La loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites - dite loi « Fillon » - a organisé un processus d'ajustements du système de retraite jusqu'en 2020, assorti de rendez-vous réguliers. Le premier étant prévu pour 2008, le conseil d'orientation des retraites (COR), dans un rapport préparatoire à cette échéance remis au Premier ministre le 11 janvier (1), fournit des outils d'analyse et de pilotage, qui donnent des ordres de grandeur sur les ajustements à réaliser notamment sur les différents leviers d'action possibles - allongement de la durée d'assurance requise pour bénéficier d'une retraite à taux plein, taux de revalorisation des pensions et âge de la retraite -, pour assurer, à long terme, l'équilibre financier des régimes de retraite.
Même si « la réforme des retraites de 2003 a permis d'atteindre les objectifs fixés », estime le COR, le déficit de la branche retraite du régime général est plus important que prévu et devrait atteindre 3,5 milliards d'euros en 2007. Une situation qui tient, entre autres, à l'arrivée à l'âge de la retraite des générations nombreuses du baby-boom, au succès « plus important que prévu » des départs anticipés en retraite pour carrière longue et à un taux de chômage toujours élevé. Selon le rapport, avec un taux de chômage de 4,5 % à partir de 2015 et en prenant en compte le dernier scénario démographique central de l'INSEE, le besoin de financement du système de retraite représenterait 0,7 point de PIB en 2020. Et ce, compte tenu des effets estimés de la réforme de 2003. Ce besoin de financement pourrait être couvert grâce aux nouvelles ressources envisagées en 2003, en particulier une hausse des cotisations de l'assurance vieillesse (gagée par une baisse des cotisations d'assurance chômage) et un accroissement des contributions aux régimes de la fonction publique. Au total, cela entraînerait une hausse du taux de prélèvement pour la retraite de 1,5 point sur les revenus d'activité bruts. Dès lors, l'équilibre financier serait atteint en 2020.
D'après la loi « Fillon », la durée de cotisation doit passer à 40 ans (160 trimestres) en 2008 et à 41 ans en 2012 (un trimestre supplémentaire par an sur la période 2009-2012 pour atteindre 164 trimestres). Jusqu'à cette dernière date, la progression est automatique, « un décret [pouvant] cependant, dans certaines conditions, ajuster le calendrier de mise en oeuvre de l'allongement », souligne le COR. A partir de 2013 et jusqu'en 2020, la durée d'assurance devrait s'ajuster « de manière à maintenir constant le rapport entre la durée d'assurance et l'espérance de vie en retraite par rapport à son niveau de 2003 » et atteindre au final près de 42 ans de cotisations. Pour ce faire, un décret, pris après avis du COR et de la Commission de garantie des retraites, devrait fixer les durées d'assurance.
Compte tenu de l'importance de la durée d'assurance dans la détermination des droits à la retraite, le COR recommande de conduire une réflexion sur les conditions de son décompte dans les principaux régimes de retraite. Tout en soulignant que l'allongement de la durée d'assurance, conjugué aux mécanismes de surcote et de décote, « ne se traduit pas par un décalage de même ampleur de l'âge moyen de départ en retraite ». Selon le scénario de base du conseil, entre 2003 et 2020, « le recul supplémentaire de l'âge moyen de départ à la retraite dû à la réforme de 2003 serait limité à 0,2 an dans le secteur privé et à 1 an et demi pour les fonctionnaires, pour des allongements de durée d'assurance respectifs de 1,75 an et de 4,25 ans ».
Autre levier d'action : la revalorisation des pensions, thème qui fera l'objet d'une conférence tripartite en 2007 avec des propositions qui devraient être traduites dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008. Ses enjeux financiers sont importants puisqu'elle a un « impact direct et immédiat sur les pensions de toutes les générations de retraités (à l'exception de celle qui vient de liquider ses droits) ». « Accorder un « coup de pouce » de 1 %, par exemple, augmente d'autant la masse des pensions » (2). Ainsi, sur la base des prestations de retraite servies en 2006, cela entraînerait « un coût annuel immédiat de l'ordre de 750 millions d'euros pour le régime général et 500 millions d'euros pour les régimes de la fonction publique ». Au total, estime le conseil, « compte tenu de la situation financière actuelle et projetée des régimes de retraite, toute mesure générale de correction du taux de revalorisation des pensions devrait être accompagnée de mesures de financement afin de ne pas compromettre le nécessaire retour à l'équilibre financier des régimes ».
Le COR s'interroge aussi sur les bornes d'âge de la retraite (60 et 65 ans) et propose des orientations générales en matière de politique en faveur de l'emploi des seniors, qu'il considère comme « une question stratégique pour l'avenir des régimes de retraite » (3). Pour lui, il est nécessaire de « conduire une politique de l'emploi en cohérence avec la loi de 2003. La priorité doit être de permettre aux seniors de rester en emploi au moins jusqu'à 60 ans, ce qui suppose une amélioration de la situation du marché du travail et un rehaussement du taux d'emploi en général ». Aussi, poursuit-il, « les mesures qui entraînent une réduction de la période active doivent rester l'exception ». Dans ce cadre, une attention particulière doit être portée aux évolutions actuelles de l'emploi des seniors et des parcours de sortie d'activité, ainsi qu'aux dispositions du plan d'action concerté pour l'emploi de seniors 2006-2010 présenté en juin dernier (4). Par la suite, précise le COR, « tous les acteurs devront veiller à la mise en place de mesures additionnelles, si elles s'avèrent nécessaires, permettant d'aller plus loin dans la facilitation du maintien dans l'emploi des seniors par la formation et l'aménagement des fins de carrière, la restriction des voies d'accès anticipé à l'inactivité (par exemple la dispense de recherche d'emploi pour les chômeurs âgés) et le renforcement des incitations à travailler plus longtemps (ou à retrouver un emploi pour les chômeurs âgés) ».
Pour tenir compte des remarques du conseil, et afin de conforter les mesures prises dans le cadre du plan pour l'emploi des seniors, Dominique de Villepin a d'ailleurs demandé à Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi et au travail, de « proposer des indicateurs permanents de la situation des seniors dans l'entreprise ».
(1) Retraites : questions et orientations pour 2008 - COR - Janvier 2007 - Disponible sur
(2) Sans compter qu'il faut ajouter les effets indirects de la nécessaire revalorisation des salaires qui seront ensuite portés au compte de l'assuré pour le régime général et les régimes alignés, explique le rapport.
(3) Le taux d'emploi des seniors (55-64 ans) était en 2005 de 37,8 % en France, contre une moyenne européenne de 42,5 %.