Pour les professionnels et les détenus qui ont participé à la grande consultation sur la condition pénitentiaire organisée par l'Observatoire international des prisons, le travail, son niveau de rémunération et son encadrement juridique constituent un aspect essentiel des dysfonctionnements du système carcéral (voir ASH n° 2479 du 17-11-06, page 33). Rendant compte de l'enquête qu'elle a réalisée dans des établissements français, anglais et allemands, la juriste Evelyne Shea est du même avis : le travail pénitentiaire est en crise, tant en France que dans les autres pays européens. A l'inflation carcérale répond la pénurie d'emplois dans les prisons, résultant des transformations générales de l'économie : déclin des emplois industriels et artisanaux, mécanisation de travaux simples de façonnage ou d'assemblage et délocalisation de productions traditionnellement implantées en milieu pénitentiaire, cependant que, pour des raisons de sécurité, l'essor d'emplois tertiaires exigeant une certaine liberté de mouvement et de communication avec l'extérieur s'avère impossible. Du coup, nombre de détenus ne peuvent pas avoir d'occupation utile. Quant à ceux qui travaillent - dans des conditions exorbitantes du droit commun -, cette activité ne leur permet pas de préparer efficacement leur réinsertion : elle est à la fois trop peu qualifiée et qualifiante pour répondre aux exigences de l'extérieur, et trop mal rémunérée pour que les détenus puissent mettre de côté un pécule de sortie suffisant. Résultat : un an après leur libération, moins d'un quart des sortants auront trouvé un travail régulier - ce sont ceux qui avaient connu un parcours professionnel stable avant leur incarcération. Pour autant, le travail pénitentiaire ne constitue pas la panacée, reconnaît l'auteure : il ne saurait garantir un emploi à chaque sortant, ni prévenir infailliblement la récidive. Il pourrait, néanmoins, mieux servir ces objectifs si les emplois proposés étaient suffisamment attractifs en termes de qualité et de salaire pour donner aux détenus l'envie de s'y engager.
Le travail pénitentiaire : un défi européen. Etude comparée : France, Angleterre, Allemagne - Evelyne Shea - Ed. L'Harmattan - 21,50 € .
Beaucoup a été fait au cours des deux dernières décennies pour que la rue ne devienne pas le couloir de la mort lente et André Lacroix, qui a dirigé l'association Emmaüs pendant 15 ans, retrace la montée en charge d'un dispositif ayant permis d'épargner des centaines de vie. Cependant, réagissant toujours avec un temps de retard sur les chocs économiques et politiques qui font converger vers les métropoles un flux grandissant d'exclus du monde entier, le système d'accueil des sans-abri est saturé. Et la plupart des « déserteurs du jeu social » qui ont vu débarquer les équipes du SAMU social en 1991 vivent encore dehors. Si tant est qu'ils soient toujours vivants, car la rue est un milieu où l'on meurt, en moyenne, à l'âge de 47 ans. Pour abolir cette « peine de mort sociale », il s'agit bien sûr de multiplier les lieux d'accueil, mais il faut également revoir le profil et la formation de leurs personnels, insiste André Lacroix. Il juge, notamment, essentiel que les permanences de nuit des centres d'hébergement d'urgence soient assurées non par des surveillants, mais par des travailleurs sociaux à même de redonner du sens à la nuit à des personnes qui ont souvent perdu tous leurs repères spatio-temporels. Par ailleurs, l'auteur suggère que les écoles préparant aux métiers du social initient les étudiants à la culture du nomadisme afin qu'ils puissent mieux accompagner le cheminement des sans-abri.
Des rues et des hommes. Les SDF : une question de société - André Lacroix - Ed. Dunod - 18 € .
Un ouvrage de plus sur l'adoption ? Certes, mais dont l'approche est, à bien des égards, originale. En effet, la quasi-totalité des contributions invitent à penser l'adoption du point de vue de l'enfant. Et ce, aussi bien quand l'intéressé est né, que lorsqu'il n'existe encore que dans la tête des candidats à l'agrément ou dans celle de mères qui, peut-être, seront amenées à se séparer de lui à la naissance ; si tant est que celles-ci aient d'abord réussi à sortir du déni de leur grossesse.
Le cheminement de femmes enceintes, qui va de la négation à la reconnaissance de leur état, puis à une représentation possible de l'enfant qu'elles portent et à un projet de vie pour lui, est ainsi retracé par Sylvie Lang-Lainé. Psychologue au service AGE-MOISE, créé à Paris, en 1992, par des professionnels confrontés à « l'abandon de fait » d'enfants dans des institutions, la clinicienne décrit les étapes et les modalités d'un travail visant à permettre aux femmes de « passer de l'abandon innommable : «je ne peux pas le garder», à une pensée inductrice de sens pour l'enfant : «je le confie à l'adoption» ». En écho aux ruptures qu'ont souvent connues ces mères, la notion de « continuité » est fondamentale dans l'accompagnement qui leur est assuré. Elle est également au coeur de celui que le placement familial pré-adoption de l'aide sociale à l'enfance (ASE) du Val-de-Marne prodigue aux tout-petits qu'il prend en charge. Décrivant ce qu'il en est, pour un nouveau-né de trois ou quatre jours, de passer des soins (ou de l'absence de soins) de sa mère à ceux prodigués pendant ses deux premiers mois par les membres de sa famille d'accueil - eux-mêmes très entourés par l'équipe de l'ASE -, Vida Malei-Yonan, psychologue, montre l'importance pour ce bébé d'expérimenter une relation authentique, stable et chaleureuse. Laquelle va lui permettre de s'ouvrir à la rencontre, elle aussi très progressive et médiatisée, avec ses parents adoptifs.
De leur côté, ces parents ont également du chemin à faire pour se préparer à l'adoption. C'est le but des entretiens psychologiques auxquels ils sont soumis : les aider à passer de « l'enfant-réponse », qui s'impose comme une évidence pour satisfaire leur désir, à « l'enfant-question », explique Danielle Lacombe, psychologue au service des adoptions du Val-de-Marne. « Il s'agit d'ouvrir sur une identification aux affects et aux émotions qui traversent un enfant, de faire entendre en somme qu'être adopté ne va pas de soi », précise-t-elle. Apprendre à écouter l'infans - celui qui ne parle pas -, tel est bien le propos des différents spécialistes qui lui prêtent ici leur voix.
L'enfant dans l'adoption - Sous la direction de Jean-Louis Le Run, Antoine Leblanc et Isabelle Cluet - Ed. érès - 15 € .
Après un premier volet sur L'invention des services sociaux aux Chemins de fer (voir ASH n° 2203 du 23-02-01, page 27), le groupe de travailleurs sociaux retraités de la SNCF restitue l'histoire de l'action sociale de la société ferroviaire dans la période 1945-1985. Le résultat de leur travail de mémoire est passionnant en termes d'analyse de la professionnalisation des métiers du social, dans une entreprise où, bien avant l'heure légale, la formation continue des personnels est mise en oeuvre avec détermination. Il se révèle passionnant aussi en termes d'éclairages sur l'émergence de l'Etat providence avec des services sociaux qui font constamment oeuvre de pionniers, se désengageant de certains secteurs quand le relais est pris par la puissance publique pour mieux innover ailleurs. Il faut dire que, lorsqu'elle est constituée en 1937, la SNCF hérite des multiples « oeuvres » et équipements que les compa-gnies avaient créés : permanences sociales, consultations prénatales et de nourrissons, jardins d'enfants, écoles ménagères, notamment. D'emblée, les services sociaux de la SNCF ont ainsi un vaste rayon d'action. Ils ont aussi pour spécificité d'être clairement situés sur le volet familial de la vie des agents. En raison des contraintes du métier, la famille cheminote vit dans un entre-soi géographique et social. A la fois critiques et tendres vis-à-vis de leurs aînées qui ont oeuvré à la perpétuation de rôles familiaux stéréotypés, les auteures montrent aussi comment leurs consoeurs ont contribué à briser l'isolement des mères au foyer. Assistantes sociales, monitrices et conseillères en économie sociale et familiale font ainsi du centre social un lieu de rencontre et d'échanges, où sous couvert d'activités « utiles » comme des cours de couture, elles donnent surtout aux femmes l'occasion de sortir de chez elles. Puis, quand en 1965 ces femmes obtiennent le droit de travailler sans l'accord de leur mari, c'est également dans les groupes d'enseignement ménager qu'elles viennent évoquer leurs aspirations. Dans les domaines de la petite enfance et de la jeunesse, puis des personnes âgées, les services sociaux mettent en place de nombreuses formules innovantes. Ceci contribuant à expliquer cela : dans la période considérée, les équipes ont bénéficié d'une politique de formation riche et diversifiée, qui leur a permis d'adapter leur offre à l'évolution des problématiques familiales.
L'action sociale à la SNCF 1945-1985. L'affirmation d'une identité - Coor-donné par Marie-Françoise Charrier et Feller - Ed. érès - 23 € .
L'Association nationale des délégués et des services de tutelle a consacré sa journée d'études du 18 novembre 2005 au thème sensible de l'argent et de sa symbolique. La question a été examinée du point de vue économique et politique, juridique, psychanalytique, mais aussi sous l'angle de la clinique sociale. Comment aider une personne à modifier son rapport à l'argent pour favoriser son projet de vie ? Comment gérer tout en respectant la singularité de l'autre ?
Commandes à Philippe Wawrzyniec - Le Bourg - 46090 Cours - Tél. 05 65 53 22 45 - 10 € .
Affirmer que la personne handicapée est une personne humaine à part entière, c'est dire que tout doit être fait pour discerner et épanouir ses potentialités communicatives, intellectuelles et psychiques, quelle que soit la gravité de ses déficiences. C'est dire aussi que la famille doit être aidée par un personnel disponible et compétent, notamment dans la communication non orale, et que les soins médicaux, souvent complexes, doivent aussi être au service du projet de vie global. Autant de conclusions du congrès organisé les 14 et 15 juin par la mission handicap de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris.
Editions CTNERHI - 236 bis, rue de Tolbiac - 75013 Paris - Tél. 01 45 65 59 24 - Diffusion PUF - 32 € .
L'insuffisante maîtrise de la langue du pays d'accueil conduit inéluctablement les migrants à l'exclusion sociale, culturelle et professionnelle. L'enjeu est d'actualité dans de nombreux pays d'Europe. Un séminaire international, tenu les 26 et 27 septembre 2005 à l'initiative de plusieurs ministères français et du Conseil de l'Europe, a débattu des différents modèles d'intégration linguistique, sous leurs aspects légaux et institutionnels, mais aussi financiers, pédagogiques et didactiques.
Délégation générale à la langue française et aux langues de France : 6, rue des Pyramides - 75001 Paris - Tél. 01 40 15 73 00.
Alors que coexistent la profusion et le manque de chiffres, quel doit être le rôle de la statistique publique ? Quels sont les besoins non satisfaits et ceux qui le sont mal ? Les indicateurs de plus en plus utilisés pour l'évaluation sont-ils pertinents ? Ne font-ils pas jouer à la statistique un rôle normatif, voire décisionnel ? Trois syndicats de l'INSEE - CGT, CFDT et SUD - en ont débattu au-delà des frontières de la profession lors d'un colloque le 29 mars 2006. Pour eux, les réponses à ces questions conditionnent largement la qualité du débat démocratique (voir aussi ASH n° 2458 du 2-06-06, page 29).
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