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Les animateurs ont-ils encore une place dans le travail social ?

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La création de deux nouveaux diplômes de l'animation (1), sous la houlette exclusive du ministère de la Jeunesse et des Sports, remet-elle en cause l'appartenance des animateurs au champ social ? C'est la question d'Eric Carton, animateur et formateur, qui prépare une thèse sur ces professionnels dans le cadre d'un doctorat en sciences de l'information et de la communication à l'Université de Nice-Sophia-Antipolis (2).

« Deux nouveaux diplômes sociosportifs, élaborés sans partenariat avec les Affaires sociales, viennent d'être créés, qui vont, sans que ce soit dit clairement dans les textes parus, prendre le relais du diplôme d'Etat relatif aux fonctions d'animation (DEFA). Certaines directions régionales de la jeunesse et des sports avaient d'ailleurs déjà commencé à conseiller aux futurs candidats d'attendre l'année prochaine pour entrer en formation au DEFA.

« Il s'agit là de la suite logique de l'actualisation des formations à l'animation, qui prend la forme de la création d'une filière sociosportive. Ainsi, le brevet professionnel de la jeunesse, de l'éducation populaire et du sport (BPJEPS), pour lequel une option «animateur social» a été créée en 2005, s'est progressivement substitué au brevet d'Etat d'animateur technicien de l'éducation populaire et de la jeunesse (Beatep), uniquement accessible par la VAE depuis janvier 2005, et qui ne sera plus délivré à partir du 1er janvier 2007.

« Un seul ministère, celui de la Jeunesse et des Sports, devrait valider le diplôme d'Etat jeunesse éducation populaire et sport (Dejeps), de niveau III, et le diplôme d'Etat supérieur jeunesse éducation populaire et sport (Desjeps), de niveau II, ouverts aux sportifs et aux animateurs. Il est cependant possible d'envisager par la suite la création de mentions interministérielles. Il a fallu une trentaine d'années pour que l'animation obtienne une place et une reconnaissance au sein du travail social (3). Et il me semble qu'avec cette réforme une part de cette histoire est oubliée et que l'on assiste à un sérieux retour en arrière.

« Je m'interroge notamment sur la pertinence d'un secteur sociosportif et sur les intérêts qui sous-tendent la création de ce champ professionnel. Selon les statistiques du ministère de la Jeunesse et des Sports (4), le ratio entre le nombre de diplômés et le nombre de salariés varie beaucoup. Pour l'animation, on comptait 3 000 Beatep attribués dans l'année 2002 pour 106 000 professionnels, alors que pour le sport, 9 000 brevets d'Etat d'éducateur sportif (BEES) avaient été délivrés pour 80 000 salariés, soit plus d'un diplôme pour dix postes. La culture du diplôme est donc beaucoup plus importante dans le secteur sportif, ce qui, d'ailleurs, est imposé par la loi. La majorité des salariés du secteur sportif est diplômée, peut-être même y a-t-il trop de diplômés dans le sport. Le secteur socioculturel devient alors un gisement d'emplois possible pour ces professionnels, qui présentent en plus l'avantage de pouvoir encadrer une activité sportive. En outre, bien souvent les formations à l'animation sont ouvertes à tous alors que les formations sportives ne le sont qu'aux personnes ayant un haut niveau de pratique. Ce sont les sportifs qui peuvent basculer vers l'animation, alors que les animateurs sont confrontés à une barrière de niveau.

« On peut aussi s'interroger sur la possibilité de mettre en place les formations correspondant aux différentes mentions. Le nombre de candidats risque d'être insuffisant et il faudra alors des regroupements géographiques. Hélas, nous savons bien que l'éloignement est une difficulté lorsque l'on s'adresse à des adultes en formation qui ne peuvent pas forcément quitter leur famille pendant une longue durée.

« Autre préoccupation : il semble aussi que l'université soit exclue de ces nouveaux diplômes. Autrefois présidé par un universitaire, le jury le sera par un cadre A du ministère de la Jeunesse et des Sports, ou sera co-présidé en cas de mention justifiant une co-ministérialité. C'est là encore une atteinte à la reconnaissance du diplôme.

« Enfin, on peut se demander qui seront les employeurs. Une part importante de l'animation est financée par l'action sociale. Celle-ci financera-t-elle encore des salariés sans avoir de regard sur leur formation ? »

Notes

(1) Voir ce numéro, p. 17.

(2) Contact : eric.carton@free.fr.

(3) La DREES dénombrait en 1998 environ 37 000 professionnels de l'animation dans le champ du social. D'autres, comme Jean-Claude Gillet (in L'animation en questions , Ed. érès, 2006) annoncent 59 600 animateurs dans le champ du ministère de la Cohésion sociale.

(4) Stat Info n° 06-01 - Janvier 2006 - Disponible sur www.jeunesse-sports.gouv.fr - Les données sont de 2002.

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