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Quoique globalement satisfaisante, la compensation des transferts appelle une autre péréquation, selon le rapport de deux députés

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Oui, l'Etat a rempli ses engagements - et parfois au-delà - en matière de compensation des transferts de compétences aux collectivités territoriales. La situation est « globalement proche de l'équilibre », du moins à court terme. Mais ce qui est vrai au plan national ne l'est pas au plan local. Certains départements ou régions, souvent ceux qui cumulent le plus de difficultés, sont « perdants ». D'où la nécessité « d'inventer de nouvelles formes de péréquation ». Les députés Marc Laffineur (UMP, Maine-et-Loire) et Augustin Bonrepaux (PS, Ariège) concluent ainsi très clairement le rapport d'information présenté le 14 décembre à la commission des finances de l'Assemblée nationale (1).

Depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, tout transfert de compétences « s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice », rappellent les deux parlementaires. Ce principe acquis, reste à cerner les dépenses réelles qui étaient consenties, ce qui n'est pas toujours simple, surtout lorsqu'il s'agit de coûts de personnels. Autre question posée sans relâche par les collectivités : qui paye lorsque les charges transférées étaient sous-financées ou lorsqu'elles augmentent fortement dans les années qui suivent, non du fait des collectivités, mais des décisions de l'Etat ?

Ces débats ont d'abord lieu au sein de la commission consultative d'évaluation des charges (CCEC), composée à parité de représentants de l'Etat et des collectivités territoriales. Un « lieu d'échanges et de concertation », où de nombreuses divergences ont pu être surmontées, se réjouit Marc Laffineur. L'Etat est ainsi allé parfois, à la demande des élus, au-delà de ses strictes obligations légales en prenant comme base de compensation l'exercice le plus favorable aux collectivités au lieu de la moyenne des trois dernières années. Il l'a fait notamment pour le transfert des fonds de solidarité logement (en se référant à la seule année 2004 et en accordant 5,65 millions d'euros de plus que son dû), pour les formations sanitaires et sociales (+ 24,17 millions, dont 11,25 pour les formations sociales), les bourses en travail social (+ 229 millions) et les CLIC (centres locaux d'information et de coordination, + 39,17 millions).

Des différends demeurent mais, pour l'essentiel, ils ne portent pas sur le respect des règles de compensation, plutôt sur leur bien-fondé au regard de l'effort financier supplémentaire mis à la charge des collectivités. Si la question est posée dans divers domaines (routes, éducation...), elle est particulièrement vive au plan social.

Le rapport évoque le cas des fonds de solidarité pour le logement, de plus en plus sollicités en cas d'impayés de factures d'électricité en vertu du décret du 10 août 2005 (2). Il revient aussi longuement sur le dossier du revenu minimum d'insertion (RMI), dont le nombre de bénéficiaires a beaucoup augmenté juste après le transfert aux départements. L'Etat est, là aussi, allé au-delà de ses strictes obligations en compensant la totalité de la charge financière du RMI en 2004 et à 94 % celle de 2005. Mais les mécanismes de versement et les corrections intervenues avec un « décalage dans le temps » ont « pu entraîner des difficultés de trésorerie » et des problèmes financiers pour certains départements, admet le rapport. Ceux-ci devraient être limités par les nouvelles règles retenues pour 2006. Cependant, « un déficit important persiste », chiffré à 340 millions pour 2005. En 2006, même si le nombre de bénéficiaires devait se stabiliser ou diminuer, la dépense augmente. Les dotations prévues à ce jour ne devraient donc pas non plus couvrir la charge, reconnaît le rapport, en s'appuyant sur les données avancées par des conseils généraux de droite et de gauche. D'ores et déjà, les deux députés demandent donc que le complément de 500 millions d'euros consenti pour les années 2005 à 2007 (3) soit intégré à partir de 2008 dans la base de compensation indexée.

Les deux parlementaires se font aussi l'écho des inquiétudes des élus sur l'évolution des dépenses sociales en reprenant l'exemple de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), créée en 2001. La part du financement national a décliné de 43 % en 2002 à 35 % en 2005, en laissant aux départements une charge nette passée pendant la même période de 1,40 à 2,55 milliards d'euros. Les perspectives démographiques font augurer une nouvelle « hausse modérée » de la participation financière des départements pour les toutes prochaines années, même si des « marges de manoeuvre existent pour modérer le coût » de l'allocation. A leur tour, les deux députés en concluent cependant que « la question du financement de la dépendance se [posant] à moyen et à long terme, l'intégralité de la dépense supplémentaire ne pourra être supportée par les départements ».

La prestation de compensation du handicap (PCH) suivra-t-elle, à quelques années de distance, la rapide montée en charge qu'a connue l'APA ? Après d'autres, les deux rapporteurs relativisent cette nouvelle source d'incertitude. Début 2006, l'enveloppe financière attribuée par la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) a été supérieure aux dépenses, notent-ils. Tout dépendra du nombre de bénéficiaires. Les premières prévisions de l'Assemblée des départements de France (ADF) grimpaient jusqu'à 400 000, alors que le gouvernement le situe entre 127 000 et 152 000. Marc Laffineur considère néanmoins que les dépenses facultatives consenties par les conseils généraux pour les personnes handicapées pourraient connaître une progression importante dans les prochaines années.

Reste que les charges sont très inégalement réparties selon les départements. D'après les chiffres avancés par l'ADF, le financement de l'APA « coûte 8,59 € par habitant dans le Val-d'Oise contre 23,98 € dans la Creuse ». Le poids du RMI est aussi très variable selon les collectivités, le nombre d'allocataires variant de 8 dans l'Ain à 38 dans la Seine-Saint-Denis. « La décentralisation a augmenté les disparités entre départements », résume Augustin Bonrepaux.

Bien sûr, certaines recettes croissent. En 2005, l'autofinancement des régions a progressé de plus de 15 %, celui des départements de 13 %. Du fait des augmentations d'impôts locaux, mais aussi, notamment, de la hausse du rendement des droits de mutation liée à la flambée des prix de l'immobilier (+ 79 % en cinq ans). Cependant, son produit par habitant varie de un à dix selon les départements et les principaux bénéficiaires ne coïncident que rarement avec ceux qui ont le plus de charges d'APA ou de RMI... Par ailleurs, des incertitudes pèsent sur le dynamisme des sources de compensation actuelles, le produit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers étant en recul, par exemple.

Le rapport plaide donc pour de nouvelles formes de péréquation, qui tiendraient mieux compte du potentiel fiscal des collectivités mais sans restreindre leur autonomie déjà réduite. Il souligne l'intérêt du croisement des quatre critères de répartition déjà retenus par la CNSA pour l'APA, mais en notant que cette péréquation s'opère au sein des enveloppes prédéterminées par l'Etat. Les deux élus vont donc plus loin en préconisant de créer un ou plusieurs outils de péréquation entre les collectivités elles-mêmes, « dans la limite des prélèvements existants ». Ils souhaitent en particulier qu'une réflexion soit engagée sur un « mécanisme d'écrêtement » du produit des droits de mutation. La proposition devrait faire débat, car elle revient à suggérer, par exemple, qu'une part des recettes propres des Hauts-de-Seine puisse glisser vers la Seine-Saint-Denis...

Notes

(1) Rapport d'information sur les transferts de compétences de l'Etat aux collectivités territoriales et leur financement - Disponible sur www.assemblee-nationale.fr.

(2) Voir ASH n° 2418 du 26-08-05, p. 9.

(3) Voir ASH n° 2480 du 24-11-06, p. 12.

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