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Le comité consultatif national d'éthique rend un avis cinglant sur la prise en charge sanitaire dans les prisons

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«Malgré l'existence de lois, l'accès aux soins et à la protection de la santé en prison continue de poser des problèmes éthiques majeurs », dénonce le comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé dans un avis sur « la santé et la médecine en prison » rendu public le 8 décembre (1). C'est pourquoi il « en appelle de manière urgente aux pouvoirs publics, aux élus, au législateur et aux autorités sanitaires pour qu'ils prennent toutes les dispositions afin que la prison ne se substitue plus à l'hôpital psychiatrique [et que] tout détenu ait accès au respect de ses droits fondamentaux » (2).

La prison, un lieu de plus en plus confronté à la maladie mentale

Le comité fustige en particulier le fait que les personnes malades psychiques ayant commis des actes criminels ou délictueux soient de moins en moins reconnues comme irresponsables et soient donc incarcérées (3). « Au début des années 80, souligne-t-il, le taux d'irresponsabilité pénale pour cause de maladie mentale était de 17 % ; il est passé à 0,17 % en 1997 et n'a connu depuis que peu d'évolution. » Actuellement, les détenus atteints de maladies psychiatriques représentent 20 % de la population carcérale (soit environ 12 000 personnes dont 4 000 schizophrènes). L'instance déplore également que « les mourants, les grands vieillards, les personnes lourdement handicapées qui ne devraient pas ou plus vivre dans l'univers carcéral y demeurent ». Ainsi, la proportion de personnes de plus de 60 ans a triplé durant les 15 dernières années : elles étaient 2 000 en 2005. Et « au nombre croissant de personnes atteintes de handicaps liés à l'âge qui surviennent en cours de détention [...] s'ajoute le nombre de personnes déjà atteintes de handicap au moment de leur emprisonnement » (5 000 en 2003). Cette population connaît de multiples difficultés pour accéder aux parties communes (douches, salles de travail...) dans la plupart des prisons. Plus globalement, en plus des 120 personnes qui se suicident chaque année - soit un taux sept fois supérieur à celui de la population générale -, le comité rappelle que 120 personnes meurent de maladie ou de vieillesse en prison.

L'avis pointe également les besoins d'éducation à la santé des jeunes et les problèmes de santé des femmes, « sans aucune mesure avec ceux des femmes du même âge dans la population générale » et plus importants que ceux des hommes incarcérés. Il insiste aussi sur la nécessité de tout faire pour que la santé et le bien-être des enfants nés en prison et des enfants en bas âge de mères incarcérées soient protégés ainsi que sur les difficultés des étrangers ne sachant pas s'exprimer en français pour accéder aux soins ou pour bénéficier du droit de visite en l'absence d'un agent en mesure de les comprendre.

Les auteurs martèlent tout au long du rapport que le détenu doit être considéré comme un sujet de droit. Ils estiment que sa dignité humaine doit être respectée et son intégrité physique et mentale assurée de façon permanente afin de le protéger contre les risques d'agression entre détenus, de suicide... Ils dénoncent les conditions de vie du détenu, trop souvent source de maladies et de souffrances, et notamment le retard pris dans la mise en oeuvre réelle de la possibilité de détention en cellule individuelle, en particulier en maison d'arrêt.

Reconnaître les besoins essentiels à la protection de la santé et au respect de la dignité humaine

Les sages mettent aussi l'accent sur la nécessité d'établir une relation de confiance entre le médecin et le patient, ce qui ne peut pas être le cas, selon eux, si les personnes sont menottées pendant les consultations médicales et l'hospitalisation - un traitement jugé « inhumain et dégradant ». Ils demandent que l'examen médical se fasse dans des conditions qui respectent la confidentialité du dialogue. Par ailleurs, ils estiment que toute personne en fin de vie devrait pouvoir échapper à l'incarcération. Entre l'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades (4) et le 31 décembre 2004, si 165 personnes ont bénéficié d'une suspension de peine en fin de vie, 320 sont mortes en prison (5). L'avis souligne aussi le fait que, contrairement à un condamné, un prévenu en fin de vie, présumé innocent, ne peut paradoxalement bénéficier d'aucune suspension de peine pour raison médicale.

Enfin, le comité formule une série de recommandations. Selon lui, il convient, en amont de l'incarcération, de porter une attention particulière aux problèmes de santé mentale des mineurs en difficulté et de toutes les personnes vulnérables, d'éviter l'incarcération des prévenus ne présentant pas de dangerosité, comme le prévoit déjà la loi, mais aussi de développer le recours aux peines de substitution à chaque fois que cela est possible. En prison, l'instance considère qu'il est important de soutenir la création d'espaces d'expression et de développer la vie associative avec le soutien de structures extérieures, par exemple les associations de malades ou de personnes handicapées. Elle recommande que des unités de visite familiale soient créées dans toutes les prisons. Enfin, après la sortie de prison, l'accent doit être mis sur l'accès aux soins physiques et psychiatriques et sur la mise en place d'une véritable politique de réinsertion et d'accompagnement social, préparée durant l'incarcération.

Les sages espèrent en outre que l'adoption, en janvier 2006, des 108 règles du Conseil de l'Europe concernant toute la vie carcérale (6)traduira « une réelle évolution des mentalités, et conduir[a] rapidement à des changements significatifs concrets et visibles ».

Notes

(1) La santé et la médecine en prison - Avis n° 94 - Disponible sur www.ccne-ethique.fr.

(2) Saisi par l'Observatoire international des prisons en janvier 2005 à propos des consultations de détenus à l'hôpital, le Comité a estimé de son devoir d'élargir sa saisine à l'ensemble des questions soulevées par les liens entre la santé, la médecine et la prison.

(3) Ce sujet a également fait l'objet d'un rapport d'information de la commission des lois du Sénat - Voir ASH n° 2462 du 30-06-06, p. 15.

(4) Voir ASH n°n° 2251 du 22-02-02, p. 5.

(5) Le même constat a déjà été dressé par la Commission nationale consultative des droits de l'Homme - Voir ASH n° 2440 du 27-01-06, p. 12.

(6) Voir ASH n° 2439 du 20-01-06, p. 18.

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