Recevoir la newsletter

Prévention de la délinquance : les principaux amendements adoptés par les députés en première lecture

Article réservé aux abonnés

Plus de trois mois après les sénateurs, les députés ont, le 5 décembre, adopté à leur tour en première lecture le très controversé projet de loi relatif à la prévention de la délinquance (1). Le texte a subi de nombreuses retouches, la tonalité générale allant dans le sens d'un durcissement des mesures déjà votées par le Sénat (2)). Tour d'horizon des principales modifications, en attendant son examen en seconde lecture au Palais du Luxembourg, probablement en janvier.

La confirmation du rôle « pivot » du maire

L'article 5 du projet de loi, relatif au partage de l'information entre les travailleurs sociaux et le maire, est de nouveau réécrit. Il prévoyait auparavant la nomination d'un coordonnateur dans tous les cas où plusieurs professionnels interviennent auprès d'une même personne ou d'une même famille. Les députés ont substitué à ce mécanisme automatique un système plus souple, dans lequel le maire est juge de la nécessité de nommer un coordonnateur. L'édile procéderait ainsi dorénavant à cette désignation « lorsque l'efficacité et la continuité de l'action sociale [la] rendent nécessaire ». Il choisirait parmi les professionnels qui interviennent auprès de la personne ou de la famille.

Par ailleurs, le texte prévoit désormais expressément la transmission d'informations au maire dans le cas où un professionnel « intervient seul », alors même que dans sa mouture issue du Sénat, il n'envisageait que le cas où plusieurs professionnels interviennent auprès de la même personne. Aussi et surtout, les députés ont décidé, contre l'avis du gouvernement, que les familles devraient être informées avant tout partage d'information entre les travailleurs sociaux, à l'exclusion des cas où il pourrait en résulter un risque pour la sécurité des personnes ou pour l'efficacité de l'action sociale. Ils ont également adopté un amendement imposant au coordonnateur d'avertir sans délai le président du conseil général s'il apparaît qu'un mineur est en danger. Le travailleur social devrait aussi informer le maire de cette « transmission ».

A noter : le conseil d'administration de la caisse nationale d'allocations familiales a exprimé, le 5 décembre, « d'extrêmes réserves » sur le projet de loi, estimant notamment que « la transmission en masse aux maires de données personnelles détenues par les CAF [caisses d'allocations familiales] n'est conforme ni à la déontologie des travailleurs sociaux, ni à la mission de ces élus ».

Autre nouveauté, au-delà de la question du secret partagé : alors que les sénateurs ont imposé aux forces de l'ordre d'informer les maires des actes de délinquance commis dans leur commune quelle que soit la gravité des faits, les députés ont proposé de faire obligation aux procureurs d'informer les édiles des suites judiciaires données à ces infractions.

Signalons par ailleurs que l'Assemblée nationale a décidé de rendre le conseil de sécurité et de prévention de la délinquance - présidé par le maire - obligatoire dans les villes de moins de 10 000 habitants comprenant une zone urbaine sensible. Cette obligation ne vaut, actuellement que pour les communes de plus de 10 000 habitants. A l'inverse, les députés ont décidé de rendre facultative la création, au niveau communal, du conseil pour les droits et devoirs des familles, instance présidée par le maire qui, initialement, devait être obligatoire dans les communes de plus de 10 000 habitants. Les compétences dévolues à cette instance ont, au passage, été retouchées. C'est ainsi qu'a été supprimée - là encore contre l'avis du gouvernement - la possibilité pour le conseil de proposer au maire qu'il demande à la CAF de mettre en place un dispositif d'accompagnement des familles, consistant en une aide à la gestion des prestations familiales. Une suppression justifiée, aux yeux des députés, par un problème de coordination avec l'article 12 du projet de loi relatif à la protection de l'enfance, qui crée déjà une mesure de ce type intitulée « accompagnement en économie sociale et familiale », placée sous la responsabilité du département (3).

Notons encore que la disposition destinée à encourager la présence de travailleurs sociaux dans les commissariats a été, sans surprise, étendue aux gendarmeries.

L'excuse de minorité maintenue mais fragilisée

Dans la partie du texte consacrée au durcissement de l'ordonnance de 1945 relative à l'enfance délinquante, deux points en particulier ont fait débat et concentré les tensions au sein de la majorité : la suppression pure et simple de « l'excuse de minorité » - qui permet aux magistrats de diviser par deux la peine applicable aux mineurs - et l'instauration de peines planchers pour les mineurs multirécidivistes, souhaitées par le ministre de l'Intérieur mais fustigées par le Premier ministre et le garde des Sceaux. Deux « amendements de compromis » ont finalement été adoptés. Le premier donne la possibilité aux tribunaux pour enfants et à la cour d'assises des mineurs de ne pas appliquer l'excuse de minorité pour les mineurs de plus de 16 ans. Cette décision pourrait être prise « soit compte tenu des circonstances ou de la personnalité du mineur, soit parce que les faits constituent une atteinte volontaire à la vie ou à l'intégrité physique ou psychique de la personne et qu'ils ont été commis en état de récidive ». Elle devrait être « spécialement motivée », sauf en cas de récidive. L'autre amendement prévoit, en matière correctionnelle, la motivation expresse par les juges du choix de la peine prononcée (nature, quantum, régime) en cas de récidive.

Dispositions diverses

Au fil de la discussion parlementaire, le projet de loi s'est transformé avec l'adoption de nouvelles mesures se révélant de nature plus répressives que préventives. Les députés ont ainsi décidé de sanctionner plus durement l'infraction d'occupation abusive des halls d'immeuble, en cas de voies de fait ou de menaces. Tous les propriétaires de locaux à usage d'habitation devraient être, en outre, rendus responsables des dommages causés par leurs locataires s'ils négligent d'utiliser les droits dont ils disposent pour les faire cesser. Les sénateurs avaient limité cette mesure aux copropriétés. Les députés lui ont donc donné une portée plus large.

Autre nouveauté, autre domaine : l'Assemblée nationale propose de rendre la nouvelle procédure d'évacuation forcée des gens du voyage (adoptée par le Sénat) applicable aux communes qui bénéficient du délai supplémentaire accordé par la loi « décentralisation » du 13 août 2004 pour réaliser une aire d'accueil, ainsi qu'à celles qui disposent d'un emplacement provisoire.

Le volet « santé mentale » du projet de loi devrait, par ailleurs, être retiré du texte à la fin de la navette parlementaire. Le gouvernement a en effet fait voter, dans un projet de loi sur les professions de santé, un amendement qui lui permet de procéder par ordonnances pour modifier la loi de 1990 sur les hospitalisations d'office pour troubles mentaux. Cela n'a pas empêché les députés de débattre sur le fond, dans l'espoir que leurs discussions pèseront dans l'élaboration des ordonnances.

Signalons enfin que les ressources du nouveau fonds interministériel de prévention de la délinquance sont dorénavant précisées. Adossé à l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, il devrait ainsi reposer, d'une part, sur les crédits délégués par l'Etat à l'agence au titre de la prévention de la délinquance - 25 millions d'euros - et, d'autre part, sur « une partie du produit des amendes de la circulation prélevées par la voie des systèmes de contrôle-sanction automatiques » s'élevant, selon le ministre délégué à l'aménagement du territoire, à « 50 millions d'euros ».

Notes

(1) Sur les réactions associatives, voir en dernier lieu ASH n° 2480 du 24-11-06, p. 37.

(2) Voir ASH n° 2471 du 29-09-06, p. 9.

(3) Voir ASH n° 2454 du 5-05-06, p. 13.

LE SOCIAL EN TEXTES

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur