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Recentrer la pMI sur les publics vulnérables

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Dans un rapport que les ASH se sont procuré, l'IGAS propose de conforter la place de la protection maternelle et infantile dans la politique de santé publique en recentrant ses missions et en reciblant ses moyens.

Dans l'oeil du cyclone depuis plusieurs années, la protection maternelle et infantile (PMI) fait l'objet d'un rapport de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS), qui vient d'être remis au ministre de la Santé et au ministre délégué à la famille et n'est pas encore rendu public (1). Alors que ce secteur voit son rôle élargi par le projet de loi sur la protection de l'enfance, dont l'examen est toujours en suspens au Parlement, les ministres avait chargé l'inspection, en février 2006, de proposer les axes d'une politique de PMI « rénovée en termes de missions et d'obligations, ainsi que les modalités à développer pour assurer son rôle clé dans le domaine de la prévention ». Recentrage des actions sur les publics vulnérables, pilotage par objectifs et réinvestissement de la caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) dans le cadre d'une politique nationale mieux coordonnée sont les trois orientations principales retenues par les inspecteurs.

Des disparités difficilement admissibles

En complément des contrôles déjà réalisés depuis 2003 et des auditions de responsables nationaux et de professionnels, la mission a réalisé quatre inspections sur site dans le Calvados, l'Essonne, l'Hérault et en Meurthe-et-Moselle, tandis que la capitale a fait l'objet d'une mission conjointe IGAS-inspection de la ville de Paris. Elle en conclut, dans la lignée de ses précédents rapports et des observations formulées, en 2002, par la défenseure des enfants Claire Brisset (2), qu'il y a des « disparités considérables entre les départements », structurelles et parfois aggravées par la décentralisation. Ainsi, la norme de quatre demi-journées de consultations prénatales par semaine pour 100 000 habitants âgés de 15 à 50 ans est respectée au niveau national à 65 % en moyenne, mais 48 départements n'en assurent plus aucune. Celle d'une demi-journée de consultation infantile pour 200 enfants nés en 2004 l'est au niveau national à 108 %, mais 47 départements se situent en dessous et les écarts vont de 1 à 10 ! Si l'on considère en outre le taux de puéricultrices, qui accuse des écarts par enfant allant de 0,4 à 2,2 - soit un différentiel de 550 % ! -, on est en droit de se demander, insiste la mission, si de telles disparités « sont admissibles en termes d'accès à un service public de santé, quel que soit par ailleurs le contexte social ou l'offre de soins ».

Les inspecteurs pointent également le « positionnement complexe » de la PMI dans un contexte décentralisé. Comme plusieurs organisations professionnelles l'avaient dénoncé il y a un an auprès de Philippe Bas (3), nombre de services de PMI ne respectent pas leurs obligations réglementaires. Le code de la santé publique prévoit en effet qu'ils sont obligatoirement sous la responsabilité d'un médecin. Mais plus de la moitié des départements place les personnels de PMI sous l'autorité fonctionnelle de responsables territoriaux, ce qui a d'ailleurs entraîné des salariés à engager - avec succès jusqu'ici - des recours contentieux, y compris devant le Conseil d'Etat. La montée en puissance des missions sociales des départements renforce de surcroît « le risque de dilution de la PMI dans le service social avec, pour effet, l'utilisation de ses ressources pour traiter des questions d'urgence sociale, au risque de négliger la prévention médico-sociale ». La CNAM est par ailleurs peu engagée, poursuit le rapport, qui estime à un maximum de 60 millions d'euros les sommes versées en 2004 à la PMI par les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM). En l'absence de suivi technique et financier, la CNAM s'est « privée d'un relais important pour mettre en oeuvre ses objectifs de prévention alors qu'elle contribue, via les CPAM, au fonctionnement des services de PMI ». A cela s'ajoute un déficit de pilotage et d'évaluation, ainsi que des difficultés de recrutement de médecins, de puéricultrices et de conseillères conjugales, principalement en raison « d'un cadre statutaire mal adapté ».

Sur la base de ces constats, l'IGAS se prononce pour « un recentrage, un repositionnement et un pilotage rénové », dans un net objectif de rationalisation des dépenses : « Dans un contexte de ressources limitées et une volonté de performance globale de prévention, la mission estime que les services de PMI doivent veiller de manière rigoureuse et efficiente à se centrer sur leur valeur ajoutée spécifique ». Contrairement aux préconisations de Claire Brisset, l'IGAS n'estime donc pas judicieux d'élargir leur intervention au-delà de l'âge de 6 ans. Ce qui ne l'empêche pas de suggérer une meilleure articulation entre la PMI et la médecine scolaire, et de se déclarer par ailleurs favorable aux expérimentations de transfert de cette dernière au département, prévues par la loi de décentralisation de 2004.

Sans pour autant se muer en une « médecine des pauvres », assurent les rapporteurs, la PMI, qui doit conserver sa vocation généraliste, doit rester orientée « vers les populations socialement défavorisées (en situation de pauvreté, de précarité ou de difficulté d'accès à la médecine de ville) ou psychologiquement vulnérables (qui ne sont pas nécessairement précarisées) ou en situation de handicap ». Dans cet objectif, une attention particulière devrait être portée à l'adaptation des implantations aux besoins, aux liens avec les maternités, les associations de quartier, les services sociaux et les services de l'aide sociale à l'enfance et à des méthodes de sélection des interventions, à partir de la définition de critères médicaux et sociaux. « Dans une optique de prévention précoce, la PMI devrait s'attacher à suivre encore plus qu'aujourd'hui les enfants de moins de 2 ans ». Pour mieux cadrer les dépenses, son intervention devrait par ailleurs être limitée dans le champ des assistantes maternelles, selon deux scénarios possibles : soit par un abandon du suivi des pratiques après l'agrément et la formation des professionnelles ; soit par une réorganisation confiant à une équipe pluridisciplinaire, créée au sein du département, les missions concernant les assistantes maternelles.

Afin de « cibler » les publics prioritaires, l'IGAS propose de modifier la réglementation afin que les extraits d'actes de naissance adressés par les services de l'état civil à la PMI mentionnent l'adresse des parents, et non pas seulement le lieu de naissance. En matière de protection maternelle, elle préconise de développer les actions collectives, notamment sur la parentalité, en partenariat avec les associations, les caisses d'allocations familiales, avec un cofinancement de la collectivité locale. L'entretien du quatrième mois de grossesse, rendu systématique par le projet de loi sur la protection de l'enfance, devrait faire l'objet de conseils individualisés ou d'orientations spécialisées, la mission considérant que « le repérage et/ou le dépistage, seuls, n'ont pas d'intérêt ». Cette intervention devrait être remboursée par l'assurance maladie à la PMI, et les réseaux périnatalité devraient être renforcés dans le sens d'une amélioration de la prise en charge psychosociale pendant la grossesse. « La PMI, qui assure un suivi régulier de la santé des enfants, dans le cadre d'une couverture universelle, peut, sans risque de stigmatisation ni de parcellisation de son action, intervenir davantage dans le champ de la prévention précoce et donc du dépistage », ajoute l'IGAS, qui estime nécessaire d'« organiser clairement » les consultations aux âges clés préconisés par la Haute Autorité de santé (4 mois, 9 mois, 2 ans, 3 ans, 4 ans et 6 ans si la visite scolaire obligatoire n'a pas été effectuée), de généraliser les bilans des 3-4 ans, comme l'envisage le projet de loi sur la protection de l'enfance, et de former les professionnels à ces dépistages en mutualisant les bonnes pratiques à partir de référentiels. La PMI devrait également pouvoir s'investir dans l'accompagnement du suivi des troubles dépistés.

L'inspection recommande enfin de repositionner la PMI dans les politiques nationales. Dans cet objectif, elle propose la création d'un Conseil national de la politique de l'enfance, composé des administrations de l'Etat, de l'assurance maladie et des conseils généraux. Elle préconise par ailleurs que la direction générale de la santé, la direction générale de l'action sociale et l'Assemblée des départements de France saisissent la Haute Autorité de santé afin que celle-ci inscrive à son programme 2007 le développement de la qualité dans les services de PMI. Quel est l'intérêt de « conserver un dispositif normatif qui ne correspond plus à la réalité ? », s'interroge en outre l'IGAS, qui propose de remplacer les normes d'activité et de personnel existantes par un « nouveau dispositif constitué à partir d'un petit nombre d'objectifs fixés par la loi », dont ceux prévus par le projet de loi sur la protection de l'enfance. Les normes d'organisation, notamment le placement du service sous la responsabilité d'un médecin, ne seraient en revanche pas modifiées. L'inspection suggère également la mise en place de nouvelles conventions avec les CPAM « pour assurer une égalité de traitement financier entre les départements, le soutien aux démarches d'amélioration de la qualité et d'implantation de référentiels et la mise en oeuvre des objectifs de la PMI », objectifs qui devraient être associés au Fonds national de protection de l'enfance prévu par le projet de loi.

« Adapter » les ressources financières

Le contrôle interne et externe des services devrait être par ailleurs renforcé. Il serait souhaitable, plaide l'inspection, que, « concernant la PMI, services offerts à l'ensemble de la population, les rapports [de l'IGAS] soient systématiquement rendus publics ». Le pilotage départemental du dispositif devrait également être amélioré et ses ressources financières « adaptées ». Sachant que l'essentiel des financements nouveaux devrait être pourvu par le nouveau fonds créé par le projet de loi sur la protection de l'enfance et l'assurance maladie. Une chose est sûre pour l'IGAS : la rénovation des relations avec la CNAM devrait au final aboutir à une meilleure inscription de la PMI dans la politique nationale de santé publique, à une égalité de traitement entre les départements et à un remboursement des prestations au même niveau que les actes des professionnels libéraux et hospitaliers. Autant de sujets qui devraient être pris en compte dans une convention cadre liant l'Assemblée des départements de France et l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, précise l'IGAS.

Notes

(1) Etude sur la protection maternelle et infantile en France - Danièle Jourdain-Menninger, Bernadette Roussille, Patricia Vienne et Christophe Lannelongue - Novembre 2006.

(2) Voir ASH n° 2286 du 22-11-02, p. 29.

(3) Voir ASH n° 2428-2429 du 11-11-05, p. 49.

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