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Petites unités de vie : le ciel s'éclaircit

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Les petites unités de vie pour personnes âgées finiront-elles par avoir le vent en poupe ? Bien que plébiscitées par les familles, ces structures de moins de 25 lits peinaient jusqu'à présent à s'insérer entre les établissements et le domicile. Mais le regain d'intérêt des financeurs publics, associé à la prise de conscience des effets pervers d'une politique du tout EHPAD, montre que la situation pourrait évoluer.

Nées dans les années 80 en réaction au développement du modèle para-hospitalier des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), les petites unités de vie (PUV) pour personnes âgées n'ont cessé d'être parées de toutes les vertus. Avec leur capacité inférieure à 25 lits, et organisées autour du concept de « domicile collectif », elles proposent une alternative à l'entrée en établissement tout en apportant une réponse au besoin de sécurisation et de maintien du lien social. Elles assurent également une continuité avec les modes de vie antérieurs du résident, tant par leur insertion dans le territoire ou le quartier dans lequel les personnes ont toujours vécu, que par leur organisation mêlant l'intervention des partenaires locaux (soignants ou associatifs) et l'implication des familles (voir encadré ci-contre). Pourtant, avec à peine 4 % du nombre de lits spécialisés, leur place reste marginale dans le paysage gérontologique français.

Les raisons ? Trop petites, jugées peu prioritaires malgré le contexte de pénurie générale d'équipements, les PUV ont été victimes des hésitations de l'administration sur les soins qu'elles pouvaient dispenser. « Il a fallu attendre le décret du 10 février 2005 pour que les systèmes dérogatoires à la médicalisation des petits établissements et des logements-foyers, fixés par la loi du 20 juillet 2001 instaurant l'allocation personnalisée d'autonomie, aient une base réglementaire (1), explique Alain Villez, conseiller technique à l'Uniopss (2). Ces quatre années ont été celles des incertitudes : on a assisté sur le terrain à de nombreuses pressions pour inciter les promoteurs des petites unités de vie à s'orienter massivement vers le modèle des EHPAD. » Une période noire pour les porteurs de projets, aboutissant à un gel complet des nouvelles ouvertures durant les deux dernières années.

Les risques d'un nivellement de l'offre d'hébergement dû à la multiplication des EHPAD n'ont eux-mêmes été envisagés que très tardivement. C'est seulement en 2006 qu'on a assisté à une évolution des exigences politiques en matière d'outil de programmation. Après une série d'études prospectives sur les besoins d'hébergement en EHPAD, c'est en effet à l'occasion de la préparation du plan Solidarité grand âge (3) que Philippe Bas, ministre délégué aux personnes âgées, s'est fait remettre, en juin 2006, un rapport du centre d'analyse stratégique focalisé pour la première fois sur la liberté de choix laissée aux personnes âgées et sur le développement simultané et complémentaire des offres de services de maintien à domicile et d'hébergement (4). « Le pari n'était plus seulement celui de l'accroissement du nombre de places, mais bien qu'à long terme la diversification des accueils pouvait fonctionner et qu'il n'était pas obligatoire de s'en remettre au modèle standardisé des EHPAD », affirme Stéphane le Bouler, chargé de mission au centre d'analyse stratégique. Le plan Solidarité grand âge constitue à ce titre un tournant. « En prônant la prise en charge des personnes âgées au sein de la communauté et en incitant à la multiplication des formules d'accueil, ce plan donne une impulsion politique forte afin de permettre le libre choix des usagers », estime-t-il.

Il n'empêche que, sur le terrain, les porteurs de projets sont en attente de signaux tangibles des pouvoirs publics et des financeurs. Avec 1 200 unités installées pour l'essentiel dans les régions rurales, le maillage des PUV est loin d'incarner le « libre choix » prôné par le gouvernement. « Les besoins ne sont pas couverts. La recherche d'une alternative entre le tout domicile et le tout établissement reste une vérité forte pour les territoires ruraux, où l'offre de soins est dispersée, la densité de services faible et le pouvoir d'achat des retraités peu élevé », explique Gérard Soumet, directeur de l'action sociale à la Mutualité sociale agricole (MSA), qui développe depuis le début des années 80 un réseau national de petites maisons d'accueil rurales pour personnes âgées (MARPA) (5). De fait, portée majoritairement par les communes, chaque création de PUV s'inscrit dans une démarche de développement du territoire, impliquant la mise en réseau des intervenants sociaux, sanitaires ou associatifs, voire la création de nouveaux services. A deux millions d'euros en moyenne l'unité, c'est même trop souvent la dernière solution pour enrayer le départ des plus âgés vers les grands établissements médicalisés. Ainsi, une MARPA va s'ouvrir à la fin de l'année à Saint-Hilaire-de-Voust (Vendée), une municipalité de 668 habitants située au coeur d'une communauté de minuscules communes ayant vu sa population divisée par deux en quelques décennies. « L'utilité de l'équipement a été validée auprès de 238 personnes âgées », raconte Bernadette Baty, maire de Saint-Hilaire-de-Voust. Une cible ridicule pour un opérateur d'EHPAD, mais capitale à l'échelle d'un bassin de vie qui refuse de sombrer.

Du côté du ministère du logement, on assure aussi avoir tiré les leçons du passé. Avec 120 000 personnes âgées en attente d'un logement social, dont un tiers présentent des revenus inférieurs à 1 000 € par mois (6), la nécessité de disposer d'une offre adaptée s'impose désormais. « Le rapport du groupe de travail interministériel sur les logements-foyers de Jean-Pierre Grunspan (7) a permis de faire évoluer les consciences dans l'administration centrale, explique Isabelle Hennion, chef de bureau des politiques sociales à la direction générale de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction. On a réalisé qu'il y avait une place pour les formules alternatives dès lors qu'elles correspondaient aux besoins locaux et qu'elles s'ancraient dans le territoire. » Même pragmatisme à la caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV), qui s'apprête à redéfinir ses orientations en matière de domicile collectif, après des années d'affectation prioritaire des crédits aux établissements d'accueil pour personnes âgées. « Aujourd'hui, face à l'augmentation de la population dépendante et à la nécessité de proposer des réponses diversifiées, le bien-fondé des PUV prend une nouvelle signification », résume Yvon Le Men, directeur adjoint de l'action sociale de la CNAV.

Ainsi, le ministère du Logement a assoupli les règles d'éligibilité aux aides à l'investissement (8). Jusqu'alors concentrées sur l'habitat ordinaire, celles-ci peuvent désormais s'appliquer au financement d'un habitat collectif pour personnes dépendantes, dans le cadre des priorités définies par les programmes locaux (PLH) et départementaux (PDH) de l'habitat. « L'objectif du ministère est de maintenir cette méthode d'investissement en cohérence avec le plan Solidarité grand âge », assure Isabelle Hennion, qui invite les acteurs du secteur social et médico-social à se rapprocher de ceux de l'habitat. « Des milieux qui échangent encore trop peu. »

Parallèlement, une circulaire de la CNAV, prévue pour le début de l'année 2007, devrait fixer les nouveaux engagements de l'institution envers les structures non médicalisées. Trois grands axes ont été retenus : l'amélioration de la vie sociale des personnes âgées au sein des institutions, la diversification des modes d'accueil intermédiaires entre domicile et hébergement, l'amélioration du cadre des logements-foyers et des résidences services.

Reste l'essentiel : la quasi-inexistence des petites unités de vie dans les schémas gérontologiques départementaux, liée pour partie à des considérations sur la rentabilité des équipements. « Un faux problème », répond Claude Laurent, directeur de la MSA de l'Ain, faisant état du scepticisme ayant entouré l'implantation, en 1992, de deux MARPA dans ce département. « A l'époque, on nous disait que ce ne serait jamais rentable », se souvient-il. Sauf que, soutenues par le conseil général de l'Ain au titre de l'aide à domicile et inscrites dans des logiques de développement social local, les deux premières unités seront prochainement entourées d'un réseau départemental de quatre nouvelles PUV en milieu urbain et de quatre MARPA en zone rurale. « Tout le monde s'y retrouve. Les structures ont une pertinence sociale et économique : outre leur prix de journée bas ne nécessitant pas de recours à l'aide sociale, elles permettent la création de sept ou huit emplois par établissement », explique Claude Laurent. Pourtant, « quand on regarde la configuration des schémas gérontologiques départementaux, on est frappé par le fait que les meilleurs d'entre eux n'intègrent pratiquement jamais la territorialisation des actions », ajoute Jean-François Bauduret, directeur adjoint de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). En l'absence de définition d'aires de proximité ou de bassins de vie, comment la nécessité d'implanter une petite structure de moins de 25 lits pourrait-elle émerger parmi quelques dizaines de gros projets d'extension ou d'investissement ? « C'est le problème de l'articulation entre une démarche d'identification des besoins et une démarche de programmation qui est posé », martèle Jean-François Bauduret.

Finalement, si le ciel paraît s'éclaircir au-dessus des PUV, c'est pour mieux montrer à quel point elles détonnent dans le paysage gérontologique. Ni tout à fait domicile, ni tout à fait établissement, elles bousculent les frontières. Et, en dépit des assouplissements récents de la réglementation, posent de nombreuses questions. Comment, ainsi, les PUV qui ne souhaitent pas se médicaliser pourront-elles accompagner jusqu'en fin de vie leurs résidents compte tenu des limites de capacité des services de soins infirmiers, voire de leur absence pure et simple de certains territoires ? Pour Hubert Allier, directeur général de l'Uniopss, une autre étape inévitable se profile : « Les PUV ne peuvent plus travailler seules. Elles doivent s'ouvrir à des réseaux, conclure des partenariats et réfléchir à des coopérations ou à des regroupement qui permettront d'alléger encore les coûts et de répondre en partie au problème de la médicalisation sans pour autant sacrifier leur projet. »

Une définition très précise

C'est en 2001, à l'occasion du rapport Palach-Guisset (9), que les petites unités de vie (PUV) ont vu leurs caractéristiques fixées dans un texte de référence. Selon ce rapport, une PUV ne peut accueillir plus de 24 résidents, nombre pour lequel une prise en charge personnalisée est encore possible. L'habitat est adapté et sécurisé, avec un personnel présent en permanence. La gestion au quotidien se base sur l'ouverture de la structure sur son milieu ou son quartier, les partenariats avec les services locaux, et l'implication des résidents. Enfin, les familles contribuent dans la mesure de leurs moyens à l'accompagnement de leur proche et à l'animation collective.

« C'est l'ensemble de ces critères qui doit être réuni pour qu'on puisse parler d'une PUV. Ils constituent un élément fondateur permettant d'envisager avec une identité forte une coopération avec les autres structures gérontologiques locales », précise Hervé Marcillat, chargé de mission à la Fédération nationale des maisons d'accueil rural pour personnes âgées.

Notes

(1) Aux termes de ce texte, les PUV et les logements-foyers peuvent soit se transformer en EHPAD, soit opter pour un forfait journalier de soins pour les actes effectués par des soignants libéraux ou salariés, soit recourir aux services de soins infirmiers locaux comme pour tout domicile - Voir ASH n° 2395 du 18-02-05, p. 11.

(2) Lors de la journée nationale des petites unités de vie, organisée le 13 octobre 2006 à Paris, par la Caisse centrale de la MSA, l'Uniopss, la Fédération nationale des MARPA, l'Unccas, la Fondation de France, le Conseil économique et social.

(3) Voir ASH n° 2462 du 30-06-06, p. 13.

(4) Personnes âgées dépendantes : bâtir le scénario du libre choix - Voir ASH n° 2462 du 30-06-06, p. 13.

(5) Voir ASH n° 2387 du 24-12-04, p. 33.

(6) Résultats de l'enquête logement de 2002, INSEE.

(7) Voir ASH n° 2299 du 21-02-03, p. 7. Rapport qui a permis des assouplissements pour les logements-foyers.

(8) Dans le cadre de la circulaire DGUHC du 1er mars 2006 sur la mise en oeuvre de la politique du logement - Voir ASH n° 2446 du 10-03-06, p. 7.

(9) Les petites unités de vie : conforter leur avenir par un dispositif réglementaire adapté - Rapport de mission de Jean-Marie Palach et Marie-Jo Guisset, 2001 - Voir ASH n° 2239 du 30-11-01, p. 23.

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