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Les aides personnelles au logement, la rétention des étrangers clandestins et la politique des soins palliatifs dans le collimateur de la Cour des comptes

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La Cour des comptes a présenté le 8 février son « rapport public annuel 2006 » (1). L'occasion pour les magistrats de la rue Cambon de rendre compte, comme de coutume, à partir d'exemples concrets, de la bonne ou de la mauvaise qualité de la gestion des deniers publics. Mais aussi de mettre en lumière les difficultés rencontrées par les administrations dans la mise en oeuvre de certaines politiques publiques. Cette année, la gestion des aides personnelles au logement, la rétention des étrangers en situation irrégulière et la politique de soins palliatifs figurent parmi ses sujets de préoccupation.

L'efficacité des aides personnelles au logement en question

La Cour des comptes constate une dégradation du taux de couverture de la dépense de logement, et donc de l'efficacité sociale des aides personnelles au logement. Deux raisons sont avancées : d'une part, l'insuffisance des mesures de revalorisation des barèmes et, d'autre part, les mesures d'économies décidées en accompagnement des différentes actualisations. Ainsi, en cherchant, ces dernières années, à contenir la dépense liée à ces aides, les pouvoirs publics ont, selon le rapport, contribué à éroder de façon continue leur pouvoir solvabilisateur face à l'évolution des loyers et des charges réellement supportés par les bénéficiaires. « Il semble en fait que les deux grandes réformes sociales [récentes] [(2)] ont entraîné - en élargissant le nombre de bénéficiaires pour l'une et en augmentant le montant d'aide versé pour l'autre - un surcoût tel qu'il a été jugé nécessaire de l'atténuer en freinant les révisions annuelles des barèmes », analysent les magistrats. Or, à leurs yeux, la priorité est le maintien de l'efficacité sociale du dispositif. Ils estiment, par conséquent, que si l'on souhaite également éviter une dégradation supplémentaire des finances publiques, « le seul choix possible » est de « réduire progressivement l'effectif bénéficiaire ». La cour préconise ainsi un recentrage des aides au bénéfice des populations les plus démunies. Elle suggère notamment, pour y parvenir, un relèvement important du plancher de ressources des étudiants non boursiers (3). « La mise en oeuvre de cette proposition contribuerait à réduire la pression exercée par la demande sur les petits logements, pour éviter qu'elle ne se traduise par des hausses de loyers qui, au final, se retournent contre ceux que l'on a souhaité aider. »

Autre source d'inquiétude pour la Cour des comptes : l'inégalité entre allocataires du parc privé et allocataires du parc social. Les premiers supportent des loyers supérieurs aux seconds. « Or il leur est appliqué le même niveau de loyer-plafond et ils perçoivent le même montant d'aide depuis l'unification des barèmes dans le secteur locatif ». En outre, il existe « des distorsions très importantes dans les taux d'effort nets et dans leur évolution selon que les ménages pauvres sont des locataires du parc privé ou du parc social », déplorent les magistrats. Cette inégalité, soulignent-ils, n'est pas justifiée par une différence de situation sociale entre allocataires. En effet, « les revenus moyens et médians des allocataires logés dans le secteur privé sont inférieurs à ceux des allocataires logés dans le parc social ».

Dans ces conditions, pour réduire l'écart entre les taux d'effort respectifs de ces deux catégories d'allocataires, à situation familiale et sociale équivalente, la Cour des comptes recommande aux pouvoirs publics d'étudier la possibilité de découpler les loyers-plafonds en aide personnalisée au logement (APL) et en allocations de logement (AL), afin de les fixer à un niveau supérieur en AL. « L'avantage relatif conféré aux allocataires du parc privé compenserait alors leur surcoût de loyer. » A condition, bien sûr, que les propriétaires n'en profitent pas pour augmenter leurs loyers, ajoutent les magistrats, conscients de la difficulté du chantier... et qu'il ne sera pas aisé de remédier à l'inégalité de traitement constatée tant que l'insuffisance du nombre de logements sociaux et la faible mobilité dans le parc existant exerceront une pression aussi forte sur les loyers du parc privé.

Les locaux de rétention administrative épinglés

Egalement dans le collimateur de la Cour des comptes cette année : les centres et les locaux de rétention administrative (CRA et LRA), utilisés pour retenir les étrangers en situation irrégulière avant leur éloignement du territoire national. Le rapport souligne tout d'abord, comme d'autres avant lui, l'existence d'un système à deux vitesses entre les deux régimes de rétention. Les exigences d'aménagement et d'équipement des LRA demeurent en effet beaucoup plus sommaires : la salle réservée au service médical, l'espace de promenade à l'air libre et la salle de détente n'y sont, par exemple, pas obligatoires. En outre, l'assistance des étrangers par une association y est possible mais n'est pas imposée par la réglementation.

Ce qui inquiète les magistrats, c'est que, loin d'être marginal, le recours à ce type de locaux se développe et ne se fait pas toujours dans le respect des textes. Le constat n'est du reste pas nouveau : le délai légal maximal de 48 heures peut être largement dépassé pour une proportion importante des étrangers retenus dans ce type de structures. Ainsi, en 2005, « dans au moins neuf LRA sur 73, la durée moyenne de séjour des étrangers retenus était comprise entre quatre et neuf jours ». Certes, le maintien dans des LRA peut excéder 48 heures en cas de recours formé devant le tribunal administratif ou la cour d'appel, s'il n'existe pas de CRA dans le ressort de ces derniers. Toutefois, souligne le rapport, la fréquence des recours ne suffit pas à justifier les durées observées. « D'ailleurs, la durée moyenne de rétention dans certains locaux, comme celui de Versailles, dépasse 48 heures bien qu'ils soient situés dans un département doté d'un CRA dans les ressorts de la cour d'appel et du tribunal administratif. » Ainsi, de fait, « un certain nombre de locaux de rétention administrative sont utilisés en lieu et place des centres de rétention » et « certains étrangers y sont maintenus jusqu'à leur éloignement du territoire national ». Autrement dit, « la réglementation en vigueur tolère, sans prévoir un dispositif suffisant de contrôle, une dérogation importante au régime de droit commun applicable aux étrangers maintenus en rétention administrative ». Ce qui fait s'alarmer la Cour des comptes : « en période de saturation des capacités d'accueil des CRA, ce régime ambigu ne peut qu'encourager la multiplication des locaux de rétention administrative à caractère permanent et provoquer des risques d'abus ». Les magistrats recommandent par conséquent aux pouvoirs publics d'exercer un contrôle plus rigoureux sur les conditions de séjour des étrangers dans ce type de structures.

Plus globalement, elle fustige l'absence d'évaluation véritable du coût global de la politique d'éloignement, « qui contraste avec la priorité absolue donnée par le ministère de l'Intérieur à l'accroissement du nombre d'étrangers reconduits à la frontière à partir des centres de rétention ».

La politique des soins palliatifs passée au crible

La Cour des comptes s'est également penchée sur la politique menée depuis 1999 pour développer l'offre en soins palliatifs. « En raison de son caractère récent, elle s'est déployée dans un champ encore mal défini et en l'absence de connaissance précise des besoins », critiquent les magistrats. Ainsi, « d'importantes inégalités d'accès demeurent selon la région, la pathologie, l'âge du malade ou encore la structure de soin qui le prend en charge. » Le rapport souligne en particulier, sur ce dernier point, l'insuffisant développement des soins palliatifs à domicile et dans le secteur médico-social et appelle les pouvoirs publics à y remédier.

Notes

(1) Disponible à La Documentation française : 29/31, quai Voltaire - 75344 Paris cedex 07 - Tél. 01 40 15 70 00 - 24 € .

(2) Première grande réforme visée par le rapport : à partir du 1er janvier 1991, l'allocation de logement sociale a reçu pour finalité d'aider les personnes ayant des ressources modestes et une charge de logement qui étaient laissées en dehors du champ de l'allocation de logement familiale et de l'aide personnalisée au logement. La seconde grande réforme récente a consisté à aligner les barèmes dans le secteur locatif en 2001-2002, afin notamment de corriger l'inégalité entre bénéficiaires des allocations de logement et de l'aide personnalisée au logement.

(3) Le « plancher de ressources » appliqué aux étudiants doit s'entendre comme un montant minimal de ressources. Si un étudiant déclare un montant de ressources inférieur - ce qui arrive fréquemment -, le calcul de l'aide au logement est effectué à partir de ce plancher de ressources, et non du montant véritable des ressources de l'intéressé. Depuis le 1er juin 2004, en secteur locatif (hors foyer), ce montant est de 5 500 € pour un étudiant non boursier et de 4 400 € pour un étudiant boursier.

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