Les travaux sur le projet de loi relatif à la rénovation du dispositif de protection de l'enfance se poursuivent, à l'approche de l'examen du texte par les députés à compter du 9 janvier. L'Asso-ciation nationale des assistants de service social (ANAS) (1), qui devrait être auditionnée le 21 décembre par Valérie Pécresse, rapporteure du projet de loi à l'Assemblée nationale, a adressé à cette dernière une série d'amendements portant sur dix articles et une proposition d'article supplémentaire.
Comme elle l'avait en effet déjà demandé, sans succès, en janvier 2006, pendant les travaux préparatoires à la réforme (2), l'association souhaite ajouter une disposition au projet de loi qui permettrait aux travailleurs sociaux de dénoncer auprès d'une instance tierce - la défenseure des enfants ou le médiateur de la République - les dysfonctionnements institutionnels qui freinent la protection effective des enfants en danger. Cette alerte ne pourrait faire pour les professionnels « l'objet d'aucune sanction disciplinaire ». Sans attendre les actions a posteriori que sont les enquêtes administratives, judiciaires ou les missions de l'inspection générale des affaires sociales, elle « placerait les institutions devant leurs responsabilités en «temps réel» ». Le nombre de mesures par éducateur et les retards dans l'exécution des mesures judiciaires et administratives pourraient, selon l'ANAS, faire l'objet de telles saisines. « C'est une libération de la parole des professionnels » qui serait ainsi rendue possible, argumente l'association, « dans l'objectif de mieux assurer la protection de l'enfance. »
Outre cet ajout, l'ANAS propose de modifier l'article qui concerne la transmission d'informations détenues par les professionnels. Selon le texte adopté au Sénat, les professionnels mettant en oeuvre la politique de la protection de l'enfance ou y concourant doivent transmettre « dans les meilleurs délais » au conseil général toute information préoccupante sur un mineur en danger ou en risque de l'être. Or, explique l'ANAS, si le code pénal oblige à porter assistance aux personnes en péril, il offre « la possibilité » aux intervenants soumis au secret professionnel de signaler des mineurs en danger. Pour éviter une incohérence des textes, la transmission des informations couvertes par le secret professionnel devrait être à ses yeux « laissée à l'appréciation des personnes qui y sont soumises », car les professionnels « doivent pouvoir évaluer le bien-fondé d'informer de la situation d'un mineur en danger [...], en considérant l'ensemble des éléments en leur possession ».
L'ANAS propose également de modifier la disposition selon laquelle le président du conseil général avise sans délai le procureur de la République lorsque les interventions de l'aide sociale à l'enfance ne permettent pas de remédier à la situation. Une mesure qui soulève un point délicat : l'équilibre entre les actions judiciaires et administratives (3). Elle impliquerait, explique l'association, que l'intervention de l'aide sociale à l'enfance au titre de l'article 375 du code civil doive être systématiquement menée avant le recours judiciaire. Mais dans certains cas, « retarder l'intervention judiciaire ne fait alors que détériorer la situation des mineurs déjà très lourde », de même que « le recours à la loi doit être évité s'il est inutile ». C'est pourquoi l'association préfère une formulation laissant plus de marge de manoeuvre dans la hiérarchie des procédures : le procureur serait saisi lorsqu'il est « présumé » que l'intervention administrative n'est pas adaptée (4).
L'ANAS propose en outre plusieurs autres amendements, notamment pour que tous les enfants soient soumis au bilan de santé à 6 et 12 ans (le projet de loi prévoit une exception en cas de présentation d'un certificat médical) et que les jeunes majeurs puissent plus largement bénéficier de l'aide sociale à l'enfance. La mesure judiciaire d'aide à la gestion du budget familial, plaide l'ANAS, à l'instar de la Coordination nationale des associations de protection de l'enfance (5), ne devrait par ailleurs pouvoir être confiée qu'à une personne morale.
(1) ANAS : 15, rue de Bruxelles - 75009 Paris - Tél. 01 45 26 33 79.
(3) Un sujet également abordé par le rapport 2006 de l'Observatoire national de l'enfance en danger - Voir ce numéro, p. 11.
(4) En juin dernier, l'Uniopss s'était également inquiétée d'une perte des prérogatives judiciaires, en regrettant que la loi ne prévoie pas explicitement une saisine directe du juge des enfants - Voir ASH n° 2462 du 30-06-06, p. 35.