Le projet de loi réformant la protection de l'enfance, adopté le 11 janvier en première lecture à l'Assemblée nationale (1), fait toujours consensus, même si les associations et les organisations professionnelles le jugent encore perfectible lors de son retour au Sénat, prévu pour le 8 février.
C'est en particulier la position de l'Uniopss (Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés sanitaires et sociaux) (2), qui souligne les avancées du texte voté par les députés. Parmi ces dernières : l'intégration des mineurs étrangers isolés dans le dispositif de protection de l'enfance, qui concerne désormais également « les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille ». Les restrictions concernant la protection des jeunes majeurs ont été supprimées, ces derniers ne devant plus avoir été précédemment suivis au titre de l'aide sociale à l'enfance (ASE). Les députés ont par ailleurs élargi les possibilités de saisine du défenseur des enfants, qui pourra notamment s'autosaisir. Autre satisfaction : l'Assemblée nationale a « clarifié l'articulation entre les dispositifs judiciaire et social, en maintenant les fonctions traditionnelles de la justice et du juge des enfants », puisque le conseil général pourra aviser le procureur de la République « lorsqu'un mineur est en situation de danger grave et manifeste », sans obligatoirement que l'intervention administrative ait eu lieu, comme le laisse entendre désormais la formulation de l'article.
Au chapitre des propositions d'amendements, l'Uniopss souhaite que l'articulation des missions de l'Observatoire national de l'enfance en danger et de l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux soit « rendue plus lisible », dans le respect de la loi 2002-2, sachant que, d'après cette dernière, l'Agence formule des recommandations en matière de bonnes pratiques professionnelles. Les missions de l'observatoire départemental de la protection de l'enfance devraient également être plus finement définies, demande l'Uniopss, qui s'interroge notamment sur l'opportunité de lui voir transmises les évaluations des services et établissements.
L'Uniopss, qui regrette toujours la notion trop floue d'« information préoccupante », préconise que toute transmission au conseil général se fasse « dans les meilleurs délais », comme prévu initialement, et non « sans délai » comme l'ont voulu les députés, afin de ne pas « isoler les travailleurs sociaux » qui devront « répondre à cette exigence d'immédiateté ». Elle s'inquiète en outre d'une nouvelle disposition selon laquelle le parquet devra contrôler les motifs de sa saisine par le conseil général, ce qui pourrait « entraîner non seulement un risque d'allongement des délais mais également une partie de ping-pong entre le conseil général et la justice ».
L'Uniopss propose par ailleurs de préciser les modalités de l'organisation de la coordination des acteurs par le président du conseil général : le rapport annuel sur la situation de chaque enfant bénéficiant de prestations d'aide sociale à l'enfance, souligne-t-elle, doit pouvoir être rédigé par l'établissement éducatif qui l'accueille, et non systématiquement par le service d'aide sociale à l'enfance. Par souci de cohérence, rappelle-t-elle, attention en outre à ne pas confondre le « projet pour l'enfant » établi entre l'ASE et les parents et le contrat de séjour prévu par la loi 2002-2. Elle souhaite en outre que le contenu de l'aide à domicile assurée dans le cadre de l'aide sociale à l'enfance soit précisé, en y intégrant distinctement une prestation d'aide en économie sociale et familiale.
L'Uniopss réitère son refus de voir la caisse nationale des allocations familiales piloter et gérer le Fonds de financement de la protection de l'enfance : « L'Etat se doit de réinjecter des moyens adaptés à cette réforme qu'il a décidée, par affectation de nouvelles recettes et non par redéploiements », argumente-t-elle. Enfin, elle demande la réintroduction des schémas conjoints dans le domaine de la protection de l'enfance et la création d'un « Conseil national de l'enfance, de la protection de l'enfance et de la jeunesse », qui serait « une véritable instance d'échanges et de concertation entre les différents acteurs concernés ».
Autre sujet de réserve : la place accordée aux services de protection maternelle et infantile, qui inquiète cette fois le Syndicat national des médecins de PMI (SNMPMI) (3), lequel a adressé des demandes de modification aux parlementaires et au ministre délégué à la famille.
Les députés ont en effet souhaité renforcer le rôle du conseil général en précisant que les missions du service départemental de protection maternelle et infantile, « dirigé par un médecin », seront exercées sous son autorité et sa responsabilité. Précision légitime, juge le SNMPMI, qui voit par contre d'un mauvais oeil que « le président du conseil général [ait] pour mission d'organiser » les différentes interventions (consultations et actions de prévention en faveur des femmes enceintes, activités de planification et d'éducation familiale, actions médico-sociales préventives à domicile...). En effet, si le président du conseil général doit être en mesure d'assurer la responsabilité de l'organisation des activités de la PMI, c'est au service de PMI de mettre en oeuvre lesdites missions, souligne le syndicat.
(1) Voir ASH n° 2454 du 5-05-06, p. 13 et, sur le texte voté par le Sénat en première lecture, ASH n° 2462 du 30-06-06, p. 35.
(2) Uniopss : 133, rue Saint-Maur - 75541 Paris cedex 11 - Tél. 01 53 36 35 00.
(3) SNMPMI : 65/67, rue d'Amsterdam - 75008 Paris -Tél. 01 40 23 04 10.