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Un rapport d'audit prône une réforme en profondeur de l'allocation de parent isolé

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Trente ans après sa création en 1976, « tout plaide en faveur d'une profonde refonte » de l'allocation de parent isolé (API) dont « la logique de salaire maternel [...] apparaît obsolète ». Cette critique, déjà maintes fois formulée à l'égard de cette prestation, émane aujourd'hui du rapport d'audit des inspections générales des finances et des affaires sociales (1) commandé en juin 2006 par le ministère des Finances, à la suite notamment de la loi du 23 mars 2006 qui a instauré de nouveaux mécanismes incitatifs de retour à l'emploi des bénéficiaires des minima sociaux (2).

Actuellement, l'API, « courte » ou « longue » (3), est versée par les caisses d'allocations familiales (CAF), sous conditions de ressources, à environ 200 000 personnes, pour un coût de un milliard d'euros à la charge de l'Etat depuis 1999. Plus de 98 % de ses bénéficiaires sont des femmes et plus de 60 % ont moins de 30 ans.

Pour les auteurs, le montant de l'API et sa « durée de versement suscitent un risque d'éloignement durable de l'emploi et d'installation dans l'inactivité ». C'est pourquoi il leur paraît « indispensable de proposer aux bénéficiaires de [cette allocation] un autre horizon que le basculement vers le revenu minimum d'insertion [RMI], et donc une démarche organisée d'aide à l'insertion non seulement sociale, mais aussi professionnelle, l'âge moyen des bénéficiaires démontrant amplement que l'activité professionnelle est pour ces jeunes femmes la voie vers l'autonomie à privilégier ». Même si, selon la mission, il ne s'agit pas d'une réforme facile à conduire, « l'effort d'insertion des bénéficiaires de l'API devrait contribuer à accélérer les sorties, donc générer une économie, directe pour l'Etat et indirecte pour les départements par non-basculement dans le RMI ».

Les auteurs suggèrent la mise en place d'un dispositif d'accompagnement pour l'insertion, notamment professionnelle, comportant en particulier un bilan simplifié de la situation professionnelle à l'entrée dans l'allocation et la proposition d'une démarche d'insertion à tous les bénéficiaires de l'API « longue » au terme de la première année de perception (un dispositif dont le coût est estimé à 39,5 millions d'euros pour 60 000 bénéficiaires). Ils préconisent que, au terme de cette première année, qui « correspond à un objectif de stabilisation de la situation familiale », le montant de base de l'API soit aligné sur le RMI (4), ce qui entraînerait une économie maximale de 125 millions d'euros en année pleine pour 110 000 bénéficiaires. Il serait complété par une partie individualisée en fonction du parcours d'insertion, qui prévoirait notamment la prise en charge intégrale des frais de transport - dont le coût n'a pas été évalué - et des frais de garde d'enfants. Seraient couverts les frais réels de garde, après prestations légales et crédit d'impôt, des seuls allocataires s'engageant dans une démarche d'insertion. Pour 42 000 enfants gardés à temps plein, pour moitié en crèche et pour moitié chez un assistant maternel, le surcoût est évalué à 34 millions d'euros.

Selon les inspections générales, les opérateurs d'insertion pourraient être des conseils généraux volontaires ou bien l'Agence nationale pour l'emploi ou encore des structures locales ayant signé une convention avec les CAF. Pour mettre en place cette réforme, celles-ci seraient chargées d'organiser et de développer l'accès en urgence à des modes de garde ou de dégager les crédits d'action sociale nécessaires au financement de ce qui reste à la charge des familles à faibles revenus.

Par ailleurs, les auteurs constatent que l'API est « difficile à contrôler » et que « ses bénéficiaires sont mal connus ». Aussi soutiennent-ils les démarches déjà entreprises pour constituer un fichier national des allocataires permettant de détecter les fraudes générées par des demandes multiples, tout en soulignant que « l'harmonisation des pratiques de contrôle des caisses est perfectible » et qu'elles ne disposent en moyenne que d'un contrôleur pour 20 000 allocataires. Concernant la collecte d'informations relatives aux déclarations d'embauche, elle estime que le plus utile serait de permettre aux contrôleurs d'accéder par Internet, et non pas uniquement en se déplaçant, au fichier de l'Urssaf (5). Toujours dans un souci d'un contrôle accru, les inspections se déclarent favorables à la substitution d'un critère d'isolement économique à la définition actuelle de l'isolement retenu pour octroyer l'API, « la notion de concubinage étant difficilement vérifiable telle qu'elle est actuellement définie ». Serait considérée « comme isolée économiquement la personne qui ne met pas en commun ses ressources avec des tiers et dont les éventuelles aides qu'elle reçoit, financièrement ou en nature (hébergement gratuit), sont inférieures à un certain seuil » (6).

Enfin, s'agissant du financement de cette allocation, le rapport souligne la nécessité de mettre en place un plan d'apurement de la dette de l'Etat envers la caisse nationale des allocations familiales, qui s'élève à 423,6 millions d'euros au 31 décembre 2006, et qui est due à une sous-évaluation régulière des dotations budgétaires et des crédits ouverts à ce titre.

Notes

(1) Rapport sur l'allocation de parent isolé - IGF-IGAS - Décembre 2006 - Disponible sur www.audits.performance-publique.gouv.fr.

(2) Voir ASH n° 2455 du 12-05-06, p. 17

(3) L'API « courte » est versée pour une durée de un an au parent séparé, veuf ou divorcé depuis moins d'un an élevant seul un ou plusieurs enfants, quel que soit leur âge. L'API « longue » est perçue par le parent isolé élevant un ou plusieurs enfants âgés de moins de 3 ans. Le nombre de ses bénéficiaires a progressé de plus de 40 % entre 1991 et 2004 alors que celui des bénéficiaires de l'API « courte » est stable.

(4) L'API s'élève à 561,18 € par mois pour une femme enceinte sans enfant, montant majoré de 187,06 € par enfant à charge. Le RMI, quant à lui, est égal à 440,86 € par mois pour une personne seule, à 661,29 € avec un enfant à charge, à 793,55 € par mois avec deux enfants à charge, chaque enfant supplémentaire donnant lieu à une majoration de 176,34 € .

(5) Il s'agit du fichier « CIRSO ».

(6) Selon les principes généraux du droit civil, il appartient aux CAF de prouver que la déclaration d'isolement de l'allocataire est fausse.

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