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La supervision, objet mal identifié en quête de légitimité

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Sur un terrain aujourd'hui envahi par les spécialistes du coaching et du conseil, la supervision doit défendre sa spécificité. Utilisé ponctuellement, voire plus systématiquement, et parfois depuis longtemps, cet outil d'aide et de professionnalisation reste en effet relativement méconnu. Et, souvent aussi, mal perçu.

Le champ de l'action sociale est traversé de concepts fourre-tout - ou qui le sont devenus au fil du temps. Le terme de supervision fait partie de ces notions équivoques que chacun entend à sa façon. Entré dans le lexique français du service social il y a une cinquantaine d'années, avec la méthodologie du « case work » ou aide psychosociale individualisée, très inspirée par la théorie freudienne, ce concept a déjà une longue histoire derrière lui. C'est pourquoi, le trouvant à la fois - ou au choix - trop vieillot, trop « corpo », trop marqué par la psychanalyse et/ou trop évocateur d'une position d'autorité et de contrôle, certains évitent de l'utiliser. Ils lui préfèrent l'expression générique d'« analyse des pratiques ». Plus neutre, celle-ci ne suscite pas les mêmes réticences. Evacuant ainsi les problèmes d'ordre sémantique, mais pas les besoins de réflexion des professionnels, le Conseil supérieur du travail social, par exemple, affirme régulièrement la nécessité d'espaces d'analyse de la pratique où questionner son implication et le sens de son action. Quant à l'Ecole supérieure de travail social (ETSUP) qui, pendant plus de 30 ans, a formé des travailleurs sociaux à la supervision de leurs pairs, elle s'est aussi mise au goût du jour. Elle propose, depuis 2000, une formation de « superviseur analyseur de pratiques ».

Supervision ou analyse des pratiques, peu importerait, finalement, si ce n'est qu'à avancer ainsi quelque peu masquée, la supervision professionnelle manque de visibilité. Elle souffre aussi d'un déficit de lisibilité dû à l'absence de clarté sur son modus operandi et ses finalités. Pour y remédier, des travailleurs sociaux formés à la supervision ont fondé, en 1998, l'Association nationale pour le développement de la supervision et de la consultation en travail social (ASCTS), dotée d'une quarantaine d'adhérents (1). Dans le même objectif - et sans d'ail-leurs connaître l'initiative précédente -, Joseph Rouzel, éducateur spécialisé, psychanalyste et formateur, a créé en 2005 l'Association de superviseurs indépendants européens (ASIE), qui n'ont pas tous une formation initiale de travailleur social (2). Les premiers et le second souhaitent réagir au brouillage des idées et des appellations d'origine plus ou moins contrôlée. Mais aussi défendre leur légitimité à intervenir dans un champ envahi, selon Joseph Rouzel, par « des psychiatres, psychologues, psychosociologues, voire psychanalystes, sans aucune formation, ni réflexion ». Si les psys, désormais rejoints par des spécialistes plus ou moins auto-proclamés du coaching et du conseil, ont pu trouver des opportunités rémunératrices dans le soutien apporté aux intervenants sociaux, c'est bien parce que le terrain était libre, explique Cristina de Robertis, experte en méthodologie du travail social, membre de l'ASCTS. « Nous-mêmes, assistantes de service social qui avons produit cette modalité pédagogique singulière qu'est la supervision, nous n'avons sans doute pas fait suffisamment de résistance », reconnaît-elle. Décidés à inverser la tendance, les tenants d'une supervision qualifiée en travail social revendiquent aujourd'hui la spécificité de leur apport pour favoriser l'élargissement des compétences des professionnels. Et convaincre les fonds de formation de l'intérêt de l'outil en termes de professionnalisation des acteurs du champ social et médico-social. Car quand ils entendent parler de supervision ou d'analyse des pratiques, les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) comprennent : causerie entre travailleurs sociaux autour de leurs préoccupations. Les intéressés, c'est connu, ont besoin de « tchatcher » et les OPCA en conviennent volontiers. Mais pas à leurs dépens.

Aussi, ajoutant de la confusion à la confusion, la démarche finit-elle souvent par être intitulée autrement pour que les employeurs puissent la faire émarger à leur budget formation. Qu'ils interviennent en libéral ou pour le compte d'instituts de travail social, les superviseurs sont ainsi conduits, le cas échéant, à rebaptiser leur prestation. Ils la présenteront, par exemple, comme une formation ou un accompagnement au changement, au management, à la conduite de projets, au travail avec les familles, les personnes âgées ou les publics en grande précarité, en précisant, éventuellement, que ladite problématique sera approchée sous forme d'analyse des pratiques ou de supervision. De fait, il n'y a pas de thème qui ne puisse être ainsi travaillé, puisque la réflexion à laquelle sont conduits à se livrer les professionnels part toujours des situations qu'ils rencontrent.

Concrètement, cette traversée guidée et discutée de l'expérience s'effectue soit individuellement, soit en petits groupes, avec un intervenant chevronné. Garant de la confidentialité des propos tenus au fil de rencontres régulières - et des écrits qui sont également souvent produits -, le superviseur est généralement extérieur à l'institution dans laquelle exercent les supervisés. Il peut aussi en faire partie, à condition de ne pas être en position hiérarchique vis-à-vis d'eux pour ne pas entraver leur liberté de parole (voir encadré, page 35). Sous la houlette de cet expert, les intervenants sociaux sont invités à conceptualiser et évaluer leur pratique. Mais aussi à sortir du registre de la plainte et/ou de la résignation pour se (re)mobiliser. « On se sent souvent très seul face à la personne, avec de lourdes responsabilités à assumer », souligne Evelyne, assistante sociale dans une caisse régionale d'assurance maladie depuis 30 ans, qui a préféré garder l'anonymat. Or, pour des raisons financières, les supervisions sont souvent distillées au compte-gouttes. Mais encore faut-il les demander. Certains professionnels hésitent, de peur de passer pour incompétents. D'autres comme Evelyne, qui a bénéficié d'une supervision individuelle il y a quatre ans, attendent longtemps. « Avant, je me posais moins de questions... », commente-t-elle. Il est vrai qu'on peut toujours aller s'épancher chez un(e) collègue. Toutefois, ce n'est évidemment pas la même chose. Non seulement parce que « il a, comme nous, le nez sur le guidon, mais aussi parce qu'il faut un tiers extérieur pour nous aider à prendre du recul et à décoder notre pratique », estime Evelyne. L'an dernier, elle a pu à nouveau effectuer un travail de ce type dans un cadre collectif. Pendant six mois, avec trois autres travailleurs sociaux exerçant aussi dans le champ de la santé, mais dans des départements différents, l'assistante sociale a participé à un « atelier d'analyse des pratiques avec une approche systémique » - c'est-à-dire, traduit l'intéressée, à une supervision en groupe. Réunis à six reprises, les professionnels ont été conduits à réfléchir, ensemble, sur les situations d'usagers qu'ils suivaient. « Bien sûr, on s'expose un peu en exposant sa pratique, mais on voit aussi des collègues rencontrer des difficultés, ce qui est somme toute assez rassurant. Et on s'aide mutuellement à avancer, dans un climat de confiance «non jugeant» », précise Evelyne, qui trouve en définitive la formule du petit groupe plus stimulante que les entretiens de supervision individuelle, grâce aux repères qui se construisent dans le miroir et la confrontation avec les pairs.

Assistante sociale en psychiatrie, Catherine Clément a aussi de la bouteille : elle a débuté il y a 35 ans. D'où l'intérêt qu'elle a pris, en 2002 et 2003, à réinterroger son activité professionnelle, et à l'enrichir par des allers et retours entre analyse de son expérience quotidienne et apports théoriques. Sachant qu'en supervision, ces derniers ne sont pas délivrés de façon dogmatique : « Nous allons chercher nous-mêmes les éclairages pertinents par rapport aux situations que nous amenons. » Il ne s'agit donc pas d'un simple échange de pratiques, insiste Catherine Clément, mais d'un approfondissement, « avec chaque fois un renvoi respectueux du superviseur sur le pourquoi de notre façon d'agir dans telle ou telle relation ». A cet égard, le doigté de l'intervenant est déterminant. « 90 % de l'intérêt d'une supervision tient à la qualité de la personne qui l'anime », affirme l'assistante sociale, évoquant les dangers - connus par le passé - de rencontres mal contrôlées, dont on ne ressort pas mieux armé pour cheminer avec ses questions, mais laminé par le doute et l'angoisse. A contrario, une supervision bien menée constitue une fructueuse expérience, affirme l'assistante sociale. Laquelle estime qu'il faudrait, au fil de sa carrière, pouvoir réitérer ce travail deux ou trois fois pour se repositionner et élaborer les savoirs, savoir-faire et savoir être de sa profession. « C'est encore plus essentiel à l'heure actuelle où l'on demande de plus en plus aux travailleurs sociaux de modifier leur approche pour s'orienter davantage vers des interventions d'intérêt collectif avec la participation des usagers », fait observer Fernande Pouillard, présidente de l'ASCTS. Les formations complémentaires proposées à cet effet lui semblent très utiles. Mais, pour que les intervenants soient véritablement à même d'investir les nouveaux apprentissages dans leur pratique, elle estime qu'il faudrait les assortir de supervisions pédagogiques.

Viser tous les professionnels, même les moins qualifiés

L'acquisition des outils et méthodes permettant, au quotidien, de mettre en oeuvre une intelligence de son action ne doit pas être réservée aux professionnels confirmés, juge Jérôme Cerisier, conseiller technique au pôle action sociale de la direction régionale des affaires sanitaires et sociales (DRASS) de Poitou-Charentes, membre de l'ASCTS. Les intervenants de faible niveau de qualification, voire sans formation et parfois sans aucune expérience, ont encore plus besoin de tels espaces de professionnalisation. « Avec des personnes, comme les auxiliaires de vie sociale, qui, pour différentes raisons - dont un vécu d'échec scolaire -, ne partiront jamais huit jours en stage, la supervision est une approche accessible de la formation continue », affirme Jérôme Cerisier. Il a donc suggéré à la DRASS, qui gère les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) dans lesquels travaillent de nombreux personnels pas ou très peu formés - « et où on constate certaines pratiques proches de la maltraitance psychologique et relationnelle » -, de proposer une formation ad hoc pour ces intervenants. « Il s'agit d'une action d'analyse de la pratique sur ce qu'est une relation de qualité envers l'usager. Pour ne stigmatiser aucune catégorie de personnel, nous l'avons destinée à tous les salariés des EHPAD, sachant que nous ne souhaitions pas la participation de l'encadrement pour que la parole soit plus libre », précise Jérôme Cerisier. Dans les quatre départements de la région, des groupes inter-institutions d'une douzaine de participants volontaires ont été constitués. Depuis novembre dernier et jusqu'en juillet prochain, ils se réunissent deux heures par mois pour travailler autour des soins de bientraitance aux personnes âgées. Assurée par l'Institut régional du travail social de Poitiers, cette formation est entièrement financée par l'Etat. Mais, à l'avenir, Jérôme Cerisier compte bien essayer de mettre les OPCA à contribution.

Moins formelle que le traditionnel dispositif de stage, cette relation formative a l'avantage de pouvoir s'adapter aux préoccupations et au bagage des apprenants. En permettant d'identifier les façons de voir et de faire des uns et des autres, d'en saisir les motivations individuelles et les logiques institutionnelles, de comparer diverses stratégies et leurs effets, la supervision, ainsi comprise, peut porter sur une foule de situations de travail, explique le psychosociologue Jean-René Loubat, consultant auprès d'établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux. Cepen-dant, même s'il constate que « depuis quelques années, la supervision reprend, dans nos secteurs, son sens premier et général d'appui technique éclairé destiné à aider des praticiens à améliorer leurs réponses professionnelles », il préfère ne pas se présenter comme « superviseur ». Par crainte de passer pour « has been » aux yeux de jeunes cadres.

Nombre de cadres et en particulier de managers de proximité, qui se trouvent à l'interface entre les commanditaires et les travailleurs sociaux, ont pourtant du mal à se situer. Souvent issus du terrain, beaucoup d'entre eux sont démunis pour investir un rôle d'autorité auquel ils n'ont pas été préparés. Pour les aider à l'endosser, certains organismes leur proposent donc un étayage approprié. C'est le cas à la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France, qui a une longue tradition d'offre de supervision pour les cadres comme pour les assistants de son service social - et, également aujourd'hui, pour les secrétaires médico-sociales. A la SNCF, le département de l'action sociale porte, depuis longtemps, une attention particulière à la qualification continue de ses personnels et, au premier chef, à celle de ses cadres techniques : pour occuper ce poste où ils auront à favoriser le développement professionnel des agents du service social, eux-mêmes sont tenus de suivre une formation à la supervision (voir encadré ci-contre).

Mais quelques exemples ne constituent pas une règle générale. Autrement dit, les encadrants font largement figure de parents pauvres en termes d'accompagnement. Pourtant, « quand on passe de la place de travailleur social à celle de cadre, c'est vraiment un nouveau métier à apprendre », témoigne Danielle Mayran, animatrice socio-culturelle. Sur une suggestion de sa direction, elle a pu réfléchir aux tenants et aboutissants de ses fonctions d'encadrement à l'action sociale de la caisse d'allocations familiales de Paris, grâce à dix séances de « guidance ». « Cette supervision au cours de laquelle on a travaillé sur la prise de distance et le recul par rapport au terrain, m'a permis de me repositionner différemment », déclare-t-elle.

Donner aux intervenants - quels que soient leur rôle et leur niveau hiérarchique - l'occasion de remettre sur le métier leur façon de fonctionner, telle est justement l'ambition de la démarche qui constitue un outil, parmi d'autres, d'aide et de professionnalisation. A l'heure où le déficit de personnels qualifiés n'est rien à côté de la pénurie qui s'annonce, elle fait partie des ressources dont on aurait tort de se priver.

Conseil général du Nord : Un service transversal d'accompagnement

Au conseil général du Nord (3), la supervision est utilisée depuis une vingtaine d'années. Elle est mise en oeuvre dans le cadre du service d'accompagnement des professionnels créé il y a deux ans et doté de quatre superviseures issues du secteur social ou médico-social, qui ont un rôle de soutien, et non d'encadrement technique. Les professionnels de terrain ont la possibilité de leur demander des consultations ponctuelles et des supervisions individuelles. Dans le premier cas, l'intéressé peut être reçu dans la journée sans avoir besoin de passer par sa hiérarchie. Pour une supervision, il lui faut l'accord de celle-ci - qui ne l'a encore jamais refusé, précise Patricia Sicard Kalka, responsable du service. Le demandeur s'engage alors dans un travail de six mois, renouvelables deux fois : il peut l'interrompre à tout moment ou le réitérer plusieurs fois au cours de sa carrière. Pendant ces 6 à 18 mois, le professionnel a un entretien d'une heure toutes les trois semaines avec la superviseure. Une heure, c'est-à-dire une demi-journée de disponibilité, car certains viennent de loin pour rejoindre Lille où se déroulent les supervisions. « Se déconnecter de son contexte professionnel pour se retrouver dans un autre lieu, avec un temps propre, un temps d'arrêt, un temps pour soi, posé par l'institution comme un droit, c'est fondamental », estime Patricia Sicard Kalka. Il est tout aussi indispensable que rien ne filtre du bureau des superviseures, précise l'intéressée qui s'en porte garante. Elle-même, d'ailleurs, connaît de l'intérieur l'éthique et l'intérêt de cette pratique pour en avoir bénéficié lorsqu'elle exerçait comme assistante sociale : « Une heure de supervision, c'est comme dix heures d'enseignement. Au-delà d'une meilleure connaissance de soi dans la relation professionnelle et d'une meilleure compréhension de ce qui se vit dans les interventions, tout ce qui est réfléchi en supervision fait son chemin par la suite. »

Modèle clinique ou pédagogique ?

Confrontés à de multiples injonctions qui remettent en cause le sens de leur travail, transforment leurs métiers et épuisent leurs ressources, les professionnels sont « dans une situation singulièrement inconfortable », rappelait l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) dans son rapport sur l'intervention sociale de proximité (4). Aussi est-il indispensable de les « soutenir et [de les] armer », soulignaient les rapporteurs. Reste à savoir de quel soutien les intéressés ont besoin. D'une aide psychologique, comme l'IGAS le préconise ? Ou d'un étayage de leur identité professionnelle et de leurs capacités de réflexion et d'action ?

A cet égard, la question de la formation des superviseurs est fondamentale. Pas seulement en termes de concurrence sur un marché, mais entre écoles de pensée. Quelle est la grille de lecture la plus appropriée pour épauler les acteurs du champ social et médico-social ? L'éclairage psychologique qui les aidera à repérer ce qui se passe pour eux dans la situation est très intéressant, mais il est insuffisant sur le plan du développement de leurs compétences, estime Marie-Rose Le Dain, membre de l'Association nationale pour le développement de la supervision et de la consultation en travail social (ASCTS). D'ailleurs, jugerait-on pertinent de confier à des travailleurs sociaux le soin de guider le travail de psychologues ? Pour l'assistante sociale, qui exerce depuis plus de 20 ans comme formatrice et superviseure en travail social, « quand un professionnel souffre, c'est qu'il lui manque des outils théoriques et méthodologiques lui permettant de modifier son positionnement et ses pratiques ». Mais si le diagnostic est clair, ajoute-t-elle, encore faut-il être du métier pour pouvoir le faire.

Joseph Rouzel, éducateur spécialisé et formateur, est sur une longueur d'onde quelque peu différente. Lui ne revendique pas pour les seuls travailleurs sociaux patentés la légitimité d'assurer des supervisions. Il considère que les « psys » peuvent aussi exercer cette fonction, à condition de connaître suffisamment bien les enjeux du travail social, la nature des interventions et des positions professionnelles, ainsi que les réalités institutionnelles dans lesquelles les uns

et les autres s'inscrivent. C'est pourquoi la formation à la supervision que le directeur de l'Institut Psychasoc a ouverte en 2005 est accessible à des travailleurs sociaux expérimentés comme à des psychologues, psychiatres ou psychanalystes ayant plusieurs années de pratique dans le champ social. Joseph Rouzel est lui-même psychanalyste, et c'est la psychanalyse qui constitue la référence théorique du modèle de supervision qu'il défend. Autrement dit, c'est autour du lien à l'usager que se situe le travail de supervision, entendu par Joseph Rouzel comme « un travail d'élaboration sur le ressenti du travailleur social ».

En focalisant ainsi le projecteur sur le sujet supervisé, le psychanalyste renoue avec la conception clinique de la supervision en travail social, telle qu'elle a été initialement développée en France, dans les années 50, par Marta Cassirer, assistante sociale, et Myriam David, psychiatre. Cette approche est aussi, pour l'essentiel, celle qu'enseignent l'Ecole supérieure de travail social et l'Institut régional du travail social Nord-Pas-de-Calais. Aujourd'hui rejoints par Psychasoc, ces centres de formation sont les seuls à disposer d'un cursus préparant des travailleurs sociaux titulaires d'un diplôme d'Etat à la fonction de superviseur.

Parallèlement, un autre modèle de supervision, dit « pédagogique », est mis en oeuvre par certains adhérents de l'ASCTS, à commencer par ses fondateurs. Ces derniers entendent aider les supervisés à se distancier d'eux-mêmes pour se centrer principalement sur l'usager et sa situation sociale. Afin de « mieux écouter autrui et par conséquent «entendre» autrement son rôle professionnel », explique Marie-Rose Le Dain, il s'agit de faire « un travail sur le travail » qui passe par une objectivation de son implication dans la relation d'aide, mais aussi par l'actualisation et l'enrichissement de ses connaissances.

Que leur orientation soit davantage clinique ou pédagogique n'empêche pas les superviseurs de se retrouver sur une même ambition : augmenter la qualité du service rendu aux usagers. Leur vocation n'est donc pas thérapeutique, et ces experts du social ne sauraient se substituer aux spécialistes du soutien psychologique que certains intervenants peuvent, par ailleurs, avoir besoin de consulter.

SNCF : deux voies d'encadrement

Des managers qui managent et des conseillers qui conseillent : cette lapalissade ne relève pas de la boutade. C'est la formule que le service social spécialisé de la SNCF (5) a mise sur les rails il y a dix ans. Deux lignes différentes ont été distinguées : une ligne managériale et une ligne fonctionnelle. La première est constituée de cadres ayant chacun la responsabilité d'une région d'action sociale. Souvent issus du travail social, ces managers peuvent individuellement bénéficier de l'accompagnement d'un coach pour s'adapter à leur fonction. La seconde filière est celle des encadrants techniques - au moins deux dans chacune des 14 régions - qui ont une double spécificité : ils ne se trouvent pas en position hiérarchique par rapport aux agents du service social, et tous sont des travailleurs sociaux qui doivent suivre une formation à la supervision pour occuper ce poste.

A la SNCF, la supervision fait depuis longtemps partie de la culture maison : quelques assistantes sociales y ont été formées au tout début des années 60 avant que l'entreprise, dix ans plus tard, ne crée la fonction de « superviseurs de service ». C'est l'Institut régional de travail social parisien Parmentier qui forme aujourd'hui les conseillers techniques de l'établissement, sur la base d'un cursus de 18 mois spécifiquement conçu à leur intention. 20 sont actuellement en formation et rallieront un réseau composé d'une quarantaine d'encadrants en exercice.

Résultat : tout nouvel arrivant dans le service social voit son intégration soutenue, les deux premières années, par l'un de ces professionnels, à raison d'une rencontre toutes les trois semaines. D'autre part, les 400 travailleurs sociaux de la SNCF ont la possibilité de participer à des groupes d'analyse de la pratique animés par des personnes de leur métier. Enfin, chacun d'entre eux sait où trouver un interlocuteur qualifié pour partager ses questionnements et/ou ses difficultés. Reste que « cette place de cadre qui n'est que dans le conseil est quelque chose de très étrange dans le monde de l'entreprise et il nous faut la défendre », précise Marie-Paule Froment, adjointe au chef du département d'action sociale de la SNCF. Aussi, pour ne pas voir les encadrants techniques transformés en « managers métier » hiérarchiques, est-il régulièrement nécessaire d'expliciter la position singulière du travailleur social qui, pour être le plus opérant possible, ne doit pas se trouver envahi par ses émotions, ses croyances ou ses représentations.

Notes

(1) ASCTS : 13, place de Rungis - 75013 Paris - Tél. 06 87 63 47 92 - E-mail : picholine@free.fr.

(2) ASIE-Psychasoc : 11, Grand Rue Jean-Moulin - 34000 Montpellier - Tél. 04 67 54 91 97 - E-mail : asies@psychasoc.com.

(3) Conseil général du Nord : 51, rue Gustave-Delory - 59047 Lille cedex - Tél. 03 20 63 59 59.

(4) Voir ASH n° 2441 du 3-02-06, p. 5.

(5) Service social de la SNCF : 44, rue de Rome - 75009 Paris - Tél. 01 53 42 78 77.

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