuel, un délégué à la tutelle de l'ATFPO peut consacrer en moyenne deux heures par mois et par personne pour assumer le travail relationnel, administratif et financier, temps de déplacement compris. En l'espace de dix ans, la charge de travail social administratif a réduit le temps de présence effective auprès de la personne protégée : de une heure (ce qui était déjà très peu), il est passé en moyenne à 25 minutes par mois et par personne.

« Il y a là une dérive absolument intolérable qui a pour conséquence une baisse de qualité de l'accompagnement et surtout une atteinte à la dignité de la personne protégée, qui se retrouve trop souvent infantilisée, contrainte de passer par un médiateur donneur d'ordre, son curateur ou son tuteur, quand le code civil ne l'y oblige en rien.

« Par exemple, dans les faits, une personne sous curatelle ne peut plus déposer plainte au commissariat seule, son curateur est requis ; elle ne peut plus solliciter seule une assistante sociale pour obtenir une aide d'un CCAS, le dossier doit être instruit par le curateur.

« L'explication de cette dérive réside peut-être dans l'amalgame fait entre tuteur associatif et tuteur familial. Il paraît en effet naturel qu'un membre de la famille d'une personne protégée s'investisse «sans compter» auprès de son parent vulnérable, et sans faire forcément appel aux services sociaux. Plus de la moitié des 700 000 personnes placées sous mesure de protection sont confiées par les juges des tutelles à un de leurs parents.

« Je demande donc une prise de conscience des professionnels du sanitaire, du social et du médico-social car le projet de loi réformant les tutelles introduit une responsabilité plus grande pour le tuteur, dans un contexte économique tendu qui nous laisse entrevoir un plafonnement de nos moyens. J'en appelle au bon sens, afin d'avancer vers un véritable partenariat où chacun assume sa part, et où les combats seront menés ensemble. »

Notes

(1) ATFPO : 35, rue Daviel - 75013 Paris - Tél. 01 58 40 86 00 - atfpo@wanadoo.fr.

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