Quarante-huit propositions pour « l'accès de tous à la prévention et à des soins de qualité ». C'est un rapport très global (abordant la santé à travers ses aspects financiers, sanitaires, mais aussi sociaux et médico-sociaux, et sa dimension internationale) qu'a remis l'Uniopss (Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés sanitaires et sociaux) à Xavier Bertrand, ministre de la Santé, le 14 décembre lors d'une journée d'étude sur le sujet (1). De ce document, elle a dégagé dix priorités, réunies au sein d'une « plateforme politique » qu'elle entend, à l'approche des élections, diffuser très largement auprès des responsables politiques et de l'opinion publique. Une façon d'apporter sa contribution en vue « d'engager une politique globale de promotion de la santé ».
Son diagnostic est clair : si de nombreux textes ont permis d'indéniables avancées, comme la loi sur les droits des malades et la qualité du système de santé en 2002, le plan « Hôpital 2007 » en 2003, la réforme de l'assurance maladie ou encore la création de la couverture maladie universelle (CMU), ils n'en restent pas moins partiels, voire « partiaux ». D'où de nombreux reculs et surtout la persistance d'inégalités de santé entre les catégories socioprofessionnelles et entre les régions : l'écart d'espérance de vie à 35 ans d'un homme est désormais de sept ans entre les ouvriers et les cadres et professions libérales (contre six ans, 15 ans plus tôt). « Nos systèmes doivent donc encore être adaptés et améliorés », souligne Jean-Michel Bloch-Lainé, président de l'Uniopss, dans la préface du document. Encore faut-il que ces évolutions ne se traduisent pas « par des systèmes fondés sur la sélection des populations et sur les différences de traitement en fonction des ressources, du risque, de l'âge, de la maladie ou du territoire ».
L'Uniopss rappelle tout d'abord son attachement à un système d'assurance maladie obligatoire, universel et fondé sur la solidarité nationale. Elle propose ainsi d'accroître les ressources financières de l'assurance maladie en rendant progressive la contribution sociale généralisée (CSG) qui pèse trop lourdement sur les bas salaires. Elle est également favorable à une réflexion sur une contribution des entreprises basée sur la valeur ajoutée. Dénonçant par ailleurs la discrimination introduite par la séparation entre l'aide médicale d'Etat (AME) et la CMU, elle propose de généraliser à tous les résidents, sans condition de durée, le régime de la CMU. Ce qui doit s'accompagner d'un élargissement de l'accès à la CMU de base et complémentaire à toute personne ayant des ressources inférieures au seuil de pauvreté. Enfin, pour permettre un réel accès au droit, l'Uniopss demande la suppression de l'obligation d'une domiciliation pour la CMU et l'AME, la sanction des refus de soins et « une impulsion nationale par voie législative ou conventionnelle » pour permettre aux professionnels de pratiquer le tiers payant (au-delà des accords locaux qui peuvent exister entre les caisses primaires et les représentants des professionnels).
Les rapporteurs souhaitent également réduire les inégalités d'accès à la prévention et aux soins. Outre le renforcement de la médecine scolaire ou encore l'instauration d'un suivi médical pour les demandeurs d'emploi, ils estiment nécessaire d'augmenter les moyens des programmes régionaux pour l'accès à la prévention et aux soins des personnes les plus démunies (PRAPS). Par ailleurs, ils proposent de « lever les ambiguïtés du parcours de soins », dont la mise en oeuvre a compliqué l'accès aux soins et favorise l'exclusion des personnes les plus fragilisées et les moins bien informées. Par exemple, les patients sont pénalisés financièrement lorsque certaines structures spécialisées (planning familial, centres de dépistage anonyme et gratuit, centres de soins spécialisés pour toxicomanes, médecine humanitaire...), qui n'ont pas vocation à devenir « médecin traitant », leur prescrivent des examens complémentaires auprès d'autres professionnels. A cela s'ajoutent les risques accrus de sélection des publics liés au développement des secteurs de médecine ambulatoire à honoraires libres et à la mise en place de la tarification à l'activité à l'hôpital, qui ne doit pas conduire « à une logique purement gestionnaire de rentabilité financière ». Si elle appelle donc les pouvoirs publics à la plus extrême vigilance, l'Uniopss souhaite par ailleurs une couverture de tout le territoire par les permanences d'accès aux soins de santé (PASS) et un développement des PASS mobiles.
Bon nombre de propositions tournent également autour du renforcement de la cohérence de la politique de santé (par une articulation des différents schémas ou une coordination des décideurs) et de sa transparence, avec des « règles du jeu claires ». L'Uniopss rappelle, à ce propos, que les structures médico-sociales et sociales ont eu à connaître, entre décembre 2005 et mai 2006, pas moins de 25 textes réglementaires successifs concernant leur financement et la tarification ! L'une des priorités concerne aussi le renforcement des complémentarités entre le secteur sanitaire et social et leur articulation afin d'assurer un continuum de réponses. Sur ce point, les coopérations entre établissements et les réseaux de santé et médico-sociaux sont des outils à promouvoir, souligne l'union, encore faut-il qu'ils bénéficient d'un meilleur soutien, y compris financier.
Enfin, outre des préconisations visant à conforter et favoriser la participation effective des usagers, l'Uniopss demande que « l'originalité de l'accompagnement et la plus-value sociale » du secteur privé non lucratif soient reconnues. Or « les économies budgétaires de court terme fondées sur des indicateurs d'efficacité trop partiels, la simplification apparente qui voudrait que seuls des opérateurs de grande taille soient efficaces [...] ou encore l'instrumentalisation croissante des associations, souvent corrélée à une volonté de standardiser les réponses », vont à l'encontre de cette prise en compte, estime l'organisation, qui rappelle que l'épisode caniculaire de 2003 ou les flambées de violences dans les banlieues montrent bien la fragilité du système. L'Uniopss demande donc que les réformes des modes de régulation et de financement des structures sanitaires, sociales et médico-sociales concourant à la prévention et aux soins tiennent compte de la spécificité du secteur privé non lucratif.
(1) Intitulée « La santé, un enjeu du sanitaire et du social » et organisée à Paris.
(2) Disponible sur