« Récemment, une déléguée d'un service de tutelles de l'Allier a été séquestrée et violentée au domicile d'une personne majeure sous protection judiciaire. Cette agression, d'autant plus intolérable que l'auteur de ces faits est censé recevoir protection de sa victime, remet une fois de plus le projecteur sur les conditions de travail très difficiles de ces personnels. Elle prend un relief particulier dans la période d'incertitude actuelle, où nos dirigeants politiques ne semblent pas prendre en compte la réalité de la situation. Ce qu'illustre le marasme du secteur psychiatrique et la faiblesse des moyens qui lui sont alloués, de même que le retard pris par la réforme des tutelles, toujours annoncée mais autour de laquelle semble se jouer un jeu dangereux de gain de temps. Mais pour quel résultat ?
« Il ne s'agit pas, bien entendu, de faire un raccourci facile, mais bien, au vu de ce que vivent les professionnels de la protection, de s'insurger une nouvelle fois contre les charges et la complexité qu'ils ont à appréhender, sans aucun soutien, dans cette activité. Laquelle touche l'autre dans son intimité, souvent faite d'une accumulation de déséquilibre, de désespoir, de haine, de perversions.
« Les services deviennent les dépositaires de toutes les problématiques humaines sans avoir d'autres moyens que celui de la rencontre obligée, au risque que leurs personnels subissent des actes exacerbés du fait même de l'ingérence dans une intimité déjà bien malmenée.
« Déjà, en 1995, lors d'une agression mortelle contre une déléguée d'un service du Nord de la France, le président de l'époque de l'Association nationale des juges d'instance, Thierry Verheyde, interpellait «les signaleurs institutionnels» afin qu'ils ne cherchent plus à se «défausser sur la tutelle de ce qui relève en premier chef de leur sphère d'intervention». Il insistait alors sur le fait que «le tuteur ne peut pas et ne doit pas traiter lui-même et seul les problèmes de soins médicaux, de logement, de délinquance, d'exclusion». Thierry Verheyde rappelait à cette occasion la place du tuteur : sa «mission légale est de veiller à la protection de la personne du majeur protégé, ce qui ne retire rien aux responsabilités propres des autres personnes ou institutions susceptibles d'intervenir pour elle».
« Douze ans plus tard, la situation reste inchangée, voire s'est encore dégradée en ce qui concerne les moyens de la psychiatrie et les pressions exercées sur les tuteurs, à tel point que le risque est permanent. D'autant plus que les représentants légaux ne font pas toujours le meilleur usage de l'immense pouvoir qui leur est attribué.
« Il est plus que jamais indispensable de trouver la juste place des délégués à la tutelle.
« La réforme de la loi ne réglera pas tout, d'autant qu'il n'apparaît pas, dans le contenu du projet, une affirmation claire des grands principes de la protection : le tuteur risque de dépendre de dispositifs médicaux et sociaux dont il devrait être séparé.
« Dans ces conditions, il ne faudra pas s'étonner que la personne, si souvent décrite comme étant «au centre des dispositifs», n'ait finalement aucune place et ne puisse que se soumettre ou exprimer son mal-être avec plus ou moins de violence.
« Dans cette perspective, les professionnels de la protection poursuivront leur activité, certes dans un cadre budgétaire repéré, mais, dans le fond, sans vraiment de modification quant aux conditions et aux moyens d'exercice.
« Lors des débats parlementaires attendus, nos représentants politiques feront-ils preuve d'une vigilance suffisante pour organiser cette nouvelle protection avec la même ambition que celle dont avaient fait preuve les acteurs de la loi de 1968 ? »
(1) Philippe Bas et Pascal Clément se sont engagés à ce que le projet de loi réformant le dispositif soit « débattu avant la fin de la législature », mais pour n'être applicable qu'en 2009 - Voir ASH n° 2471 du 29-09-06, p. 11.
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