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Opposition grandissante au projet de loi sur la prévention de la délinquance

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Rarement un texte aura suscité autant de mobilisation sur la durée. Deux ans et demi après s'être attiré les foudres des travailleurs sociaux, alors qu'il n'était encore qu'une esquisse, le projet de loi sur la prévention de la délinquance a de nouveau poussé les professionnels dans la rue, le 18 novembre à l'appel du Collectif national unitaire de résistance à la délation (1).

« Résister, quelle que soit l'issue du vote »

Réunis autour des slogans : « éducateurs, pas délateurs » ou « touche pas à mon secret professionnel », ils étaient entre 1 800 (selon la police) et 8 000 (selon les organisateurs) professionnels des secteurs social, sanitaire, et de la Justice, à défiler à Paris pour demander le retrait du projet de loi adopté le 21 septembre au Sénat, et dont l'examen parlementaire a repris le 21 novembre. En cas d'adoption du texte, les acteurs représentés dans le collectif prévoient d'ores et déjà d'« entrer en résistance » en ne l'appliquant pas. « Il faut dès maintenant s'organiser en réfléchissant à la manière de protéger les professionnels », explique Danielle Atlan, secrétaire nationale du Syndicat national unitaire des assistants sociaux de la fonction publique (SNUAS-FP)-FSU.

Depuis 2003, le texte ne fait que s'atti-rer de plus en plus de détracteurs. Parmi les prises de position récentes : celle de l'Association nationale des cadres communaux de l'action sociale (Anccas), qui dénonce un projet de loi « de nature à vider de sens l'action des travailleurs sociaux, voire de les mettre en danger ». L'association déplore également que l'accent soit mis sur la responsabilité des parents, qui « ne saurait occulter les facteurs socio-économiques et les formes de violence symbolique qui pèsent sur certaines familles et obèrent leurs capacités éducatives ». Elle regrette que le projet de loi fasse « l'impasse sur le renforcement des moyens nécessaires pour soutenir et aider les parents à recouvrer leurs capacités à exercer pleinement leur fonction parentale ». Au lieu de cela, pointe-t-elle, le texte renforce la complexité du paysage social français, « ignorant le rôle de chef de file de l'action sociale dévolu au département » en confiant de nouvelles responsabilités au maire en matière de prévention. De plus, il ne prévoit aucune coordination avec le projet de loi réformant le dispositif de protection de l'enfance. La Fédération Entraide protestante partage le même avis, mettant l'accent par ailleurs sur le risque d'une « atteinte aux principes de l'autorité parentale » par le caractère contraignant de certains dispositifs.

Le projet de réforme par ordonnance de la loi du 27 juin 1990 sur l'hospitalisation sous contrainte, qui devrait aboutir à la suppression des dispositions sur la santé mentale du projet de loi de Nicolas Sarkozy, ne satisfait pas, en outre, les professionnels de la psychiatrie. « Le recours à ordonnance, pour profiter du calendrier parlementaire et sans revoir le contenu des articles, est inadmissible », s'insurge la Fédération de la santé et de l'action sociale de la CGT. L'organisation demande que cette réforme s'intègre dans une loi d'orientation et de programmation pour la psychiatrie, élaborée en concertation avec la communauté psychiatrique et soumise au débat parlementaire.

La construction de logements sociaux ralentie ?

Mais le projet de loi, qui touche aussi à la sécurité, à la justice, et à la toxicomanie (2), est critiqué sur bien d'autres volets. L'Union sociale pour l'habitat (USH) s'inquiète ainsi de l'article qui prévoit l'obligation de réaliser une étude de sécurité publique pour tous les projets d'aménagement, d'équipements collectifs et les programmes de construction qui peuvent avoir, du fait de leur importance, de leur localisation ou de leurs caractéristiques propres, des incidences sur la protection des personnes et des biens. Cette définition large, « si elle n'est pas accompagnée d'un décret d'application assez précis, craint l'USH, pourrait voir les études de sécurité se généraliser à tous les programmes de logements ». Avec des incidences sur la poursuite du plan de cohésion sociale et du plan national de renouvellement urbain.

Autre sujet de préoccupation : la modification de la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage. Dans une lettre ouverte au président de la République, au ministre de la Justice, aux présidents des groupes parlementaires de l'Assemblée nationale et aux députés, 13 organisations (3) demandent la suppression de l'« amendement Hérisson », adopté au Sénat, qui prévoit qu'en cas de stationnement irrégulier d'une caravane, le maire ou le propriétaire du terrain occupé peut demander aux préfets une mise en demeure des occupants à quitter les lieux dans un délai pouvant être réduit à 24 heures. S'il était définitivement adopté, cet article porterait « très gravement atteinte aux droits fondamentaux des gens du voyage », argumentent les organisations. Elles invoquent plusieurs raisons : la suppression de l'intervention préalable de l'autorité judiciaire, l'atteinte au principe d'inviolabilité du domicile et la rupture de l'égalité des citoyens devant la Justice. Mais la commission des lois de l'Assemblée nationale n'est pas allée, loin s'en faut, dans leur sens : elle a même accepté, le 21 novembre, un amendement UMP prévoyant que la procédure d'évacuation pourra aussi être utilisée par certains communes n'ayant pas encore rempli leurs obligations en matière d'aire d'accueil...

Cette commission a également validé, le même jour, des amendements UMP sur les mineurs récidivistes. L'un prévoit la possibilité d'écarter l'excuse de minorité, l'autre, fruit d'un compromis sur les peines planchers, que le juge motive le choix de la peine prononcée.

Les enfants en danger signalés au maire

Plusieurs autres amendements ont par ailleurs été adoptés par les commissions des lois et des affaires sociales. Le maire, notamment, pourrait être informé par l'administration pénitentiaire des sorties de prison des détenus domiciliés dans sa commune. La désignation d'un coordonnateur des professionnels intervenant auprès de la famille serait laissée à l'appréciation du maire, mais ce coordonnateur se verrait investi d'un nouveau rôle : en cas de danger au sens de l'article 375 du code civil, il pourrait informer sans délai le président du conseil général. Le maire serait également informé de cette transmission. La création d'un conseil pour les droits et les devoirs des familles, en revanche, ne serait plus obligatoire.

D'autres amendements créent de nouvelles infractions (violence sur agent dépositaire de l'autorité publique commise en bande organisée ou avec guet-apens, embuscade) et augmentent le quantum des peines en cas de rébellion.

Autant de dispositions qui annoncent des débats houleux. Tandis que, lors du congrès de l'Association des maires de France, le 21 novembre, son président, Jacques Pélissard, a assuré que les édiles n'ont pas « vocation à être les hommes ou les femmes de la répression ou de la sanction », le PS, le PC et l'UDF ont quant à eux affirmé leur opposition au texte.

Notes

(1) www.abri.org/antidelation/.

(2) Voir ASH n° 2471 du 29-09-06, p. 9.

(3) Dont la FAPIL, la Fnasat, le GISTI, la LDH et ATD quart monde.

LE SOCIAL EN ACTION

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