Le ministre de l'Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement, Jean-Louis Borloo, a présenté le 17 janvier, en conseil des ministres, le très attendu projet de loi « instituant le droit opposable au logement et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale ». La veille, il s'était livré à une explication de texte devant la presse. Tour d'horizon des principales dispositions d'un projet qui, a indiqué le ministre, sera « examiné au Sénat à partir du 30 janvier puis dans la seconde quinzaine de février à l'Assemblée nationale ».
L'ambition du gouvernement avec ce projet de loi est, avant tout, de faire du droit au logement (affirmé de longue date dans la loi française mais toujours sans effectivité) en cinq ans un droit opposable au même titre que le droit à la scolarité et celui à la protection de la santé. Le texte désigne l'Etat comme le garant du respect de ce droit, ouvert à « toute personne qui, résidant sur le territoire français de façon régulière et stable, n'est pas en mesure d'accéder par ses propres moyens à un logement décent et indépendant ou de s'y maintenir ».
Concrètement, pour mettre en oeuvre la nouvelle procédure, les demandeurs devraient d'abord saisir la commission de médiation départementale. Actuellement, seules certaines personnes en difficulté peuvent saisir directement cette commission, sans qu'un délai anormalement long se soit nécessairement écoulé depuis leur demande de logement locatif social (1). Le projet de loi ouvre cette possibilité à deux nouvelles catégories de personnes défavorisées : celles dépourvues de logement - autrement dit les sans-abri - ainsi que les familles avec enfants mineurs logées dans des conditions inacceptables du fait de l'indécence du logement ou de sa suroccupation. La commission de médiation examinerait l'urgence et le caractère prioritaire des requêtes, avant de les transmettre au préfet. Une fois saisi par la commission, celui-ci aurait alors une « obligation de résultat », a expliqué Jean-Louis Borloo, et il devrait trouver une solution de relogement dans un délai de trois mois. Par la suite, s'il n'a pas reçu une offre de logement tenant compte de ses besoins et de ses capacités (ou une proposition d'accueil en structure adaptée) dans les trois mois suivant l'avis de la commission de médiation déclarant sa demande prioritaire, le demandeur devrait pouvoir introduire devant la juridiction administrative un recours contre l'Etat, examiné par un juge unique. Statuant en urgence et en dernier ressort, celui-ci devrait pouvoir ordonner le logement, le relogement ou encore l'accueil en structure adaptée, le tout sous astreinte financière. Le produit de cette astreinte financière serait versée aux fonds d'aménagement urbain. « Institués dans chaque région », ces fonds « peuvent subventionner toute action foncière ou immobilière en faveur du logement locatif social », explique l'exposé des motifs du projet de loi.
Ce droit au recours juridictionnel devrait être ouvert en deux temps. Il devrait l'être à compter du 1er décembre 2008 pour les cinq catégories de demandeurs « les plus prioritaires » : les personnes hébergées temporairement, menacées d'expulsion sans relogement, logées dans des locaux impropres à l'habitation ou présentant un caractère insalubre ou dangereux, ou bien encore les « personnes dépourvues de logements » et les « ménages avec enfants mineurs ne disposant pas d'un logement décent ou en suroccupation ». Pour les autres personnes éligibles au logement social qui n'ont pas reçu de réponse à leur demande de logement après un délai anormalement long, la possibilité de recours devant les tribunaux devrait être ouverte à partir du 1er janvier 2012.
Face aux premiers détracteurs du texte, qui pointent notamment le risque d'engorgement des tribunaux, le ministre a assuré que le nouveau dispositif serait avant tout « une arme de dissuasion ». « L'objectif, c'est qu'il n'y ait pas de contentieux », a-t-il défendu. Il a par ailleurs indiqué qu'il avait conscience que ce nouvel outil n'aura de sens « que si l'on continue la construction de logements sociaux ».
La mesure n'est pas prévue dans le projet de loi mais l'exposé des motifs confirme l'intention du gouvernement : après le vote du texte, un Haut Comité de suivi de la mise en oeuvre du droit au logement devrait être institué, avec à sa tête le président du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, Xavier Emmanuelli. L'instance « rendra un rapport au Président de la République et au Parlement chaque année », a indiqué Jean-Louis Borloo, ajoutant que le premier du genre sera remis « le 1er juillet 2007 ».
A noter : le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées a confirmé, le 17 janvier, l'avis favorable qu'il avait rendu très rapidement sur le projet de loi, une dizaine de jours auparavant, à la demande du Premier ministre (2). Il n'oublie pas au passage de souligner les limites du texte, regrettant notamment qu'il n'ait pas d'effet sur le développement de l'offre ou encore que seule l'attribution de logements sociaux fasse l'objet de voies de recours. Mais il compte sur l'installation du Haut Comité de suivi pour que des propositions ressortent rapidement, permettant de dépasser ces limites et d'enclencher une « deuxième étape » (3).
Depuis des mois, Jean-Louis Borloo défend la nécessité d'aider les vieux travailleurs immigrés arrivés en France dans les années 70 à retourner dans leur pays d'origine pour des séjours de longue durée sans tout perdre, en particulier leur minimum vieillesse (4). Finalement, avec le projet de loi, le ministre propose un dispositif destiné avant tout à compenser la perte de certaines prestations sociales par le versement d'une « aide à la réinsertion familiale et sociale », censée leur permettre d'avoir les ressources suffisantes pour effectuer des séjours de longue durée dans leur pays d'origine. Elle devrait être réservée aux personnes étrangères ayant vécues au moins 15 ans en France, allocataires d'une aide au logement, vivant seules avec des ressources modestes et ne bénéficiant pas d'une résidence gratuite ni déjà acquise. Elle ne devrait, en outre, pouvoir être accordée qu'aux personnes qui s'engagent à des séjours de longue durée et devrait être « exclusive des aides au logement et des minima sociaux ». Son montant devrait être équivalent à celui de l'aide au logement dont ils bénéficiaient. Cette mesure présente notamment l'avantage de « libérer des logements sans dépenses supplémentaires », explique-t-on au ministère.
La loi de finances rectificative pour 2006 a créé un crédit d'impôt afin d'aider les ménages non imposables à bénéficier des services à la personne. On se souvient que les parlementaires ont restreint le bénéfice du dispositif aux seules dépenses exposées, à partir du 1er janvier 2007, pour la garde d'enfant à domicile, le soutien scolaire et les cours à domicile (5). Et ceci contre l'avis du gouvernement. Sans surprise, le projet de loi porté par Jean-Louis Borloo revient sur cette mesure et étend le champ du crédit d'impôt à l'ensemble des 20 métiers de services à la personne et notamment les services d'aide aux personnes âgées et d'assistance aux personnes handicapées.
Le projet de loi prévoit la transposition d'une directive européenne du 29 avril 2004 qui permet aux Etats membres de l'Union européenne de ne pas accorder le droit à une prestation d'assistance sociale aux citoyens de l'Union européenne entrés sur leur territoire pour y chercher un emploi, pendant la période de recherche d'emploi (6). Il supprime ainsi le droit, pour les intéressés, « à l'obtention de certaines prestations (revenu minimum d'insertion, couverture maladie universelle et prestations familiales) pendant la période où ils tirent leur droit au séjour de leur recherche d'emploi », indique l'exposé des motifs.
(3) Avis disponible sur le site
(4) L'octroi du minimum vieillesse - auquel s'est substituée l'allocation de solidarité aux personnes âgées (voir ce numéro, p 15) - est en effet subordonné à une condition de résidence stable et régulière en France.