Le Parlement a définitivement adopté le 23 janvier la loi de modernisation de la fonction publique. Ce texte a pour principal objet de mettre en oeuvre les accords, conclus le 25 janvier 2006, sur l'action sociale et l'évolution statutaire dans la fonction publique (1). Il tend, pour l'essentiel, à faciliter les progressions de carrière, à développer la mobilité ainsi qu'à accroître les échanges entre les administrations publiques, mais aussi entre le secteur public et le secteur privé. Sont également réformées les règles applicables à la mise à disposition, à la déontologie et au cumul d'activités.
La loi étend d'abord aux fonctionnaires de l'Etat et hospitaliers (2) plusieurs dispositions déjà instituées pour les salariés du secteur privé par le volet « formation professionnelle » de la loi « Fillon » du 4 mai 2004 (3). Est ainsi consacré le droit à la « formation professionnelle tout au long de la vie ». Par ailleurs, en fonction de son temps de travail, chaque agent obtient dorénavant annuellement un droit individuel à la formation (DIF) qu'il utilise à sa demande, l'accord de son administration, qui prend en charge les frais de formation, étant toutefois requis. Il est précisé que l'agent suit les actions de formation - qui peuvent avoir lieu, en tout ou partie, en dehors du temps de travail, une allocation de formation devant alors lui être versée - dans le cadre de son DIF sans que cela remette en cause celles prévues par les statuts particuliers.
Les fonctionnaires ont aussi désormais accès à des périodes de professionnalisation comportant des actions de formation en alternance leur permettant d'exercer de nouvelles fonctions au sein d'un même corps ou cadre d'emplois ou d'accéder, selon des modalités qui doivent être fixées par décret, à un autre corps ou cadre d'emplois. Enfin, les agents peuvent bénéficier de deux nouveaux congés lorsqu'ils s'engagent dans une procédure de validation des acquis de l'expérience ou effectuent un bilan de compétences.
La loi tend également à valoriser l'expérience professionnelle au sein de la fonction publique de l'Etat et hospitalière, en inscrivant sa prise en compte non seulement lors de recrutements dans le cadre de l'un des trois concours - interne, externe et « troisième concours » -, mais également pour la promotion interne « au choix » (4) et l'avancement de grade.
Afin de développer les échanges entre administrations publiques et entre le secteur public et le secteur privé, le législateur a étendu les possibilités de mise à disposition en contrepartie d'une plus grande transparence. En particulier, les fonctionnaires de l'Etat peuvent être désormais mis à disposition des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, mais également d'Etats étrangers, sous réserve que l'agent « conserve, par ses missions, un lien fonctionnel avec l'administration d'origine ». L'Etat et ses établissements publics administratifs ont dorénavant, quant à eux, la possibilité de bénéficier de mises à disposition de personnels de droit privé, pour des fonctions nécessitant « une qualification technique spécialisée ». La mise à disposition des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers auprès des trois fonctions publiques est par ailleurs permise.
En outre, les règles de déontologie sont modifiées afin de sécuriser et de faciliter le départ de fonctionnaires vers le secteur privé. Le délit de prise illégale d'intérêts est, par exemple, redéfini, et la durée de l'interdiction d'exercer certaines activités privées, qui est actuellement de cinq ans à compter de la cessation des fonctions de l'agent, est réduite à trois ans. Enfin, la loi allège les règles de cumul d'activités pour les agents publics, soumis à un principe général d'interdiction du cumul d'activités. Ce dernier est conservé, mais les règles qui le mettent en oeuvre sont simplifiées et de nouvelles dérogations sont prévues. Notamment, les agents publics ont à présent la possibilité de créer ou de reprendre une entreprise tout en continuant à exercer leurs fonctions administratives pendant une durée maximale de un an. A cette fin, ils ont le droit, pour une période de un an au plus renouvelable une fois, d'accomplir un service à temps partiel ne pouvant être inférieur au mi-temps. Par ailleurs, les agents à temps partiel sont désormais soumis aux mêmes règles de cumul d'activités que ceux à temps complet - alors que leur régime actuel est plus restrictif -, et bénéficient donc des mêmes dérogations à l'obligation d'activité exclusive (5). Et pour assurer le maintien des services publics en milieu rural, est autorisé, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, le cumul d'emplois publics à temps non complet par des fonctionnaires de l'Etat dans les zones de revitalisation rurale. Les agents concernés, dont l'accord est requis, ont la garantie de bénéficier d'une rémunération équivalente à celle d'un emploi à temps complet.
La loi comporte enfin une série de mesures qui forment un ensemble pour le moins disparate mais qui, pour autant, s'articulent autour d'un objectif commun : faciliter la gestion des ressources humaines. Certaines consistent en un assouplissement de règles statutaires. Par exemple, il est précisé que le recrutement sans concours des fonctionnaires de la catégorie C n'est possible que pour l'accès au premier grade, et est consacrée la possibilité d'accéder directement au deuxième grade non seulement par la voie de l'avancement mais également par concours. Par ailleurs, la loi substitue au mi-temps thérapeutique un temps partiel thérapeutique, qui ne pourra être inférieur au mi-temps, et en ouvre le bénéfice aux fonctionnaires ayant eu six mois consécutifs de congé maladie « ordinaire » pour une même affection.
D'autres dispositions ont trait à l'action sociale et au financement de la protection sociale complémentaire. Le texte donne ainsi la définition de l'action sociale pouvant être mise en oeuvre par les employeurs publics (6), et précise que son bénéfice implique une participation du bénéficiaire à la dépense engagée, qui « tient compte, sauf exception, de son revenu et, le cas échéant, de sa situation familiale ». Il offre également une base légale au financement de la protection sociale complémentaire des fonctionnaires. D'autres dispositions encore concernent des problèmes spécifiques à certains personnels (fonctionnaires handicapés, entre autres). En particulier, il est prévu que les collectivités n'ont pas à comptabiliser dans leurs effectifs les agents affectés à des emplois non permanents lorsqu'ils ont été rémunérés pendant une période inférieure à six mois au 1er janvier de l'année écoulée. Il s'agit ainsi d'éviter de surestimer le nombre de personnes handicapées devant être employées par des collectivités ayant un fort recours aux emplois saisonniers.
En outre, la loi prévoit l'application au 1er novembre 2006 des mesures découlant des accords du 25 janvier 2006 et revalorisant les grilles de rémunération des agents de catégorie B et C des trois fonctions publiques (7). Et donne la faculté aux administrations et aux établissements publics de l'Etat volontaires de déroger, à titre expérimental, au titre des années 2007, 2008 et 2009, au principe selon lequel la note administrative reflète la valeur professionnelle de l'agent, et de fonder à l'avenir l'appréciation de cette dernière sur la base d'un entretien professionnel.
(2) Leur extension aux fonctionnaires territoriaux est prévue, quant à elle, par le projet de loi relatif à la fonction publique territoriale, en cours d'examen au Parlement - Voir ASH n° 2438 du 13-01-06, p. 7.
(4) C'est-à-dire la promotion interne par inscription sur une liste d'aptitude après avis de la commission administrative paritaire.
(5) Ces dérogations concernent, pour le secteur privé, la production d'oeuvres littéraires, artistiques ou scientifiques, les expertises, consultations ou enseignements donnés par des fonctionnaires dans les domaines ressortissant à leurs compétences et, pour les seuls personnels enseignants, l'exercice d'une profession libérale.
(6) Son but, qu'elle soit collective ou individuelle, est d'« améliorer les conditions de vie des agents publics et de leurs familles, notamment dans les domaines de la restauration, du logement, de l'enfance et des loisirs, ainsi qu'à les aider à faire face à des situations difficiles ».