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Le projet de loi réformant la protection juridique des majeurs

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Près de 30 ans après la dernière réforme d'envergure de la protection juridique des majeurs, et à l'issue de plusieurs années de débats, le gouvernement a enfin donné le coup d'envoi d'une refonte du dispositif en présentant en conseil des ministres, le 28 novembre dernier, un projet de loi dont les grandes lignes étaient connues depuis 2004. Le point détaillé sur ce texte que les députés doivent examiner en première lecture à partir du 16 janvier.

Les lois du 18 octobre 1966 - qui institua la tutelle aux prestations sociales pour les adultes - et du 3 janvier 1968 portant réforme du droit des incapables majeurs et organisant les mesures de sauvegarde de justice, de curatelle et de tutelle ont défini le cadre qui régit encore aujourd'hui, sans véritablement changement, le dispositif de protection des majeurs.

Et pourtant, depuis, la donne a considérablement changé. Alors que le dispositif avait été mis en place pour quelques milliers de personnes, plus de 700 000 aujourd'hui, soit 1 adulte sur 80, sont placées sous un régime de protection juridique, auxquelles s'ajoutent près de 60 000 adultes relevant d'une mesure de tutelle aux prestations sociales. En outre, selon les projections de l'Institut national d'études démographiques, le nombre des personnes protégées devrait atteindre près d'un million en 2010 sous le seul effet de l'évolution démographique et de l'allongement de l'espérance de vie.

C'est pourquoi, depuis près de 10 ans, les gouvernements successifs se sont penchés sur cette question. En 1998, les inspections générales des finances, des affaires sociales et des services judiciaires (1) puis, en 2000, la commission Favard (2) faisaient déjà le même constat : sous l'influence d'une évolution socio-économique marquée par le vieillissement de la population et l'importance des phénomènes de précarité et d'exclusion, la protection juridique des majeurs s'est écartée de sa finalité. De nombreuses mesures sont en effet prononcées pour des raisons plus sociales que juridiques. Or, explique l'exposé des motifs du projet de loi, « les mesures de protection juridique, qui sont toujours restrictives de droits pour les personnes qui y sont soumises, ne doivent pas être un palliatif des insuffisances des dispositifs sociaux ». Aussi le texte a-t-il pour ambition de tracer une ligne de partage entre, d'un côté, les mesures de protection juridique destinées aux personnes qui, n'ayant plus toutes leurs facultés personnelles, sont dans l'impossibilité d'agir dans la vie civile selon ce que commande la défense de leurs intérêts (personnes âgées dépendantes, personnes handicapées, malades psychiatriques) et, de l'autre, les systèmes d'aide et d'action sociale.

Les motivations sont également financières. En 2006, le coût du dispositif pour les financeurs publics (Etat, départements et organismes de sécurité sociale) est évalué à 402,7 millions d'euros. Selon le gouvernement, avec la réforme, ce montant devrait s'élever à 496 millions d'euros en 2013, au lieu de 644 millions d'euros si elle n'était pas mise en oeuvre.

Pour tracer le cadre de cette refonte, le gouvernement ne manquait pas de sources d'inspiration. Outre le rapport des trois inspections et le rapport Favard, il a pu puiser des idées dans les propositions émises en 2003 par trois groupes de travail de la direction générale de l'action sociale (3) et, plus récemment, dans le rapport du médiateur de la République en 2005 (4) et du Conseil économique et social en 2006 (5).

Au final, le texte soumis aux députés - qui devrait ensuite être présenté en février aux sénateurs en vue d'une adoption définitive « avant la fin de la législature », a demandé le président de la République - tend d'abord à recentrer le dispositif de protection juridique sur les personnes réellement atteintes d'une altération de leurs facultés personnelles. Il vise également à améliorer leur prise en charge, notamment en étendant la protection à leur personne même et non plus seulement au patrimoine. Ce que n'avait pas fait la loi du 3 janvier 1968 qui s'était contentée de prévoir la protection du cadre de vie et du patrimoine à caractère personnel des majeurs.

Le projet de loi reconnaît également à la personne le droit d'organiser elle-même sa protection future dans le cas où elle ne pourrait plus pourvoir seule à ses intérêts au travers d'un mandat de protection future.

Parallèlement, afin de répondre avec davantage d'efficacité à certaines situations sociales de précarité et d'exclusion, le gouvernement propose de créer une mesure d'assistance judiciaire, dispositif de gestion budgétaire et d'accompagnement social de la personne, prenant place aux côtés des mesures de tutelle, de curatelle et de sauvegarde de justice qui seraient maintenues (voir encadré, page 22). En contrepartie, l'actuelle tutelle aux prestations sociales versées aux adultes, jusque-là limitée à la gestion des prestations sociales et n'entraînant aucune incapacité juridique, serait supprimée. En amont de cette mesure d'assistance judiciaire devrait également être instaurée une mesure administrative d'accompagnement social personnalisé, à la charge des départements. Déclenchée avant qu'une mesure judiciaire de protection juridique ne soit prononcée, elle serait destinée aux personnes en grande difficulté sociale.

Pour prendre en compte les exigences de compétence et de contrôle qu'implique la protection des plus vulnérables, les conditions d'exercice des intervenants extérieurs à la famille chargés des mesures de protection - regroupés à l'avenir sous l'intitulé de « mandataires judiciaires à la protection des majeurs » - devraient être harmonisées et organisées. Aujourd'hui, près de la moitié des mesures de protection est en effet confiée à des tiers autres que la famille et exercée tant par des services que des personnes physiques. Cette nouvelle activité devrait être intégrée dans le champ de l'action sociale et médico-sociale.

Enfin, le financement du dispositif devrait faire l'objet d'une refonte globale. Ce volet suscite toutefois l'inquiétude des départements qui voient d'un mauvais oeil les nouvelles charges qui leur échoient dans le cadre de ce projet. Pour les rassurer, le gouvernement a affirmé que les coûts liés à la mise en place de l'accompagnement social personnalisé seraient intégralement compensés par l'Etat.

Ce projet de loi devrait concrètement s'inscrire principalement dans le code civil. Ce dernier devrait ainsi faire l'objet d'une restructuration permettant de distinguer les dispositions propres aux mineurs, celles visant uniquement les majeurs et enfin les dispositions communes aux deux lorsqu'ils sont placés sous tutelle. Le code de l'action sociale et des familles est également concerné. C'est en son sein que devraient figurer la mesure administrative d'accompagnement social personnalisé, l'organisation de l'activité des « mandataires judiciaires à la protection des majeurs » ainsi que les règles de financement du dispositif de protection.

Pour l'essentiel, ce projet de texte devrait, une fois définitivement adopté, entrer en vigueur le 1er janvier 2009. Des dispositions transitoires sont toutefois prévues.

I - ENDIGUER LE FLUX DES PROCÉDURES

Pour freiner l'inflation du prononcé de mesures de protection juridique, le projet de loi vise à redonner leur pleine effectivité aux principes de nécessité, de subsidiarité et de proportionnalité des mesures, affirmés par la loi de 1968 et qui ne sont plus guère respectés aujourd'hui. Il répond ainsi à une recommandation du Conseil de l'Europe de 1999. Dans le même esprit, le projet de loi propose de supprimer la saisine d'office du juge des tutelles et certains cas d'ouverture d'une mesure de protection juridique. L'objectif recherché est de délimiter plus strictement le champ de ces mesures.

Parallèlement, un nouveau dispositif alternatif et administratif, à la charge du département (mais compensé financièrement par l'Etat), est prévu : la mesure d'accompagnement social personnalisé.

A - Une délimitation plus stricte du champ des mesures de protection juridique

1 - LA RÉAFFIRMATION DES PRINCIPES DE NÉCESSITÉ, DE SUBSIDIARITÉ ET DE PROPORTIONNALITÉ

Le projet de loi affirme que, en vertu des principes de nécessité et de subsidiarité, la mesure de protection ne peut être ordonnée par le juge qu'en cas de nécessité et lorsqu'il ne peut être suffisamment pourvu aux intérêts de la personne par l'application des règles du droit commun de la représentation (notamment par le jeu des procurations), de celles relatives aux droits et devoirs respectifs des époux et des règles des régimes matrimoniaux, ou par une autre mesure tel un mandat de protection future (voir page 24). La législation des régimes matrimoniaux prévoit, par exemple, la possibilité pour un époux de saisir le juge des tutelles pour être autorisé à représenter, de manière durable ou à l'occasion d'un acte particulier, son conjoint hors d'état de manifester sa volonté sans qu'une mesure de protection juridique ne soit pour autant ouverte.

Autrement dit, selon le projet de loi, une personne vulnérable ne devra être placée sous un régime de protection juridique que lorsque les difficultés qu'elle éprouvera dans la vie civile du fait de l'altération de ses facultés ne pourront être résolues que par une atteinte à l'exercice de ses droits et lorsque aucun autre mécanisme juridique plus léger et moins restrictif de liberté ne pourra être mis en oeuvre.

En outre, préférence est donnée à la protection venant du cercle familial, protecteur naturel du majeur vulnérable, puisque les règles de la représentation ou celles résultant des régimes matrimoniaux devront jouer avant toute désignation d'un tiers.

Enfin, la mesure de protection devra être proportionnée au degré d'altération des facultés personnelles de la personne et individualisée en fonction de celui-ci.

2 - LA DÉLIMITATION DES CAS D'OUVERTURE D'UN RÉGIME DE PROTECTION JURIDIQUE

Actuellement, une mesure de protection juridique peut être prononcée notamment lorsque « le majeur, par sa prodigalité, son intempérance ou son oisiveté, s'expose à tomber dans le besoin ou compromet l'exécution de ses obligations familiales ». Cette disposition, source de nombreuses dérives, devrait être supprimée.

A l'avenir, en vertu du principe général de nécessité posé par le projet de loi, seule l'altération des facultés mentales ou corporelles d'une personne la mettant dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts pourra justifier qu'elle soit privée de tout ou partie de sa capacité juridique, cette altération devant être médicalement constatée. A cet effet, le projet de loi énonce que la demande d'ouverture d'une mesure de protection juridique devra être accompagnée, « à peine d'irrecevabilité, d'un certificat [médical] circonstancié » constatant l'altération des facultés personnelles du majeur et émanant d'un médecin inscrit sur une liste particulière établie par le procureur de la République.

3 - LA SUPPRESSION DE LA SAISINE D'OFFICE DU JUGE DES TUTELLES

La possibilité offerte actuellement au juge des tutelles de se saisir d'office est à l'origine de nombreux dysfonctionnements, selon le gouvernement. En effet, les cas de saisine d'office, sur le simple signalement d'un intervenant social ou d'un tiers, représentent en moyenne 54 % des ouvertures de dossier. « Outre que les principes fondamentaux du droit [...] rendent de plus en plus difficile le maintien d'un système où le juge se saisit, puis instruit, décide et suit la mesure, ce mode de saisine a rendu possible une grande partie des dérives », explique l'exposé des motifs.

Avec la réforme, devraient seuls pouvoir saisir le juge des tutelles la personne qu'il y a lieu de protéger, les membres de sa famille (conjoint, partenaire d'un pacte civil de solidarité, concubin, à condition que la vie commune n'ait pas cessé entre eux, parent ou allié), la personne ayant des liens étroits et stables avec elle, le mandataire de protection future (voir page 24) ainsi que le procureur de la République.

B - Un nouveau dispositif d'accompagnement social personnalisé

A côté de ces mesures concernant la protection juridique des majeurs, le projet de loi instaure une nouvelle mesure administrative d'accompagnement social et budgétaire personnalisé. Elle se situera en amont du dispositif judiciaire et aura pour objectif d'éviter le placement sous protection judiciaire de personnes dont les intérêts peuvent être préservés par un accompagnement social adapté. La mise en oeuvre de ces mesures devrait être confiée au département.

Ainsi, toute personne majeure dont la santé ou la sécurité sera menacée du fait de ses difficultés à gérer seule ses ressources devrait pouvoir bénéficier de cette mesure qui comportera une aide à la gestion de ses prestations sociales et un accompagnement social individualisé.

1 - UNE RELATION CONTRACTUELLE

a - La conclusion d'un contrat

Concrètement, un contrat devrait être conclu entre l'intéressé et le département et comporter des actions en faveur de l'insertion sociale permettant de rétablir « les conditions d'une gestion autonome des prestations sociales », indique le projet de loi.

Ces actions devront être coordonnées avec les autres mesures d'action sociale déjà mises en oeuvre. L'intéressé pourra, selon le texte, autoriser le département à percevoir et à gérer pour son compte tout ou partie de ses prestations sociales, dont la liste devrait être fixée par décret, en les affectant en priorité au paiement du loyer et des charges locatives en cours.

Ce contrat devrait être conclu pour une durée de 6 mois renouvelable dans la limite de 4 ans au total. Il devrait faire l'objet d'une évaluation lors de son renouvellement.

b - Le refus de conclure un contrat ou le non-respect de celui-ci

En cas de refus de l'intéressé de signer le contrat ou s'il n'en respecte pas les clauses, le président du conseil général devrait, afin de prévenir une expulsion locative, pouvoir solliciter du juge d'instance l'autorisation de verser, chaque mois, le montant du loyer et des charges locatives en cours directement au bailleur. Ce, par prélèvement sur les prestations sociales - dont la liste devrait être fixée par décret - dues à l'intéressé.

Cette procédure ne pourrait toutefois être mise en oeuvre que si l'intéressé est resté au moins 2 mois sans s'acquitter de ses obligations locatives. Et elle ne pourrait avoir pour effet de le priver des ressources nécessaires à sa subsistance et à celle des personnes dont il assume la charge effective et permanente.

Le juge devrait alors fixer la durée de la mesure dans la limite de 2 ans renouvelables, avec un plafond fixé à 4 ans au total. Le président du conseil général devrait enfin pouvoir, à tout moment, saisir le juge pour mettre fin à la mesure.

2 - LA MISE EN OEUVRE DE LA MESURE

C'est, en principe, le département qui aura la charge de la mise en oeuvre de cette mesure, prévoit le projet de loi.

Toutefois, ajoute-t-il, il lui sera possible de déléguer, par convention, sa mise en oeuvre à une autre collectivité territoriale ou à un centre communal ou intercommunal d'action sociale (CCAS, CIAS), à une association ou à un organisme à but non lucratif ou encore à un organisme débiteur de prestations sociales agréé à cet effet par le président du conseil général.

3 - LA PARTICIPATION FINANCIÈRE DE L'INTÉRESSÉ À LA MESURE

Selon le projet de loi, une contribution pourra être demandée au bénéficiaire de la mesure. Son montant sera arrêté par le président du conseil général dans les conditions prévues par le règlement départemental d'aide sociale. L'élu pourra toutefois le moduler, notamment en fonction des ressources de l'intéressé. En tout état de cause, un plafond de cette contribution sera fixé par voie réglementaire.

4 - L'ÉCHEC DE LA MESURE

Lorsque la mesure n'aura pas permis à son bénéficiaire d'assurer seul la gestion de ses prestations sociales et que sa santé ou sa sécurité sera compromise, le président du conseil général devrait se voir accorder la possibilité, s'il l'estime nécessaire, de transmettre au procureur de la République un rapport circonstancié d'évaluation, aux fins d'ouverture d'une mesure d'assistance judiciaire (voir page 29) ou d'une autre mesure de protection juridique des majeurs. Ce rapport devrait comporter une évaluation de la situation sociale de l'intéressé, une information sur sa situation médicale et pécuniaire et un bilan des actions personnalisées dont il a pu bénéficier dans le cadre, en particulier, de la mesure d'accompagnement social personnalisé.

II - LA PROTECTION DE LA PERSONNE AU COEUR DU DISPOSITIF

La reconnaissance de la protection de la personne, et plus seulement de son patrimoine, passe notamment pas le renforcement de ses droits au cours de la procédure mais également par le droit qui lui serait accordé d'organiser pour le futur sa propre protection juridique.

A - L'instauration d'un mandat de protection future

C'est une innovation importante du projet de loi, inspirée des exemples allemand et québécois. Le mandat de protection future devrait donc faire son apparition dans le code civil. Si, comme la plupart des mesures du projet de loi, ce mandat devrait entrer en vigueur au 1er janvier 2009, le texte introduit toutefois des dispositions transitoires permettant aux personnes d'anticiper l'entrée en vigueur de la réforme en concluant, dès la publication de la loi, un mandat de protection future. Dans ce cas, le mandat ne pourra être confié qu'à une personne physique. En effet, en l'absence de liste des mandataires judiciaires de protection des majeurs (voir page 33), la désignation, avant le 1er janvier 2009, d'une personne morale inscrite sur cette liste ne serait pas possible. Ce mandat pourra alors prendre effet dès l'entrée en vigueur de la loi.

1 - L'OBJET DU MANDAT

Toute personne capable, majeur ou mineur émancipé, et toute personne en curatelle avec l'assistance de son curateur, devrait pouvoir désigner, pour le cas où elle deviendrait incapable de pourvoir seule à ses intérêts, un ou des tiers de confiance chargés de la représenter dans les actes de la vie civile.

De même, le dernier vivant des père et mère, capable, qui détiendra l'exercice de l'administration légale ou de la tutelle à l'égard de son enfant mineur devrait pouvoir, pour le cas où cet enfant devenu majeur ne pourrait plus pourvoir seul à ses intérêts, désigner un ou plusieurs mandataires chargés de le représenter. Il en est de même des parents qui assument la charge matérielle et affective de leur enfant majeur. Cette désignation prendrait effet à compter du jour où le mandant décède ou ne peut plus prendre soin de l'intéressé. Ce mandat de protection future pour autrui cherche à répondre « à la demande des parents d'enfant handicapé qui s'inquiètent de leur avenir pour le jour où ils ne seront plus présents ou aptes et qui souhaitent pouvoir organiser à l'avance la protection juridique de leur enfant », explique l'exposé des motifs.

2 - LA QUALITÉ DE MANDATAIRE

Le mandataire devrait être une personne physique choisie par le mandant ou une personne morale inscrite sur la liste des mandataires judiciaires à la protection des majeurs (voir page 33). Selon l'exposé des motifs du projet de loi, « l'objectif est de permettre la prise en charge des personnes vulnérables par des groupes ou associations offrant toutes les garanties nécessaires à une protection réelle des intérêts de la personne ».

Le mandataire devra également jouir de la capacité civile pendant toute l'exécution du mandat.

3 - LE RÉGIME DU MANDAT

Si le droit commun du mandat devrait être applicable au mandat de protection future, sauf incompatibilités juridiques, quelques précisions supplémentaires sont apportées par le projet de loi.

La protection juridique confiée à la personne de confiance devrait pouvoir porter à la fois sur la protection patrimoniale et la protection personnelle ou sur l'un de ces deux objets. Conformément au droit commun, le mandat pourrait être général ou spécial. Dans ce dernier cas, il ne porterait que sur un aspect de la protection, en ne prévoyant, par exemple, que la gestion d'un seul bien déterminé.

Le mandat pourra également, précise le texte, prévoir que le mandataire exercera les missions que le code de la santé publique, en matière de santé, ou le code de l'action sociale et des familles, pour les personnes accueillies dans des établissements et services sociaux et médico-sociaux, confient au représentant de la personne en tutelle ou à la personne dite de confiance.

En tout état de cause, les dispositions du mandat ne devraient pas pouvoir déroger aux règles posées par le code civil en matière de protection des personnes dans le cadre d'une mesure de protection judiciaire, sous peine d'être réputées non écrites. Ainsi, explique l'exposé des motifs, la personne protégée prendra elle-même les décisions personnelles la concernant si son état le permet, après avoir reçu toute information utile adaptée à sa capacité de compréhension de la part de la personne chargée de sa protection. Ce n'est qu'en cas d'impossibilité pour l'intéressé de prendre une décision éclairée que le juge pourra prévoir l'assistance, voire autoriser la représentation par le mandataire de la personne protégée.

Par ailleurs, un ou plusieurs mandataires pourront être désignés. Ceux-ci devront accepter le mandat.

4 - LA FORME DU MANDAT

Deux formes de mandat devraient pouvoir être choisies par la personne intéressée : le mandat conclu par acte notarié ou celui conclu sous seing privé (c'est-à-dire en principe seulement signé par les parties, sans condition particulière), éventuellement avec l'assistance d'un avocat. Ces deux mandats correspondront à des champs de protection patrimoniale différents.

a - Le mandat notarié

Aux termes d'un mandat notarié, la protection juridique pourra être très étendue. Selon le projet de loi, elle pourra inclure tous les actes qu'un tuteur nommé par un juge aurait le pouvoir d'accomplir seul ou avec une autorisation.

Elle comprendra ainsi, sous le contrôle du notaire choisi, des actes de disposition du patrimoine (6), sauf ceux à titre gratuit pour lesquels l'autorisation du juge des tutelles sera nécessaire.

Dans ce cadre, le notaire sera destinataire des comptes du mandataire, en assurerait la conservation, ainsi que celle de l'inventaire des biens, et informera le juge des tutelles de tout mouvement de fonds et de tout acte n'apparaissant pas conformes à l'intérêt du majeur.

C'est seulement sous cette forme notariale que les parents d'un enfant handicapé pourront utiliser le mandat de protection future pour organiser à l'avance la protection juridique de leur enfant devenu majeur en désignant la ou les personnes chargées de sa protection et en établissant les clauses du mandat.

b - Le mandat sous seing privé

Le mandat sous seing privé, de son côté, devrait avoir la particularité de devoir être contresigné par 2 témoins majeurs choisis par le mandant lors de son établissement. Il devrait être limité, en matière de gestion du patrimoine, aux actes qu'un tuteur peut faire sans autorisation. Il s'agit ainsi des actes conservatoires ou de gestion courante.

Un acte de disposition qui s'avérerait nécessaire ne pourrait être accompli qu'avec l'autorisation et sous le contrôle du juge.

Dans ce cadre, c'est le mandataire qui conserverait l'inventaire des biens et ses actualisations ainsi que les 5 derniers comptes de gestion.

5 - L'EXÉCUTION DU MANDAT

a - La prise d'effet

Le projet de loi prévoit que le mandat prendra effet lorsqu'il sera établi que le mandant ne peut plus pourvoir seul à ses intérêts.

Pour l'attester, le mandataire devra produire au greffier en chef du tribunal de grande instance un certificat médical émanant d'un médecin choisi sur une liste fixée par le procureur de la République établissant l'altération des facultés personnelles de l'intéressé.

Rappelons que dans le cas des parents d'un enfant handicapé recourant au mandat de protection future pour organiser à l'avance la protection juridique de leur enfant devenu majeur, le mandat devrait prendre effet lorsque les parents seront décédés ou dans l'impossibilité d'assumer la charge de leur enfant.

b - Le rôle du mandataire

Selon le texte gouvernemental, le mandataire représentera le mandant dans tous les actes prévus dans le mandat. Il le fera personnellement. Toutefois, il pourra faire appel à un tiers pour les actes de gestion du patrimoine et seulement à titre spécial.

Le mandataire chargé des biens devra faire l'inventaire de ces derniers lors de l'ouverture de la mesure et en assurer l'actualisation. Il lui appartiendra également d'établir chaque année un compte de sa gestion que le juge des tutelles pourra toujours lui demander de produire afin d'être vérifié par le greffier en chef.

En tout état de cause, le mandat devra s'exercer à titre gratuit.

c - La fin du mandat

Le mandat devrait prendre fin par :

le rétablissement des facultés personnelles de la personne constaté au moyen d'un certificat médical remis au greffier en chef ;

le décès de la personne protégée ou son placement en curatelle ou en tutelle ;

le décès du mandataire ;

la résiliation du mandat par décision du juge des tutelles. En effet, toute personne estimant que le mandant n'est pas incapable ou que l'exécution du mandat pose des difficultés ou porte atteinte à ses intérêts devrait pouvoir saisir le juge des tutelles afin qu'il statue sur les difficultés ou résilie le mandat.

Lorsque le juge mettra fin au mandat, il pourra, d'après le projet de loi, ouvrir une mesure de protection juridique.

En outre, il devrait pouvoir décider de compléter le mandat par une mesure de protection juridique s'il estime qu'il ne pourvoit pas suffisamment aux intérêts personnels ou patrimoniaux du majeur. Cette mission supplémentaire pourrait alors être confiée au mandataire de protection future ou à un mandataire ad hoc.

6 - LA FORCE DU MANDAT

Le mandat s'imposera au juge, énonce le projet de loi. Ce, à moins que la personne désignée par ce document refuse sa mission ou se trouve dans l'impossibilité de l'exercer ou encore si l'intérêt de la personne protégée commande de l'écarter.

En cas de difficulté, le juge des tutelles devra statuer.

B - Le renforcement des droits des personnes protégées

En 1968, le législateur n'a pas explicitement étendu la sphère juridique de la protection des majeurs protégés à celle de la personne en tant que tel, se contentant de prévoir la protection du cadre de vie et du patrimoine des majeurs. La notion de protection de la personne du majeur n'étant pas définie par le code civil, s'est alors développée une définition jurisprudentielle de cette protection.

La réforme s'inscrit donc dans un contexte juridique qui a pleinement intégré la nécessité d'une prise en compte effective de la protection de la personne. Et prend place plus globalement dans une société qui a vu évoluer l'attention portée aux plus vulnérables. Ainsi se sont modifiées les approches de la maladie mentale et de sa prise en charge thérapeutique. De même, le handicap a fait l'objet d'une législation spécifique avec la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées, reconnaissant et définissant la place des personnes handicapées dans la vie sociale.

Le projet de loi propose donc une meilleure prise en compte des droits et de la volonté de la personne vulnérable, notamment à travers le recueil de son consentement, la prise en compte de sa famille et de ses proches et la personnalisation du contenu même des mesures.

1 - L'AFFIRMATION DU PRINCIPE DE PROTECTION DE LA PERSONNE

« Les personnes majeures reçoivent la protection de leur personne et de leurs biens que leur état ou leur situation rend nécessaire », affirme le projet de loi, cette protection étant instaurée et appliquée dans le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité de la personne. Dès lors, les personnes chargées de leur protection devront à l'avenir intégrer cette dimension dans leurs missions.

Ce faisant, le texte gouvernemental reprend l'une des idées émises par le rapport Favard pour lequel il importait de placer la personne, avant même la sauvegarde de ses biens, au coeur de toute évolution du dispositif de protection des majeurs. Il donne également valeur légale à un principe affirmé par la Cour de cassation dans un arrêt de 1989, selon lequel la protection juridique a pour finalité aussi bien la protection de la personne même du majeur que celle de ses biens.

De même, il confère une valeur générale à une notion qui n'apparaissait jusque-là qu'en filigrane dans certaines dispositions et pour des actes particuliers comme le mariage ou le divorce des majeurs protégés, ou encore en matière de santé ou dans le domaine de l'action sociale et médico-sociale. La loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale et celle du 4 mars 2002 relative aux droits des malades avaient, par exemple, chacune dans son cadre d'intervention, prévu des dispositions spécifiques aux majeurs protégés.

2 - LA CONCRÉTISATION DE CE PRINCIPE

Le projet de loi concrétise le principe de la protection de la personne en renforçant la protection de son logement et de ses biens nécessaires à la vie courante, mais aussi en affirmant le droit au maintien de ses comptes bancaires et en améliorant ses droits dans la procédure judiciaire.

a - Une protection renforcée du logement et des biens nécessaires à la vie courante

Comme auparavant, le logement et les meubles de la personne protégée devront être conservés à sa disposition aussi longtemps que possible et ne pourront faire l'objet que de conventions de jouissance précaire devant cesser dès le retour de la personne chez elle. Si, toutefois, il devient nécessaire ou de l'intérêt de la personne protégée que les droits relatifs à son habitation ou à son mobilier soient vendus, résiliés ou fassent l'objet d'un bail, ces actes devront être autorisés suivant une procédure qui, elle, devrait être modifiée. L'autorisation devrait ainsi être donnée par le conseil de famille, s'il existe, ou par le juge de tutelles, après avis du médecin traitant de la personne protégée « si ces actes ont pour finalité le placement de la personne dans un établissement », ajoute le texte. Seul le juge des tutelles était jusqu'à présent cité et le champ d'intervention du médecin traitant n'était pas explicité.

Autre précision apportée : outre les souvenirs et autres objets à caractère personnel qui doivent être gardés à la disposition des intéressés, ceux indispensables aux personnes handicapées ou destinés aux soins des personnes malades sont également visés par le projet de loi.

Pour le gouvernement, il s'agit, par là, de répondre « au souci des familles de ne plus voir disparaître à leur insu, rapidement et souvent sous couvert d'une volonté tronquée ou d'un consentement vicié de la personne vulnérable, des biens essentiels à sa vie quotidienne ou rattachés à un patrimoine familial et affectif ».

b - Le droit au maintien des comptes bancaires

Toujours afin d'assurer la protection du majeur, le projet de loi affirme le droit au maintien des comptes bancaires.

Ainsi, sauf exceptions, la personne chargée de la mesure de protection ne devrait pas pouvoir procéder à la modification des comptes ouverts au nom de la personne protégée auprès d'un établissement bancaire. Si elle ne possède pas de compte, la personne chargée de sa protection devrait lui en ouvrir un. En tout état de cause, les opérations bancaires de paiement et de gestion patrimoniale effectuées au nom et pour le compte de la personne protégée devraient être « exclusivement » réalisées au moyen de comptes ouverts au nom de celle-ci.

Il devrait donc être mis fin à la pratique des comptes pivot qui consiste, pour les gérants de tutelle et les associations tutélaires, à verser sur un compte unique ouvert à leur nom les avoirs de tous les majeurs dont ils assurent la protection et de percevoir tout ou partie des intérêts générés par ce compte.

c - Le renforcement des droits des majeurs dans la procédure judiciaire

Le projet de loi prévoit également de renforcer les droits du majeur dans le processus judiciaire.

L'audition du majeur

Premier droit reconnu par le projet de loi : l'audition obligatoire du majeur pour toutes les mesures de protection juridique avant que le juge ne statue. Dans le droit actuel, ce droit est uniquement reconnu dans le cadre de la tutelle.

Les seules exceptions prévues par le texte concernent les cas où l'audition serait de nature à porter atteinte à l'état de santé de l'intéressé, où son état ne lui permet pas d'en comprendre la portée et où il n'est pas apte à exprimer sa volonté. Une décision spécialement motivée du juge prise sur avis médical devra alors l'attester.

Les mêmes règles s'appliquent aux renouvellements des mesures (voir page 32).

La recherche du consentement du majeur

Cette recherche du consentement joue dans le cadre de la tutelle et de la curatelle.

Le projet de loi consacre ainsi la jurisprudence qui écarte, pour les actes éminemment personnels, toute idée d'assistance ou de représentation de la personne protégée placée sous une telle mesure de protection juridique. Il s'agit, au terme d'une liste fixée par le projet de loi, des actes relatifs à un enfant : déclaration de naissance ou de reconnaissance, consentement donné à son adoption, actes concernant l'autorité parentale sur l'enfant, déclaration du choix ou du changement de nom de l'enfant. Il s'agit également du consentement donné, par la personne protégée, à sa propre adoption.

En dehors de ces actes, le texte prévoit ensuite le recueil du consentement de la personne lors de la prise de décisions personnelles la concernant. En effet, le texte explique que « la personne protégée prend seule les décisions relatives à sa personne dans la mesure où son état le permet ». Il devrait ainsi lui appartenir de choisir son lieu de résidence et de déterminer les conditions de ses relations avec ses proches. Le conseil de famille ou le juge des tutelles devrait toutefois pouvoir être saisi en cas de litige sur ces questions. L'exposé des motifs évoque également le choix d'un lieu de vacances ou la possibilité de procéder à une intervention chirurgicale bénigne ou mettant gravement en cause le respect du corps humain.

Toutefois, le curateur ou le tuteur devrait, pour aider la personne à prendre sa décision, lui fournir toutes les informations nécessaires « selon des modalités adaptées à son état », c'est-à-dire à sa capacité de compréhension et sans préjudice des informations que des tiers seraient tenus de lui délivrer en vertu de la loi.

Si l'intéressé ne peut prendre seul « une décision personnelle éclairée », le juge pourra prévoir, poursuit le texte, dès l'ouverture de la mesure ou ultérieurement, que le curateur ou le tuteur l'assiste, ou même que le tuteur le représente.

En tout état de cause et sauf urgence, toute décision portant gravement atteinte à « l'intégrité corporelle de la personne protégée ou à l'intimité de sa vie privée » ne devrait pouvoir être prise par le curateur ou le tuteur qu'après autorisation donnée par le conseil de famille s'il a été institué ou par le juge des tutelles dans les autres cas. A noter que les décisions en matière de santé resteront régies par le code de la santé publique qui, depuis notamment la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades, prévoit des dispositions spécifiques sur le consentement des majeurs protégés aux actes médicaux (7).

Enfin, le projet de loi organise avec précision les autorisations nécessaires et les conditions d'assistance des personnes protégées lors du mariage ou de la conclusion d'un pacte civil de solidarité.

La prise en compte des souhaits de la personne et de sa famille dans l'organisation même de la mesure

Le choix d'un curateur ou d'un tuteur

Le projet de loi prévoit, d'abord, que le juge devra notamment, lors de la désignation de la personne chargée de la protection, prendre en considération les sentiments exprimés par le majeur protégé, la nature de ses relations et de ses liens avec la personne désignée ainsi que les recommandations éventuelles de sa famille et de ses proches.

En outre, à l'avenir, le choix exprimé par une personne capable dans le cadre d'un mandat de protection future devrait s'imposer au juge, à moins que la personne désignée refuse sa mission ou soit dans l'impossibilité de l'exécuter ou encore si l'intérêt supérieur du majeur commande de l'écarter (voir page 26). Il en est de même du mandat de protection future pour autrui conclu par le dernier parent vivant d'un mineur ou d'un majeur à sa charge.

A défaut de désignation dans le cadre d'un mandat de protection future, le juge devrait choisir la personne vivant avec le majeur (conjoint, partenaire d'un pacte civil de solidarité ou concubin), sauf existence d'une cause empêchant de lui confier la mesure (en particulier, la fin de la vie commune). Si le choix d'une telle personne s'avérait impossible, le juge devrait en priorité choisir un membre de la famille ou un proche du majeur entretenant avec lui « des liens étroits et stables ».

Ce n'est donc qu'en l'absence de personne proche du majeur pouvant l'aider, ou lorsqu'un conflit familial empêchera la désignation d'un membre de la famille, qu'un intervenant extérieur à la famille, mandataire judiciaire de protection des majeurs inscrit sur une liste établie par le procureur de la République, devrait être désigné par le juge. Autrement dit, priorité est donnée à la famille avant l'intervention d'un professionnel.

La désignation d'un subrogé tuteur ou curateur, membre de la famille du majeur

En outre, il devrait être possible pour le juge des tutelles de désigner, outre le tuteur, un subrogé tuteur, qui pourra être un membre de la famille (parent ou allié). Actuellement, c'est le conseil de famille qui choisit, parmi ses membres, le subrogé tuteur. Le projet de loi permet aussi au juge de désigner, dans le cadre d'une curatelle, un subrogé curateur - qui n'existe pas aujourd'hui - et qui pourra également être membre de la famille.

Ce subrogé tuteur ou curateur serait chargé d'accomplir les actes que le curateur ou le tuteur ne pourrait effectuer en raison d'un conflit d'intérêt avec la personne protégée à l'occasion d'un acte particulier.

Il devrait également surveiller la gestion des biens et les actes accomplis par le curateur ou le tuteur et ce, même si ce dernier est un mandataire judiciaire de protection des majeurs. Cette précision répond, selon l'exposé des motifs du projet de loi, aux critiques des membres de la famille qui, s'ils ne sont pas nommés curateur ou tuteur, se sentent écartés de la mesure de protection. Le subrogé curateur ou subrogé tuteur devrait recevoir notamment notification, chaque année, des comptes de gestion établis par le curateur ou le tuteur et pouvoir transmettre au greffier en chef ses observations.

La réunion du conseil de famille « sans juge » dans le cas de la tutelle

Autre illustration du renforcement du rôle de la famille : le conseil de famille pourra, selon le texte soumis aux députés, être autorisé par le juge à se réunir et à délibérer hors de sa présence. Ce, dans le cas où le conseil de famille aura désigné, comme tuteur ou subrogé tuteur, un mandataire judiciaire de protection des majeurs, tiers extérieur à la famille.

d - Un droit d'accès aux comptes de gestion pour les familles

Le texte institue par ailleurs un nouveau droit d'accès des proches aux comptes de gestion sur autorisation du juge et à certaines conditions parmi lesquelles celle de justifier d'un intérêt légitime (voir page 32).

III - UNE PROTECTION JURIDIQUE GRADUÉE ET MIEUX CONTRÔLÉE

Le projet de loi instaure un dispositif gradué de protection des personnes. Ainsi, si les mesures de protection juridique existantes, à savoir la sauvegarde de justice, la curatelle et la tutelle, sont maintenues, elles sont ajustées avec une gradation progressive dans l'atteinte portée aux droits. En outre, le texte instaure une mesure d'assistance judiciaire, plus légère.

A - L'instauration de la mesure d'assistance judiciaire

L'actuelle tutelle aux prestations sociales adultes (TPSA), inscrite dans le code de la sécurité sociale, devrait être remplacée par une mesure d'assistance judiciaire, dispositif de gestion budgétaire et d'accompagnement social prenant sa place dans le dispositif civil de protection des majeurs mis en oeuvre par le juge des tutelles, et qui n'interviendra qu'en cas d'échec de la mesure administrative d'accompagnement social personnalisé (voir page 24).

Le projet de loi prévoit toutefois des dispositions pour permettre la suppression progressive de la TPSA. « Les tuteurs aux prestations sociales auront ainsi le temps d'informer, de sensibiliser voire d'orienter les personnes vers le dispositif social créé par la réforme », indique l'exposé des motifs du projet de loi. Ainsi, les mesures de TPSA ne devraient être caduques de plein droit qu'au terme de la troisième année qui suivra la date d'entrée en vigueur du texte d'office ou sur demande de la personne protégée. Toutefois, dans l'hypothèse d'un réexamen de la mesure de TPSA par le juge des tutelles avant cette date, ce dernier devrait pouvoir, dans ce seul cas particulier, ordonner une mesure d'assistance judiciaire, bien que la personne n'ait pas bénéficié au préalable des mesures d'accompagnement social personnalisé.

1 - L'INTERVENTION D'UNE TELLE MESURE

Afin, selon le projet de loi, de « maîtriser le flux des mesures judiciaires limitatives de droit », la mesure d'assistance judiciaire ne pourra être ordonnée que si une mesure administrative d'accompagnement social personnalisé proposée à la personne en difficulté sociale - mesure également instaurée par le projet de loi et à la charge des départements (voir page 24) - aura échoué, c'est-à-dire n'aura pas permis une gestion satisfaisante par celle-ci de ses prestations sociales et que sa santé ou sa sécurité en est compromise.

Cette mesure ne pourra concerner une personne mariée « lorsque l'application des règles relatives aux droits et devoirs respectifs des époux et aux régimes matrimoniaux permet une gestion satisfaisante des prestations sociales de l'intéressé par son conjoint », poursuit le texte.

En outre, la mesure d'assistance judiciaire ne pourra pas se cumuler avec une mesure de sauvegarde de justice, de curatelle ou de tutelle, le prononcé d'une de ces mesures y mettant fin de plein droit. Ainsi, contrairement à la pratique actuelle de la tutelle aux prestations sociales adultes, cette mesure ne devrait pas pouvoir se surajouter à une mesure de curatelle ou de tutelle.

Enfin, lorsqu'une mesure de tutelle aux prestations sociales versées pour les enfants coexistera avec une mesure d'assistance judiciaire, les prestations concernées par la première devront être exclues de plein droit du champ de la mesure d'assistance judiciaire.

2 - LE PRONONCÉ DE LA MESURE

La mesure d'assistance judiciaire ne devrait pouvoir être prononcée par le juge des tutelles qu'à la demande du procureur de la République qui en appréciera l'opportunité au vu des rapports circonstanciés des services sociaux à l'issue de la mesure d'accompagnement personnalisé (voir page 24).

3 - LE CHAMP ET LES EFFETS DE LA MESURE

La mesure d'assistance judiciaire devrait être limitée à la gestion des prestations sociales choisies par le juge lors du prononcé de cette dernière, sur une liste qui sera définie par décret. En tous les cas, elle ne devrait pas pouvoir concerner les prestations de retraite.

En outre, elle ne devrait pouvoir entraîner aucune des incapacités attachées à la curatelle ou à la tutelle.

4 - LA DURÉE DE LA MESURE

La mesure d'assistance judiciaire devrait être prononcée pour une période maximale de 2 ans, renouvelable par décision spécialement motivée dans la limite de 4 ans au total.

5 - LA MISE EN OEUVRE DE LA MESURE

Concrètement, seul un mandataire judiciaire à la protection des majeurs devrait pouvoir exercer la mesure d'assistance judiciaire. Dans ce cadre, il devrait, en premier lieu, percevoir les prestations incluses dans la mesure sur un compte ouvert au nom de l'intéressé (8) et les gérer dans l'intérêt de ce dernier « en tenant compte de son avis et de sa situation familiale ».

Parallèlement, il devrait avoir également une « action éducative » auprès de la personne afin de l'aider à rétablir son autonomie dans la gestion de ses prestations sociales.

Il devrait être, par ailleurs, chargé d'établir un compte annuel de sa gestion soumis à la vérification du greffier en chef. Sa mise en oeuvre devrait donner lieu à un contrôle des comptes de gestion du mandataire de protection selon les modalités prévues pour les mesures de protection juridique (voir page 33).

B - Le maintien de la sauvegarde de justice, de la tutelle et de la curatelle

1 - LA SAUVEGARDE DE JUSTICE

En premier lieu, le projet de loi indique explicitement que la sauvegarde de justice, mesure de protection juridique la plus légère actuellement, est destinée aux personnes présentant une altération temporaire de leurs facultés personnelles qui ont besoin d'une mesure de protection temporaire ou d'être représentées pour l'accomplissement de certains actes déterminés. Elle est également destinée aux personnes atteintes d'un trouble de leurs facultés et qui sont dans l'attente du prononcé d'une tutelle ou d'une curatelle

Les deux modes d'ouverture existants de la sauvegarde de justice devraient être maintenus. La sauvegarde de justice peut en effet être prononcée par le juge à l'encontre des personnes faisant l'objet d'une demande de curatelle ou de tutelle, pendant le temps d'instruction de la demande. Comme nous l'avons vu, la saisine du juge s'accompagnera nécessairement d'une requête et d'un certificat médical circonstancié. Et la personne concernée devra obligatoirement être entendue, sauf urgence. Dès lors, sa situation et son état de santé pourront être immédiatement connus du juge.

Parallèlement, la sauvegarde de justice dite médicale, c'est-à-dire ouverte suite à la déclaration d'un médecin faite au procureur de la République, sera conservée. Selon l'exposé des motifs, cette possibilité « permet au corps médical d'exprimer sa préoccupation sociale et non pas seulement soignante des personnes. Elle confirme l'implication effective des équipes de psychiatrie dans la protection des patients ».

Pendant le temps de la sauvegarde de justice, comme cela est déjà le cas actuellement, la personne protégée devrait conserver l'exercice de ses droits. Les actions en annulation, en rescision (9) ou en réduction (10) des actes, contrats ou engagements qu'elle aura pu conclure pendant cette période devraient continuer à être largement facilitées si ces actes lui étaient défavorables.

Du côté de la gestion des biens, le juge devrait pouvoir continuer à nommer un mandataire spécial afin d'effectuer au nom de la personne protégée un ou plusieurs actes déterminés. Nouveauté introduite par le projet de loi : ces actes devraient notamment pouvoir être des actes de disposition (vente aux enchères publiques d'un immeuble, acceptation pure et simple d'une succession, baux à long terme, gage ou hypothèque, vente de gré à gré ou apport d'immeuble en société, emprunt, renonciation à un droit...). Cette innovation, demandée par les praticiens, vise à prendre en compte la situation des personnes dont les facultés personnelles sont altérées mais qui sont bien prises en charge au sein de leur famille. « Lorsqu'il leur faut, par exemple, participer au partage d'une succession ou procéder à la vente d'une maison, le notaire, se rendant compte de leur état de santé, exige qu'elles soient assistées ou représentées dans l'acte. Or la seule possibilité offerte par le droit actuel implique l'ouverture d'une mesure de protection durable », explique l'exposé des motifs. Les intéressés se retrouvent alors placés inutilement sous curatelle ou sous tutelle. Avec la nouvelle sauvegarde de justice, une fois l'acte de disposition conclu avec l'aide du mandataire spécial (qui pourra être un membre de la famille), la mesure judiciaire de protection pourra prendre fin.

2 - LA CURATELLE ET LA TUTELLE

Les mesures de curatelle et de tutelle - mesures judiciaires organisant un régime de protection durable - voient leur définition légèrement modifiée par le projet de loi sans que cela ait un réel impact sur le fond. La curatelle devrait ainsi être prononcée lorsque les personnes ont besoin d'être assistées ou contrôlées « de manière continue » dans les actes importants de la vie civile. La tutelle, de son côté, devrait être prononcée lorsque l'état de santé de ces personnes nécessite qu'elles soient représentées de façon continue pour tous les actes de la vie civile.

Outre une meilleure prise en compte de la personne dans le cadre des tutelles et curatelles (voir page 26), le projet de loi cherche à simplifier et à harmoniser l'organisation de ces mesures, ainsi qu'à améliorer la gestion des biens

a - La simplification et l'harmonisation des dispositions relatives à l'organisation des mesures

Le texte gouvernemental tend à simplifier les mesures de tutelles et de curatelle.

Aujourd'hui, le code civil prévoit la possibilité de désigner, pour exercer une tutelle, un « tuteur », un « administrateur légal sous contrôle judiciaire », un « tuteur d'Etat », un « administrateur spécial » également appelé « gérant de tutelle privé », ou encore un « gérant de tutelle préposé d'un établissement de traitement ». A chaque dénomination correspond un régime de tutelle différent, avec un mode de rémunération, un système de responsabilité, des droits et des pouvoirs de la personne chargée de la protection différents, « ce qui emporte une grande complexité du dispositif de protection suscitant des interprétations divergentes, et ce, sans aucune utilité », explique l'exposé des motifs. La même difficulté est présente dans le cadre de la curatelle.

Le projet de loi prévoit d'unifier toutes ces notions en distinguant, d'une part, les fonctions de « curateur » ou de « tuteur » et, d'autre part, les personnes auxquelles ces fonctions sont confiées : parent, allié, proche de la personne vulnérable ou personne extérieure à son entourage et exerçant à titre habituel des mesures de protection juridique, qu'il s'agisse d'une association ou d'un particulier. Ces personnes, morales ou physiques, exerçant à titre habituel des mesures de protection juridique devraient désormais s'appeler des « mandataires judiciaires de protection des majeurs » (voir page 33). Les curateurs et tuteurs, quelle que soit leur forme, auront les mêmes obligations et pouvoirs vis-à-vis de la personne protégée et de l'institution judiciaire.

Par exception, la mission qui sera confiée à un mandataire judiciaire de protection des majeurs préposé du personnel d'un établissement dans lequel la personne protégée sera soignée ou hébergée ne devrait pouvoir comprendre l'accomplissement de diligences ou d'actes graves touchant à la personne prévus par le code de la santé publique - et dont la liste sera fixée par décret - qu'avec l'autorisation spéciale du juge des tutelles, celui-ci pouvant décider de confier la réalisation de ces mesures à un subrogé curateur ou à un subrogé tuteur, voire à un subrogé ad hoc. « Il est en effet apparu important que les personnes protégées qui doivent prendre des décisions concernant leur état de santé puissent recevoir à cette occasion, en cas de conflit d'intérêt constaté par le juge, une assistance de la part de personnes extérieures à l'établissement avec lequel elles entretiennent des liens de dépendance », explique l'exposé des motifs.

b - La gestion des biens

Pour l'essentiel, le projet de loi ne modifie pas les règles de gestion des biens du majeur placé sous tutelle ou curatelle. Il prévoit toutefois de modifier certaines règles du droit des libéralités et des successions pour permettre, par exemple, aux majeurs sous tutelle de faire une donation, avec une autorisation du conseil de famille ou du juge des tutelles. Autre mesure introduite : un mandataire judiciaire de protection des majeurs ne devrait jamais être bénéficiaire de libéralité entre vifs ou à cause de mort d'une personne dont il assume la protection, ce qui vise à garantir une gestion patrimoniale de la mesure « en bon père de famille ».

D'une façon générale, dans une logique d'individualisation des mesures, toutes les incapacités de jouir de certains droits devraient être supprimées et remplacées par des incapacités de les exercer pouvant être levées avec une autorisation du conseil de famille ou du juge des tutelles. Ainsi le projet de loi supprime les interdictions absolues du droit de souscrire une assurance sur la vie, de conclure un pacte civil de solidarité, d'établir un testament. Seule l'interdiction d'être commerçant demeurerait.

Par ailleurs, le projet de loi crée une véritable « période suspecte » de 2 ans avant l'ouverture d'une mesure de curatelle ou de tutelle. Ce qui doit permettre d'annuler ou de réduire plus facilement des actes qui auront été passés par la personne pendant cette période.

S'agissant plus spécialement de la tutelle, le projet de loi consacre tout un pan de ses dispositions aux mesures applicables aux actes de nature patrimoniale accomplis dans ce cadre (11).

Les règles applicables au tuteur

Dans un souci de clarté, et en reprenant une nomenclature qui figurait déjà dans certains articles du code civil, le projet de loi définit les règles applicables au tuteur. Il distingue ainsi les actes que le tuteur :

devrait pouvoir accomplir sans autorisation pendant le cours de la tutelle, à savoir les actes conservatoires (12) et les actes d'administration du patrimoine qui se révèlent nécessaires (exploitation ou mise en valeur d'un bien, vente de marchandises ou de récoltes, achat de petit matériel nécessaire à l'exploitation, opérations légères sur les valeurs mobilières, contrats d'assurance, examen et paiements de dettes, réception des paiements), la liste de ces actes devant être définie par décret ;

devrait pouvoir accomplir mais avec une autorisation. Sont ici visés les actes de disposition (actes qui entraînent un transfert de propriété), dont la liste devrait être déterminée par décret ;

ne pourrait jamais accomplir, même avec une autorisation. Il s'agit notamment de l'aliénation gratuite des biens de la personne protégée (sauf certains cas de donations...), de l'acquisition en provenance d'un tiers d'un droit ou d'une créance à l'encontre de la personne protégée...

S'agissant plus particulièrement des actes de disposition, le projet de loi introduit certaines mesures qui modernisent le droit actuel. Ainsi, la vente immobilière, qui, actuellement, doit se faire en priorité aux enchères publiques, sera simplifiée. En principe, le bien devra être vendu à l'amiable sur autorisation du conseil de famille ou, à défaut, du juge des tutelles, qui déterminera le prix et les stipulations pour lesquels l'acte sera passé (après la réalisation d'une mesure d'instruction ou le recueil de l'avis de 2 professionnels au moins).

Enfin, le partage amiable d'une succession, auquel le tuteur pourra procéder avec l'autorisation du conseil de famille ou du juge, ne nécessitera plus l'homologation du tribunal de grande instance, mais devra être approuvé par le conseil de famille ou le juge.

Le rôle du conseil de famille ou du juge des tutelles

Le projet de loi détaille également les dispositions applicables aux décisions prises en matière patrimoniale par le conseil de famille ou, à défaut, par le juge des tutelles. Ces décisions s'imposent au tuteur.

Par exemple, le conseil de famille ou le juge devrait pouvoir ordonner que certains fonds soient déposés sur un compte indisponible. Le juge, s'il l'estime nécessaire compte tenu de la situation de la personne protégée, devrait pouvoir faire ouvrir un compte de gestion du patrimoine auprès de la Caisse des dépôts et consignations.

C - Un meilleur dispositif de contrôle

1 - LA RÉVISION DES MESURES

Le projet de loi prévoit que les mesures de protection juridique devront être révisées régulièrement afin que le juge des tutelles puisse s'assurer qu'elles sont bien encore nécessaires et ne privent pas inutilement de leur liberté d'agir les personnes concernées. En effet, il s'agira de vérifier si l'évolution de l'état de santé de la personne ou l'implication plus importante de son entourage dans sa prise en charge ne justifie pas une modification, une adaptation ou une main-levée de la mesure prise.

Ainsi, selon le texte soumis aux députés, la nouvelle mesure d'assistance judiciaire devrait être limitée à 2 ans renouvelables dans la limite de 4 ans au total. Dans le même ordre d'idée, les mesures de sauvegarde de justice deviendront caduques après une année. Elles pourront néanmoins être renouvelées une fois pour une nouvelle durée de un an.

De même, les mesures de curatelle et de tutelle devraient être, en principe, prononcées par le juge pour un temps déterminé qui ne pourra excéder 5 ans. A l'expiration du délai fixé par le jugement d'ouverture, la mesure devrait prendre fin à moins qu'elle ne soit renouvelée par le juge pour une nouvelle durée qu'il devra fixer.

Par exception à cette règle, et dans le cas des tutelles et curatelles, lorsque l'altération des facultés personnelles de l'intéressé ne paraîtra pas manifestement susceptible de connaître une amélioration future au regard des données acquises de la science, le juge pourra, par décision spécialement motivée et sur l'avis conforme d'un médecin spécialiste, ouvrir une mesure pour une durée indéterminée. En effet, « il est apparu inutile d'exiger des personnes atteintes de pathologies non réversibles qu'elles fassent l'objet d'une procédure de renouvellement de la mesure », explique l'exposé des motifs du projet de loi.

La procédure de renouvellement nécessitera la production d'un certificat médical. Celui ci devra émaner d'un médecin inscrit sur la liste du procureur de la République pour que le juge puisse maintenir ou aggraver la protection. La personne vulnérable devra être obligatoirement entendue par le juge, à moins que le certificat médical n'indique que son audition est de nature à porter atteinte à sa santé ou que son état ne lui permet pas d'en comprendre la portée ou encore qu'elle n'est pas apte à exprimer sa volonté.

2 - LA SURVEILLANCE GÉNÉRALE PAR LE JUGE DES TUTELLES ET LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE

Le projet de loi affirme une règle de « surveillance générale des mesures de protection dans leur ressort » par le juge des tutelles et le procureur de la République. Il s'agit pour ces magistrats, chacun dans le cadre des pouvoirs qui lui

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