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Droit au logement : l'interpellation médiatique a payé mais les interrogations demeurent

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Cette année pourrait être enfin la bonne. En annonçant, lors de ses voeux télévisés, qu'il demanderait au gouvernement « d'avancer » sur la mise en place d'un « véritable droit au logement opposable », qui devrait prendre corps dans un projet de loi dont les contours ont été présentés le 3 janvier (voir ce numéro, page 5), Jacques Chirac a relancé l'espoir de voir enfin se concrétiser cette idée qui a émergé il y a plus de quatre ans. Une promesse déclenchée par le coup d'éclat des « Enfants de Don Quichotte », alors que de nombreuses analyses se sont succédé sur le sujet. A commencer par celles du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, qui y consacrait son rapport annuel en décembre 2002 (1), et du Conseil économique et social, en 2004 (2). Une quarantaine d'associations se réunissent par ailleurs depuis plus de trois ans autour d'une « plateforme pour le droit au logement opposable » (3).

Les principe acquis, reste à débattre des modalités

Les discussions étaient cependant restées jusqu'ici au point mort. « Depuis le dernier gouvernement Raffarin, l'opposabilité avait été seulement citée comme une perspective », explique Bernard Lacharme, secrétaire général du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, qui vient de remettre au Premier ministre le rapport qu'il lui avait commandé en juin dernier sur l'expérimentation de l'opposabilité (voir ce numéro, page 5). « Il fallait une décision politique qui était difficile à prendre car elle suppose un engagement fort de l'Etat et des responsabilités pour les collectivités locales. » La pression associative, dans le contexte électoral, a servi d'accélérateur. « Le débat va porter désormais sur la façon de rendre le droit au logement opposable, non plus sur le principe », ajoute Bernard Lacharme. Reste en effet à s'accorder sur le calendrier de mise en oeuvre, la collectivité responsable et les voies de recours.

L'ensemble du secteur associatif se réjouit de ce changement de braquet, même si la prudence reste de mise. Patrick Doutreligne, délégué général de la Fonda-tion Abbé-Pierre, redoute notamment que, sans production massive de logements à loyers accessibles, l'opposabilité ne serve qu'à « gérer des listes d'attente ». Ce nouveau droit risque en outre de se heurter à une forte inégalités entre les villes bien pourvues en logements sociaux et celles qui renâclent à accomplir leurs obligations légales en la matière, craint Martin Hirsch, président d'Emmaüs.

Si cet engagement politique est une victoire, la situation des personnes à la rue ne peut plus attendre, soulignent d'autres organisations comme Médecins du monde, qui demandent la refonte total du dispositif d'urgence. Sur ce point encore, les « Enfants de Don Quichotte » ont réussi le tour de force de rendre audibles, en 15 jours, les revendications portées de longue date par les organisations du secteur. Leur « charte du canal Saint-Martin », qui demande l'ouverture permanente des structures d'accueil, l'accompagnement personnalisé des résidents vers l'insertion et la création de logements temporaires, a recueilli l'adhésion de la plupart des associations oeuvrant pour le logement des plus démunis, qui auraient pu se sentir dessaisies de leur rôle historique de lobby, ainsi que de plusieurs partis politiques.

Les associations méfiantes face aux décisions prises en urgence

Plutôt prise de court par l'opération du canal Saint-Martin qu'elle a au départ critiquée, Catherine Vautrin, la ministre déléguée à la cohésion sociale, a fini par récompenser l'initiative en annonçant l'extension des horaires d'ouverture des centres d'hébergement d'urgence et le quadruplement prochain du nombre prévu des places d'hébergement de stabilisation (voir ce numéro, page 7). Mais ces mesures suffiront-elles à réformer sur le fond la politique de l'accueil des sans-domicile ? Les associations, qui d'expérience privilégient la concertation aux décisions prises dans l'urgence, se méfient. Ces annonces constituent une avancée, estiment-elles, mais sont encore en deçà des besoins. La ministre devrait préciser que l'accueil d'urgence doit être élargi grâce une augmentation du personnel pour ne pas mettre en danger l'ensemble du dispositif d'insertion, insiste Xavier Emmanuelli, président du SAMU social de Paris, alors que Catherine Vautrin envisage de transformer des places d'urgence en places de stabilisation. A quoi bon, par ailleurs, réformer par retouches un dispositif déjà peu lisible, si ne sont pas résolues les difficultés liées à l'inadaptation des lieux aux différents types de populations accueillies, à l'insuffisance de l'accompagnement social et aux cloisonnements des dispositifs ? Très circonspecte, l'association France terre d'asile dénonce même un « SDF show » alors que, l'été dernier, une vague d'audits, dans le cadre d'une mission confiée à la présidente de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale, avait déjà relayé les attentes du milieu associatif (4). Et que la loi de finances pour 2007 prévoit des crédits alloués à l'hébergement d'urgence et d'insertion « inférieurs de plus de 150 millions d'euros à la dépense consommée en 2005 »... « On nous a refusé les six millions d'euros nécessaires pour rebaser les CHRS, ajoute Nicole Maestracci, présidente de la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (FNARS). D'où viennent les 70 millions d'euros annoncés par Catherine Vautrin ? A chaque événement médiatique, on nous annonce un nombre de places, une somme, mais pas de stratégie. Il est temps de s'intéresser aux questions de méthode, de parvenir à un consensus sur la stratégie à adopter, les réponses à apporter et sur un calendrier. » Dans la foulée de ses états généraux lancés en 2006 (5), la FNARS compte d'ailleurs réfléchir à l'élaboration d'une conférence de consensus qui rassemblerait des experts français et européens.

Pendant ce temps, prises dans l'élan de leur succès, les associations continuent de jouer sur le terrain de l'action visible. Les « Enfants de Don Quichotte » ont étendu l'implantation de leurs tentes dans une dizaine de grandes villes et trois associations - le Mouvement d'animation culturelle et artistique de quartier (Macaq), Jeudi noir et Droit au logement - ont pris possession d'un immeuble vide de 1 000 m2 appartenant à une banque dans le IIe arrondissement de Paris, pour y installer huit familles. Autre objectif, symbolique, de cette occupation : créer un « ministère de la crise du logement » chargé d'organiser des initiatives pour lutter contre le mal-logement, qui devrait être inauguré le 11 janvier.

Notes

(1) Voir ASH n° 2288 du 6-12-02, p. 43.

(2) Voir ASH n° 2342 du 16-01-04, p. 13.

(3) Voir ASH n° 2379 du 29 -10-04, p. 29.

(4) Voir ASH n° 2466 du 25-08-06, p. 19 et 41.

(5) Voir ASH n° 2480 du 24-11-06, p. 35.

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