Comment renforcer l'efficacité des politiques de lutte contre la pauvreté dans l'Union européenne ?, s'interroge le Réseau européen des associations de lutte contre la pauvreté (EAPN) dans un document consultable en français (1). A partir de l'examen des rapports présentés par les Etats membres sur leur stratégie d'inclusion sociale, de pension et de santé pour la période 2006-2008, il déplore notamment que « l'objectif clé d'éradication de la pauvreté perde du terrain ». « Le thème de la pauvreté n'est plus présenté comme un défi à part entière », souligne le réseau, regrettant que son champ d'application soit limité aux besoins de certains groupes cibles, à la pauvreté des enfants et à l'inclusion active. L'organisation, qui relève le caractère très vague de certaines mesures, craint que cette approche ne reflète « une vision plus étroite du concept de pauvreté et un délaissement de la démarche universelle et préventive de lutte contre la pauvreté et de promotion de l'intégration ».
Si EAPN considère que la pauvreté des enfants (qui figure parmi les premières préoccupations de l'Union européenne) requiert effectivement une action urgente et ciblée, elle estime que ce thème doit s'inscrire dans le cadre de la pauvreté des familles. Et exige également de « s'attaquer aux causes structurelles de la pauvreté et à la question des droits, sans se contenter d'adopter une approche purement comportementaliste ». L'organisation souhaite, plus globalement, l'élaboration d'une stratégie visant l'ensemble des groupes à risque et prenant en compte davantage les minorités ethniques, les demandeurs d'asile et les réfugiés. Enfin, le réseau estime que les rapports nationaux privilégient trop souvent le volet « offre » du marché de l'emploi et n'insistent pas suffisamment sur la qualité de l'emploi, l'accès aux services ou l'adéquation des revenus ou des indemnités.
Depuis 2006, la démarche européenne de lutte contre la pauvreté a été « rationalisée » afin d'intégrer les stratégies d'inclusion sociale, de pension et de santé menées par les Etats membres au sein d'un document unique. Introduite sans consultation des parties prenantes, et sans tenir compte des avis des Etats membres qui ont choisi de conserver des plans nationaux sur l'inclusion sociale distincts, cette stratégie aurait nécessité « une relance vigoureuse de la méthode ouverte de coordination [MOC] », estime EAPN. Lequel craint qu'en l'absence de celle-ci, le volet « inclusion sociale » ne fasse plus l'objet de la même attention dans les rapports nationaux. D'autant que le processus de rationalisation ne cible pas suffisamment, selon lui, la problématique de la lutte contre la pauvreté dans sa dimension multidimensionnelle.
Il faut donc « réinscrire la pauvreté à l'ordre du jour de l'Union européenne » estime l'organisation, qui compte sur le sommet de printemps prévu le 9 mars 2007 pour que soit réaffirmée cette préoccupation : « La terminologie centrée autour de «l'éradication de la pauvreté» doit à tout prix être préservée et n'être en aucun cas « édulcorée » par le recours à des termes tels qu'«inclusion active». » Elle formule ainsi une série de propositions visant à intensifier l'étude du phénomène de la pauvreté, les processus et les mesures de lutte contre celle-ci, mais aussi à faire de la MOC rationalisée « un instrument efficace » prenant en compte les questions liées à la pauvreté et à l'inclusion sociale. EAPN demande également une stratégie européenne en vue de sensibiliser l'opinion publique à la pauvreté et des efforts pour mieux informer les médias sur ce thème.
(1) Les rapports nationaux 2006-8 sur les stratégies pour la protection sociale et l'inclusion sociale : quel est leur impact sur les personnes en situation de pauvreté ? - Le rapport comprend les avis d'EAPN sur le contenu politique des chapitres consacrés à l'inclusion sociale et sur les dernières évolutions en matière de gouvernance, ainsi que ses propositions sur la méthode ouverte de coordination - Téléchargeable sur