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L'intervention alcoologique en prison manque de moyens

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Alors que 20 % des détenus souffrent d'une alcoolodépendance, la réponse médico-sociale en milieu carcéral reste insuffisante. C'est ce qui ressort de l'enquête rendue publique le 5 février par la Fédération des acteurs de l'alcoologie et de l'addictologie (F3A), effectuée par téléphone, de juin 2004 à décembre 2005, auprès de 185 établissements pénitentiaires (dont 128 maisons d'arrêt et 51 établissements pour peine) (1).

Résultat : 30 établissements (16 %) ne proposent aucune intervention alcoologique, même si 11 d'entre eux déclarent avoir un projet en ce sens. Sur les 155 établissements pénitentiaires restants, on recense 266 interventions alcoologiques menées en majorité par des professionnels (178) et des bénévoles. Si ces chiffres pourraient laisser croire que l'offre de soins est « amplement répartie, d'un point de vue quantitatif », une analyse plus fine « révèle la faiblesse qualitative du dispositif », nuancent les auteurs de l'étude.

60 % des établissements accueillent ainsi des « interventions individuelles professionnelles », c'est-à-dire menées par des médecins, psychologues ou travailleurs sociaux du secteur alcoologique en vue de prendre en charge individuellement les détenus dépendants à l'alcool. Néanmoins, dans 89 établissements, cette intervention ne repose que sur une seule personne. Poursuivant leurs calculs, les auteurs de l'étude en déduisent qu'il y a moins d'un intervenant individuel professionnel (0,78) par établissement pénitentiaire. Et que « trois minutes d'offre de soins spécialisée sont disponibles par semaine pour chaque personne alcoolodépendante incarcérée ».

A 97 %, les professionnels du secteur alcoologique visent une orientation post-carcérale vers un centre de cure ambulatoire en alcoologie. Avant le travail sur la motivation du patient (94 %), l'orientation sur un suivi individuel dans l'établissement (88 %) et l'évaluation sociale et psychologique (72 %). Des objectifs qu'ils ont néanmoins du mal à atteindre en raison de plusieurs difficultés : elles tiennent notamment à l'organisation pénitentiaire (délais d'attente pour recevoir les détenus), au manque de temps et de financement, au problème de locaux, aux relations qu'ils entretiennent avec le service pénitentiaire d'insertion et de probation (qu'ils sont censés informer des éléments permettant une meilleure compréhension du dossier du détenu alors qu'ils sont tenus au secret professionnel).

Les professionnels du secteur alcoologique peuvent aussi mener des interventions « groupales » en organisant des réunions régulières sur le thème de l'alcool. Or seuls 31 % des 185 établissements pénitentiaires accueillent ce type d'action. Et le temps de travail hebdomadaire moyen, tous intervenants confondus, est faible puisqu'inférieur à une heure.

L'étude s'est également penchée sur le financement des interventions alcoologiques professionnelles. Il est assuré à 28 % par la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, à 20 % par l'assurance maladie et à 9 % par les hôpitaux. Les autres sources de financement sont la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, l'administration pénitentiaire ou d'autres structures.

A côté des interventions alcoologiques, les services de l'établissement effectuent une prise en charge interne, elle aussi insuffisante. Dans 58 % des établissements, le sevrage des détenus ne suit aucun protocole particulier. Et dans 71 % d'entre eux aucun référent en alcoologie ne semble avoir été désigné. Parmi les difficultés ressenties par les professionnels - en majorité des personnels des unités de consultations et de soins ambulatoires (2) -, arrivent au premier plan le manque de temps et le manque de fonds pour financer des actions.

En conclusion, cette étude, qui constitue la réplique d'une première enquête conduite en 1993, note, depuis cette date, une extension importante de l'intervention alcoologique en prison en ce qui concerne le nombre d'établissements. Néanmoins, celle-ci reste d'intensité variable et globalement faible. Elle « ne permet pas de répondre aux besoins de soins et d'aide de l'ensemble des personnes alcoolodépendantes incarcérées », déplorent ses auteurs. Lesquels suggèrent de multiplier par cinq le temps de travail disponible pour l'activité alcoologique en prison.

Notes

(1) « L'offre de soins en alcoologie dans les établissements pénitentiaires en France » - Agnès Dumas et Philippe Michaud - F3A : 154, rue Legendre - 75017 Paris - Tél. 01 42 28 65 02.

(2) Le suivi médical des personnes présentant une dépendance à une drogue ou à l'alcool est assuré essentiellement par les unités de consultations et de soins ambulatoires et le service médico-psychologique régional.

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