Y a-t-il encore un quelconque intérêt des responsables politiques pour le travail social autrement qu'en termes de rapport coût/efficacité ? Si l'on devait juger l'importance qu'ils accordent à l'action sociale à l'aune de l'attention qu'ils portent aux travaux du Conseil supérieur du travail social (CSTS), il y aurait effectivement de quoi être inquiet...
Ouverte en mai 2003 par Dominique Versini, alors secrétaire d'Etat chargée de la lutte contre la précarité et l'exclusion, la cinquième mandature se sera achevée presque en catimini. Pas de solennité pour la dernière assemblée plénière, qui s'est déroulée, le 1er décembre dernier, sans la présence de sa présidente, Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale (qui avait toutefois fait lire un message), ni même de Jean-Jacques Trégoat, directeur général de l'action sociale.
Cette mandature n'aura donc guère tranché par rapport aux précédentes si l'on se place du point de vue de l'investissement des responsables du gouvernement. Qui, à l'exception du cabinet de Philippe Bas qui a largement associé le CSTS à la préparation du projet de loi sur la protection de l'enfance (1), l'ont plutôt ignoré. Reste que ce déficit de reconnaissance est, cette fois, d'autant plus mal ressenti que les membres du conseil n'ont, quant à eux, pas ménagé leurs efforts - en particulier avec la journée organisée le 14 février 2005 au Sénat - pour valoriser le travail social auprès des élus. Et que cette instance - qui fonctionne largement sur le bénévolat et le militantisme - a, sous la vice-présidence de Brigitte Bouquet, augmenté ses activités et accentué son rôle de veille et d'expertise sur les grands dossiers sociaux. Outre la production de trois rapports (2), le CSTS a pris position sur les violences urbaines, mis en garde le gouvernement, dans trois avis différents, sur les dérives sécuritaires du projet de loi sur la prévention de la délinquance ou encore élaboré un document de réflexion et de propositions pour la réforme de la protection de l'enfance. Sans compter l'installation de la commission permanente « éthique et déontologie » qui, depuis le 28 avril dernier, s'est réunie quatre fois.
C'est dire que ce « conseil des sages » (malgré son autonomie relative puisqu'il est présidé par le ministre en charge des affaires sociales) a essayé d'être autre chose qu'une simple « caisse de résonance », voire une annexe de l'administration centrale. Il entend bien mettre en avant son utilité pour défendre les valeurs du travail social face aux risques de parcellisation de l'action sociale et de réduction à une simple prestation de service. Encore faut-il qu'il soit reconnu comme un véritable partenaire et traité comme tel, font remarquer, non sans aigreur, certains de ses membres. Lesquels constatent, par exemple, que, lors de la réunion du 1er décembre, la DGAS ne leur a soumis pour avis qu'en toute fin de séance le projet des orientations nationales sur les formations sociales . Après avoir donné lieu à de nombreuses réserves, liées notamment à l'absence de volet européen ou au risque de dilution des métiers, ce texte n'a donc été voté que par 15 personnes (12 voix pour, trois abstentions).
A l'amertume s'ajoutent désormais les incertitudes sur la durée de la vacance entre la cinquième et sixième mandature. « La DGAS va s'employer à ce qu'elle soit la plus courte possible », a promis, dans son message, Catherine Vautrin. « On espère y mettre fin en début d'année prochaine », assure la DGAS, qui réfléchit à un élargissement de la composition du conseil à des responsables techniques des départements et des régions pour pallier la faible participation des élus. De leur côté, ses membres ont proposé de nouveaux thèmes de réflexion comme « territoire et travail social » ou « action sociale et éducation populaire »... Encore faut-il que, dans le contexte électoral, on ne fasse pas l'impasse sur le renouvellement du CSTS - et donc sur la continuité de la réflexion sur l'action sociale. Comme cela s'était produit pendant un an, avant son renouvellement en septembre 2002.
(1) Fabienne Quiriau, conseillère technique auprès de Philippe Bas, est encore venue, le 1er décembre, pour débattre de l'accompagnement de la réforme sur la protection de l'enfance, qui, espère-t-elle, sera applicable au printemps 2007.
(2) Le travail social confronté aux nouveaux visages de la grande pauvreté et de l'exclusion ; Décloisonne-ment et articulation du sanitaire et du social ; L'usager au centre du travail social . Ils seront publiés aux éditions de l'ENSP.