Selon le gouvernement, en allongeant la durée de la rétention administrative et en fixant aux préfets des objectifs annuels de reconduites à la frontière, la loi « Sarkozy » du 26 novembre 2003 a « permis de doubler, en 3 ans, le nombre de mesures d'éloignement exécutées », passé de 10 000 en 2002 à 20 000 en 2005. Cette évolution a été facilitée par la mise en oeuvre des visas biométriques, « qui facilitent l'identification, et donc la reconduite à la frontière, des migrants clandestins qui se maintiennent sur le territoire après l'expiration de leur visa de court séjour ». Mais aussi par la mise en place, depuis l'été 2005, du dispositif d'aide au retour volontaire (1) et par « des démarches diplomatiques d'une grande fermeté [...] engagées à l'égard des pays peu coopératifs en matière de délivrance des laissez-passer consulaires indispensables à la reconduite à la frontière de leurs ressortissants » (2).
Pour le gouvernement, ces « résultats [...] ne constituent toutefois qu'une première étape ». Et la loi du 24 juillet 2006 va plus loin, notamment en instaurant une nouvelle procédure visant à accélérer l'éloignement des personnes étrangères en situation irrégulière, l'obligation de quitter le territoire français.
La loi aménage également les dispositions relatives aux refus d'entrée sur le territoire national et aux protections dont peuvent bénéficier certains étrangers contre l'expulsion, la reconduite à la frontière et l'interdiction du territoire national.
Un nouveau cas de refus d'entrée en France est créé. L'accès au territoire français peut être refusé à tout étranger dont la présence constitue une menace pour l'ordre public ou qui fait l'objet soit d'une interdiction du territoire, soit d'un arrêté d'expulsion, soit, ajoute la loi, d'un arrêté de reconduite à la frontière pris, moins de un an auparavant, sur le fondement de la menace pour l'ordre public ou parce que l'étranger a travaillé sans autorisation pendant la durée de validité de son visa de court séjour ou pendant les 3 mois à compter de son entrée sur le territoire français. L'arrêté de reconduite à la frontière doit avoir été notifié à son destinataire après le 25 juillet 2006 (code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile [Ceseda], art. L. 213-1 modifié).
La loi prévoit que, lorsqu'un étranger mineur non accompagné d'un représentant légal n'est pas autorisé à entrer en France, le procureur de la République, avisé immédiatement par l'autorité administrative, désigne sans délai un administrateur ad hoc. Auparavant, ce dernier était désigné seulement au moment du placement du mineur en zone d'attente (Ceseda, art. L. 221-5 modifié).
Rappelons que l'administrateur ad hoc assiste le mineur durant son maintien en zone d'attente et assure sa représentation dans le cadre des procédures administratives et juridictionnelles relatives à ce maintien. Il assure également la représentation du mineur dans toutes les procédures administratives et juridictionnelles concernant son entrée en France.
La loi met en place une obligation de quitter le territoire français (OQTF), prononcée à l'occasion d'un refus de titre de séjour. Cette création s'accompagne d'une réforme du contentieux administratif en matière de droit des étrangers, en forte augmentation.
Actuellement, lorsqu'un étranger se voit refuser la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour ou lorsque son titre de séjour lui est retiré, la notification de cette décision indique la date à laquelle l'étranger devra avoir quitté le territoire français (un mois après). Cette notification est appelée « invitation à quitter le territoire français ». La décision préfectorale de refus ou de retrait du titre de séjour peut faire l'objet d'un recours hiérarchique devant le ministre de l'Intérieur et d'un recours contentieux devant le tribunal administratif territorialement compétent dans les 2 mois de la notification. Ces recours ne sont pas suspensifs. A l'issue de un mois, si l'administration constate que l'étranger n'a pas quitté le territoire français, elle peut prendre une mesure d'éloignement, c'est-à-dire un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière (APRF). En outre, l'étranger s'expose à des sanctions pénales.
Selon le rapporteur de la loi à l'Assemblée nationale, le contentieux relatif au droit des étrangers est devenu le premier motif de contentieux devant les tribunaux administratifs. En 2000, sur les 126 410 affaires enregistrées, 20 693, soit 16,4 %, concernaient le droit des étrangers. En 2005, ce chiffre est passé à 40 029 sur 167 150 requêtes, soit une proportion de 24 %. Le seul contentieux de la reconduite à la frontière a fortement contribué à cette croissance. Le nombre de recours contre des arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière est passé de 7 255 en 2000 à 18 442 en 2005 et représente 46 % du contentieux des étrangers. 45 % des recours déférés devant les tribunaux administratifs concernent des APRF notifiés par voie postale. Le taux d'exécution de ces arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière notifiés par voie postale est extrêmement faible, inférieur à 3 %. « Ainsi, l'engorgement des tribunaux administratifs par ces APRF par voie postale est très peu justifié, d'autant qu'ils doivent être jugés dans des délais très brefs », explique Thierry Mariani (Rap. A.N. n° 3058, avril 2006, Mariani, page 230).
Pour remédier à ces inconvénients, la loi assortit le refus de séjour d'une mesure d'éloignement, l'obligation de quitter le territoire français. Si l'étranger ne quitte pas le territoire français dans un certain délai, l'administration n'aura plus besoin de prendre un APRF.
L'obligation de quitter le territoire français entrera en vigueur après la publication d'un décret d'application et au plus tard le 1er juillet 2007. Dans l'attente de son entrée en vigueur, les dispositions relatives à la reconduite à la frontière continuent de s'appliquer.
Le préfet peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français dans les cas suivants (Ceseda, art. L. 511-1, I nouveau) :
refus de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour ;
retrait du titre de séjour, du récépissé de demande de carte de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour.
Ce refus ou ce retrait ne peut être prononcé que pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public. Si l'ordre public est invoqué, la procédure de reconduite à la frontière s'applique (Ceseda, art. L. 511-1, I nouveau).
Par décision motivée, l'autorité administrative peut aussi obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen (3) ou de la Confédération suisse à quitter le territoire français lorsqu'elle constate qu'il ne justifie plus d'aucun droit au séjour.
L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire. Ce délai est de un mois à compter de la notification de la décision assortie de l'OQTF. Passé ce délai, l'obligation peut être exécutée d'office par l'administration, qui n'a plus besoin de prendre une mesure d'éloignement (Ceseda, art. L. 511-1, I nouveau).
L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français peut être maintenu en rétention administrative dès l'expiration du délai de un mois. Il peut demander à bénéficier du dispositif d'aide au retour financé par l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, sauf s'il a été placé en rétention (Ceseda, art. L. 511-1, I nouveau).
Tout étranger qui se sera soustrait ou qui aura tenté de se soustraire à l'exécution d'une obligation de quitter le territoire français encourt une peine de 3 ans d'emprisonnement (Ceseda, art. L. 624-1 modifié).
A compter de l'entrée en vigueur de l'OQTF, deux cas de reconduite à la frontière seront supprimés :
l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé, ou dont le titre de séjour a été retiré, et qui s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai de un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ;
le récépissé de la demande de carte de séjour ou l'autorisation provisoire de séjour qui avait été délivré à l'étranger lui a été retiré ou le renouvellement de ces documents lui a été refusé.
La reconduite à la frontière subsistera donc uniquement dans les cas suivants (Ceseda, art. L. 511-1, II nouveau) :
l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ;
l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou à l'expiration d'un délai de 3 mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ;
l'étranger n'a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire et s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai de un mois suivant l'expiration de ce titre ;
l'étranger a fait l'objet d'une condamnation définitive pour contrefaçon, falsification, établissement sous un autre nom que le sien ou défaut de titre de séjour ;
l'étranger a fait l'objet d'un retrait de son titre de séjour ou d'un refus de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour en raison d'une menace à l'ordre public ;
pendant la période de validité de son visa ou pendant les 3 mois à compter de son entrée en France, le comportement de l'étranger a constitué une menace pour l'ordre public ou il a travaillé sans autorisation de travail.
L'étranger qui fait l'objet d'un refus de séjour, d'un refus de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour ou d'un retrait de titre de séjour, de récépissé de demande de carte de séjour ou d'autorisation provisoire de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français peut demander l'annulation de ces décisions au tribunal administratif dans le délai de un mois suivant la notification. L'étranger conteste dans un même recours la décision de refus de séjour et la mesure d'éloignement comportant l'indication du pays de renvoi (Ceseda, art. L. 512-1 nouveau).
Le recours suspend l'exécution de l'OQTF mais elle ne fait pas obstacle au placement de l'étranger en rétention administrative (Ceseda, art. L. 512-1 nouveau).
Le tribunal administratif statue dans un délai de 3 mois à compter de sa saisine. Toutefois, si l'étranger est placé en rétention avant que le tribunal ait rendu sa décision, ce dernier statue sur la légalité de l'OQTF et de la décision fixant le pays de renvoi au plus tard 72 heures à compter de la notification par l'administration au tribunal de ce placement, et selon la même procédure que celle applicable aux arrêtés de reconduite à la frontière (formation à juge unique) (Ceseda, art. L. 512-1 nouveau).
Si l'OQTF est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de rétention et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas (Ceseda, art. L. 512-1 nouveau).
A noter : à compter de l'entrée en vigueur de l'OQTF, la notification par voie postale des arrêtés de reconduite à la frontière ne sera plus possible. Seule subsistera la notification administrative (Ceseda, art. L. 512-1 modifié).
Depuis la loi « Sarkozy » du 26 novembre 2003, deux catégories d'étrangers sont protégés contre l'expulsion : certains bénéficient d'une protection dite « relative », d'autres d'une protection dite « absolue » en raison de leurs attaches avec la France. Ces deux catégories font l'objet d'aménagements.
En raison de la suppression de la régularisation de droit des étrangers justifiant résider habituellement en France depuis 10 ans, ceux qui justifient qu'ils résident habituellement en France depuis plus de 15 ans ne bénéficient plus d'une protection contre l'expulsion.
Désormais, peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion (Ceseda, art. L. 521-2 modifié) :
l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an ;
l'étranger marié depuis au moins 3 ans (au lieu de 2) avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage et que le conjoint ait conservé la nationalité française ;
l'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de 10 ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant » ;
l'étranger titulaire d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle servie par un organisme français et dont le taux d'incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 %.
Transposant la directive européenne n° 2004/38/CE du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leur famille de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, la loi ajoute en outre à cette liste une catégorie : le ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse qui séjourne régulièrement en France depuis 10 ans (Ceseda, art. L. 521-2 modifié).
Dans tous les cas, l'expulsion est quand même possible si elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique, ou encore si l'étranger a été condamné définitivement à une peine d'emprisonnement ferme au moins égale à 5 ans (Ceseda, art. L. 521-2 modifié)
La protection « absolue » concerne des personnes ayant des attaches avec la France. Une seule modification y est apportée. Elle vise les conjoints de Français et de ressortissants étrangers présents en France depuis l'âge de 13 ans.
Sauf en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes, ne peut pas faire l'objet d'une mesure d'expulsion (Ceseda, art. L. 521-2 modifié) :
l'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de 13 ans ;
l'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de 20 ans ;
l'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de 10 ans et qui, ne vivant pas en état de polygamie, est marié depuis au moins 4 ans (au lieu de 3) soit avec un ressortissant français ayant conservé la nationalité française, soit avec un ressortissant étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de 13 ans, et à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage ;
l'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de 10 ans et qui, ne vivant pas en état de polygamie, est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an. Toutefois, la protection tombe lorsque les faits à l'origine de la mesure d'expulsion ont été commis à l'encontre de son conjoint ou de ses enfants ou, ajoute la loi, de tout enfant sur lequel l'étranger exerce l'autorité parentale. Cet ajout vise le cas de l'étranger qui exerce l'autorité parentale sur les enfants français de son conjoint (Rap. Sén. n° 371, mars 2006, Buffet, page 186) ;
l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi.
La liste des étrangers qui ne peuvent être reconduits à la frontière est elle aussi modifiée, par coordination avec la liste des étrangers protégés contre l'expulsion. En outre, il est précisé que ces étrangers ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, nouvelle mesure d'éloignement mise en place par la loi du 24 juillet 2006 et qui doit entrer en vigueur au plus tard le 1er juillet 2007 (voir page 20).
Ainsi, ne peuvent faire désormais l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière (Ceseda, art. L. 511-4 modifié) :
l'étranger mineur de 18 ans ;
l'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de 13 ans ;
l'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de 10 ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant » ;
l'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de 20 ans ;
l'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant depuis sa naissance ou depuis au moins 2 ans (au lieu de un an) ;
l'étranger marié depuis au moins 3 ans (au lieu de 2 ans) avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage et que le conjoint ait conservé la nationalité française ;
l'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de 10 ans et qui, ne vivant pas en état de polygamie, est marié depuis au moins 3 ans avec un étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de 13 ans, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé « depuis le mariage », ajoute la loi ;
l'étranger titulaire d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle servie par un organisme français et dont le taux d'incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 % ;
l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ;
le ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ainsi que les membres de sa famille qui bénéficient du droit au séjour permanent.
En outre, l'étranger ressortissant d'un pays tiers qui est membre de la famille d'un ressortissant communautaire ne peut faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière pour entrée irrégulière en France, pour s'être maintenu en France plus de 3 sans titre de séjour, pour ne pas avoir demandé le renouvellement de son titre de séjour et s'être maintenu sur le territoire au-delà du délai de un mois suivant l'expiration de ce titre (Ceseda, art. L. 511-4 modifié).
Depuis la loi du 26 novembre 2003, deux catégories d'étrangers sont protégés contre l'interdiction du territoire.
La liste des étrangers protégés en raison de leurs attaches en France est la même que celle des étrangers bénéficiant d'une protection « absolue » en matière d'expulsion (voir page 22) (code pénal [CP], art. L. 131-30-2 modifié).
La liste des étrangers protégés en matière correctionnelle, à l'encontre desquels le tribunal ne peut prononcer l'interdiction du territoire français que par une décision spécialement motivée au regard de la gravité de l'infraction et de la situation personnelle et familiale de l'étranger, est la même que la liste des étrangers bénéficiant d'une protection « relative » en matière d'expulsion (voir page 21), à une exception près. Ainsi, continue d'être protégé contre l'interdiction du territoire l'étranger qui justifie par tous moyens qu'il réside habituellement en France depuis plus de 15 ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant » (CP, art. L. 131-30-1 modifié).
Actuellement, les demandeurs d'asile ne bénéficient de l'aide juridictionnelle devant la commission des recours des réfugiés que dans des conditions restrictives. L'article 3 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique prévoit en effet que, devant la commission des recours des réfugiés, l'aide juridictionnelle est accordée aux étrangers qui résident habituellement et sont entrés régulièrement en France ou qui détiennent un titre de séjour d'une durée de validité au moins égale à un an.
Afin de permettre à de plus nombreux demandeurs d'asile de solliciter l'aide juridictionnelle devant la commission des recours des réfugiés, la condition de régularité de l'entrée ou du séjour est supprimée. Seule subsiste la condition de résidence habituelle en France (loi du 10 juillet 1991, art. 3 modifié).
Cette réforme résulte de la transposition de la directive européenne n° 2005/85/CE du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres.
Toutefois, cette réforme n'entrera en vigueur que le 1er décembre 2008 « tant pour permettre au bureau d'aide juridictionnelle de la commission des recours de se préparer matériellement à l'accroissement des demandes consécutives à cette mesure qu'en référence au terme du délai de transposition de la directive, fixé à cette même date » (Rap. Sén. n° 371, mars 2006, Buffet, page 219).
La loi réforme le statut juridique des centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA). Actuellement, ces centres ne sont pas des structures juridiquement distinctes des centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS). Ce sont des CHRS spécialisés dans l'accueil des demandeurs d'asile et des réfugiés. Selon François-Noël Buffet, rapporteur de la loi au Sénat, on dénombrait, au 31 décembre 2005,245 CADA accueillant 16 148 personnes, parmi lesquelles seules 9 612 étaient des demandeurs d'asile, le solde étant constitué de 3 228 réfugiés et de 3 308 personnes ayant fait l'objet d'une décision définitive de rejet de leur demande d'asile par la commission des recours des réfugiés. Seuls 30 à 40 % des demandeurs d'asile sont accueillis en CADA, les autres demandeurs d'asile font l'objet d'un hébergement d'urgence, notamment dans des hôtels (Rap. Sén. n° 371, mars 2006, Buffet, page 221).
L'absence de statut législatif spécifique pour ces centres explique, selon Thierry Mariani, rapporteur à Assemblée nationale, le fait qu'y soient aujourd'hui accueillis des demandeurs d'asile, des réfugiés et des déboutés. C'est pourquoi la loi du 24 juillet 2006 met en place un statut juridique spécifique des CADA avec pour objectif que ces établissements n'accueillent plus, à terme, que des demandeurs d'asile et non plus des déboutés ou des réfugiés. Cette réforme nécessite toutefois la publication de textes réglementaires pour entrer en vigueur.
La nouvelle loi prévoit que les CADA ont pour mission d'assurer l'accueil, l'hébergement ainsi que l'accompagnement social et administratif des demandeurs d'asile pendant la durée d'instruction de leur demande d'asile. L'étranger doit être en possession de l'un des documents de séjour suivants : l'autorisation provisoire de séjour permettant de déposer une demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ou le récépissé constatant le dépôt d'une demande d'asile renouvelé jusqu'à ce que l'office statue et, si un recours est formé, jusqu'à ce que la commission des recours statue (code de l'action sociale et des familles [CASF], art. L. 348-2 nouveau).
Seuls les demandeurs d'asile admis à séjourner en France peuvent obtenir ce document provisoire de séjour. Par conséquent, les demandeurs d'asile à qui l'admission au séjour est refusée (l'OFPRA statue alors par priorité sur leur demande) ne peuvent être accueillis en CADA. Comme auparavant, quatre catégories d'étrangers peuvent se voir refuser l'admission au séjour (Ceseda, art. L. 741-4) :
les étrangers dont l'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat membre de l'Union européenne ;
ceux qui ont la nationalité d'un pays pour lequel a été mise en oeuvre la clause de cessation de la convention de Genève ou d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr ;
ceux dont la présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat ;
ceux dont la demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente.
Les personnes s'étant vu reconnaître la qualité de réfugié ou accorder le bénéfice de la protection subsidiaire et les personnes ayant fait l'objet d'une décision de rejet définitive, c'est-à-dire les déboutés, peuvent être maintenues dans un CADA « à titre exceptionnel et temporaire » dans des conditions qui seront fixées par décret en Conseil d'Etat (Ceseda, art. L. 348-2 nouveau).
La mission des CADA prend fin à l'expiration du délai de recours contre la décision de l'OFPRA (un mois) ou à la date de la notification de la décision de la commission des recours des réfugiés (Ceseda, art. L. 348-2 nouveau).
Les décisions d'admission dans un CADA et de sortie sont prises par le gestionnaire du centre avec l'accord de l'autorité administrative compétente de l'Etat (CASF, art. L. 348-3 nouveau).
La loi ne prévoit plus l'intervention d'une commission. Actuellement, la décision d'accueillir, à sa demande, une personne ou une famille est prise par le gestionnaire du centre avec l'accord exprès ou implicite du préfet, sur proposition d'une commission nationale présidée par le directeur de la population et des migrations ou son représentant.
L'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations (ANAEM) sera chargée, dans le cadre de sa mission d'accueil des demandeurs d'asile, de coordonner la gestion de l'hébergement dans les CADA. Afin d'assurer cette mission, elle conçoit, met en oeuvre et gère un traitement automatisé de données relatives aux capacités d'hébergement, à l'utilisation de ces capacités et aux demandeurs d'asile qui y sont accueillis. Dans le cadre de ce traitement automatisé, les personnes morales chargées de la gestion des CADA devront déclarer les places disponibles à l'ANAEM et à l'autorité administrative compétente de l'Etat, et leur transmettre les informations tenues à jour concernant les personnes accueillies (CASF, art. L. 348-3 nouveau).
Plusieurs dispositions du code de l'action sociale et des familles sont modifiées afin de prendre en compte le nouveau statut juridique des CADA.
L'Etat prend en charge au titre de l'aide sociale les frais d'accueil et d'hébergement des étrangers dans les CADA (CASF, art. L. 121-7 complété).
Seuls bénéficient, sur leur demande, de l'aide sociale pour être accueillis dans les CADA les étrangers en possession du document provisoire de séjour renouvelé jusqu'à ce que l'OFPRA ou la commission des recours des réfugiés statue (CASF, art. L. 348-1 nouveau).
Le bénéfice de l'aide sociale ne peut être accordé ou maintenu aux personnes ou familles accueillies dans un CADA que si une convention conforme à une convention type, dont les stipulations seront déterminées par décret, a été conclue entre le centre et l'Etat (CASF, art. L. 348-4 nouveau).
Les étrangers bénéficient de l'aide sociale sans condition de régularité d'entrée ou de séjour (CASF, art. L. 111-2 modifié).
Comme pour l'admission à l'aide sociale en CHRS, la demande d'admission à l'aide sociale en CADA est réputée acceptée lorsque le représentant de l'Etat dans le département n'a pas fait connaître sa réponse dans un délai de un mois qui suit la date de sa réception (CASF, art. L. 111-3-1 modifié).
Désormais, les CADA constituent une nouvelle catégorie d'établissement social et médico-social visé à l'article L. 312-1, I 13 ° du code de l'action sociale et des familles.
Ils sont ajoutés à la liste des établissements sociaux et médico-sociaux qui, en vue d'assurer le respect du droit à une vie familiale des membres des familles accueillies, doivent rechercher une solution évitant la séparation de ces personnes ou, si une telle solution ne peut être trouvée, établir, de concert avec les personnes accueillies, un projet propre à permettre leur réunion dans les plus brefs délais, et assurer le suivi de ce projet jusqu'à ce qu'il aboutisse (CASF, art. L. 311-9 modifié).
Le représentant de l'Etat dans la région arrête les schémas régionaux d'organisation sociale et médico-sociale relatifs aux CADA, après avis du comité régional de l'organisation sociale et médico-sociale (CASF, art. L. 312-5 complété). Selon le rapporteur au Sénat, « le choix de l'échelon régional devrait permettre de mieux équilibrer, entre les différents CADA d'une même région, la charge de l'hébergement des demandeurs d'asile, les décisions d'admission continuant toutefois de relever de la compétence du représentant de l'Etat dans le département » (Rap. Sén. n° 371, mars 2006, Buffet, page 225).
Tout comme pour les CHRS, l'autorisation de création, de transformation ou d'extension d'un CADA est délivrée par l'autorité compétente de l'Etat, c'est-à-dire le préfet (CASF, art. L. 313-3 modifié).
La loi crée un motif spécifique de retrait de l'habilitation à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale pour les CADA. Ainsi, l'habilitation peut être retirée si le centre accueille des étrangers autres que ceux justifiant du document provisoire de séjour délivré lors du dépôt de leur demande d'asile : réfugiés, bénéficiaires de la protection subsidiaire ou demandeurs d'asile déboutés n'ayant pas fait l'objet d'une décision exceptionnelle de maintien en CADA. Préalablement à toute décision de retrait, l'autorité doit demander au centre de prendre les mesures nécessaires pour respecter l'habilitation ou réduire les coûts ou charges au niveau moyen. La demande, notifiée à l'intéressé, est motivée. Elle précise le délai, qui ne peut être inférieur à 6 mois, dans lequel il est tenu de prendre les dispositions requises. A l'expiration du délai, l'habilitation peut être retirée en tout ou partie (CASF, art. L. 313-9 modifié).
Le régime juridique des CADA est aligné sur celui des CHRS s'agissant du montant total annuel des dépenses (CASF, art. L. 314-4 modifié), de la prise en charge par les organismes d'assurance maladie des dépenses de soins paramédicaux dispensés par des professionnels de santé (CASF, art. L. 314-11 modifié) et de la gestion des centres par des personnes morales de droit public (CASF, art. L. 315-7 modifié).
L'accueil des demandeurs d'asile étant organisé dans les seuls CADA, la loi prévoit que les étrangers s'étant vu reconnaître la qualité de réfugié ou accorder le bénéfice de la protection subsidiaire peuvent être accueillis dans des centres d'hébergement et de réinsertion sociale dénommés « centres provisoires d'hébergement » (CASF, art. L. 345-1 complété). Le régime juridique de ces centres spécifiques sera identique à celui des autres CHRS (Rap. A.N. n° 3058, avril 2006, Mariani, page 198).
L'allocation temporaire d'attente a été mise en place par la loi de finances pour 2006 et a vocation à remplacer l'allocation d'insertion (4). Alors que le décret d'application permettant son entrée en vigueur n'est toujours pas paru, son régime est déjà modifié par la loi du 24 juillet 2006 (code du travail [C. trav.], art. L. 351-9 modifié).
Rappelons que peuvent bénéficier de l'allocation temporaire d'attente les étrangers d'au moins 18 ans dont le titre de séjour ou le récépissé de demande de titre de séjour mentionne qu'ils ont sollicité l'asile en France et qui ont présenté une demande pour bénéficier du statut de réfugié, sous réserve de satisfaire à une condition de ressources.
Peuvent également bénéficier de l'allocation les étrangers bénéficiaires de la protection temporaire et, ajoute la loi, « pendant une durée déterminée », les ressortissants étrangers bénéficiaires de la protection subsidiaire. Cette précision est apportée uniquement « parce que la protection subsidiaire n'est conférée que de manière temporaire par l'OFPRA pour une durée de un an renouvelable » (Rap. Sén. n° 371, mars 2006, Buffet, page 236).
En revanche, ne peuvent en principe y prétendre les personnes qui proviennent soit d'un pays pour lequel l'OFPRA a décidé la mise en oeuvre de la clause de cessation de protection prévue par l'article 1er 5 C de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, soit d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr. Mais la loi prévoit désormais une exception. Pourront ainsi bénéficier de l'allocation les cas humanitaires signalés par l'OFPRA à l'Unedic, chargée de verser l'allocation.
Les demandeurs d'asile dont le séjour dans un centre d'hébergement est pris en charge au titre de l'aide sociale, et ceux qui refusent une telle offre de prise en charge ne peuvent pas bénéficier de l'allocation. Par ailleurs, les personnes auxquelles une telle offre de prise en charge n'a pas été formulée doivent attester de leur adresse de domiciliation effective auprès de l'Unedic, sous peine d'en perdre le bénéfice. La loi ajoute que l'ANAEM (et non plus seulement les autorités compétentes de l'Etat) adresse mensuellement à l'Unedic les informations relatives aux offres de prise en charge qui ont été formulées ainsi qu'aux refus auxquels celles-ci ont, le cas échéant, donné lieu (C. trav., art. L. 351-9-1 modifié). En ne visant que les autorités compétentes de l'Etat, le texte antérieur n'incluait pas l'ANAEM, alors que c'est elle qui est désormais chargée de la coordination de la gestion du dispositif d'hébergement des demandeurs d'asile, et qui transmettra donc à l'Unedic les informations permettant de déterminer les bénéficiaires de l'allocation.
Dans notre numéro 2477-2478 du 10 novembre 2006, page 23 :
I - Les restrictions à l'immigration pour motifs de vie privée et familiale
II - Favoriser l'immigration de travail et estudiantine
Dans ce numéro :
III - Les refus d'entrée en France et les mesures d'éloignement
A - Les refus d'entrée en France
B - La création de l'obligation de quitter le territoire français
C - Les étrangers protégés contre l'expulsion
D - Les étrangers protégés contre la reconduite à la frontière
E - Les étrangers protégés contre l'interdiction du territoire français
IV - Les aménagements au droit d'asile
A - Le bénéfice de l'aide juridictionnelle
B - La réforme des centres d'accueil pour demandeurs d'asile
C - L'allocation temporaire d'attente
La législation réprimait jusqu'à présent le mariage dit « de complaisance ». La loi du 24 juillet 2006 étend le délit à la reconnaissance d'enfant « de complaisance » et au cas où le mariage ou la reconnaissance a pour objet le bénéfice d'une protection contre l'éloignement.
Le fait de contracter un mariage ou de reconnaître un enfant aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d'une protection contre l'éloignement, ou aux seules
fins d'acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française est puni de 5 ans d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende. Ces mêmes peines sont applicables en cas d'organisation ou de tentative d'organisation d'un mariage ou d'une reconnaissance d'enfant aux mêmes fins. Elles sont portées à 10 ans d'emprisonnement et à 750 000 € d'amende lorsque l'infraction est commise en bande organisée (Ceseda, art. L. 623-1 modifié).
L'acquisition par mariage (art. 79)
Les règles d'acquisition de la nationalité française par mariage sont durcies, l'objectif étant de poursuivre l'effort de prévention des mariages de complaisance qui avait justifié les modifications introduites par la loi du 26 novembre 2003.
L'étranger ou l'apatride qui se marie avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai de 4 ans (au lieu de 2) à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition que, à la date de cette déclaration, la communauté de vie tant affective que matérielle n'ait pas cessé entre les époux « depuis le mariage », est-il précisé, et que le conjoint français ait conservé sa nationalité. La communauté de vie doit donc être ininterrompue depuis le mariage (code civil [C. civ.], art. 21-2 modifié).
Le délai de communauté de vie est porté à 5 ans (au lieu de 3) lorsque l'étranger, au moment de la déclaration (C. civ., art. 21-2 modifié) :
soit ne justifie pas avoir résidé de manière ininterrompue et régulière pendant au moins 3 ans en France à compter du mariage ;
soit, ajoute la loi, n'est pas en mesure d'apporter la preuve que son conjoint français a été inscrit pendant la durée de leur communauté de vie à l'étranger au registre des Français établis hors de France.
En outre, le mariage célébré à l'étranger doit avoir fait l'objet d'une transcription préalable sur les registres de l'état civil français. Le conjoint étranger doit comme auparavant justifier d'une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue française (C. civ., art. 21-2 modifié).
L'opposition du gouvernement (art. 80)
La loi allonge le délai pendant lequel le gouvernement peut s'opposer par décret en Conseil d'Etat, pour indignité ou défaut d'assimilation, autre que linguistique, à l'acquisition de la nationalité française par le conjoint étranger. Ce délai passe de 1 à 2 ans à compter de la date de délivrance par le juge d'instance ou le consul du récépissé de déclaration de nationalité ou, si l'enregistrement de la déclaration a été refusé, à compter du jour où la décision du tribunal de grande instance admettant la régularité de l'enregistrement de cette déclaration est devenue définitive (C. civ., art. 21-4 modifié).
Deux situations sont désormais constitutives du défaut d'assimilation : la situation effective de polygamie du conjoint étranger ou la condamnation prononcée à son encontre pour avoir commis sur un mineur de 15 ans des violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente (C. civ., art. 21-4 modifié).
La naturalisation (art. 82 à 84)
Rappelons que la naturalisation est l'acquisition volontaire d'une nationalité. En France, elle est accordée par l'autorité administrative, par décret, d'une manière discrétionnaire, aux individus qui l'ont sollicitée et remplissant certaines conditions.
Ainsi l'étranger qui demande à être naturalisé doit justifier d'une période « de stage », c'est-à-dire d'une résidence habituelle en France pendant les 5 années qui précèdent le dépôt de la demande. Certaines dispenses de stages sont prévues. La loi les supprime pour trois catégories d'étrangers (C. civ., art. 21-19 modifié) :
l'enfant mineur resté étranger bien que l'un de ses parents ait acquis la nationalité française ; par conséquent la naturalisation peut être accordée à cet enfant s'il justifie avoir résidé en France avec ce parent durant les 5 années précédant le dépôt de la demande ;
le conjoint et l'enfant majeur d'une personne qui acquiert ou a acquis la nationalité française ; cette catégorie est supprimée dans la mesure où elle peut concerner des personnes qui n'ont pas de lien réel et effectif avec la France, faute d'y avoir séjourné. Le rapporteur au Sénat cite le conjoint étranger d'une personne ayant elle-même acquis la nationalité française par mariage, le conjoint d'un étranger acquérant la nationalité française postérieurement au mariage (Rap. Sén. n° 371, mars 2006, Buffet, page 206) ;
le ressortissant ou ancien ressortissant des territoires et Etats sur lesquels la France a exercé soit la souveraineté, soit un protectorat, un mandat ou une tutelle. « Les personnes acquérant la nationalité française par décret [...] ont, dans la majeure partie des cas, été élevées dans ces pays après leur indépendance, sans jamais avoir eu un lien direct avec la France. Il peut donc apparaître utile de fixer à leur égard une obligation de résidence sur le sol français d'au moins 5 ans » (Rap. Sén. n° 371, mars 2006, Buffet, page 206).
Le délai de réponse de l'autorité publique à une demande d'acquisition de la nationalité française par naturalisation est de 18 mois à compter de la remise à l'étranger du récépissé constatant le dépôt d'un dossier complet. La loi le réduit à 12 mois lorsque l'étranger en instance de naturalisation justifie avoir e n France sa résidence habituelle depuis une période d'au moins 10 ans au jour de cette remise. Ces délais peuvent être prolongés une fois, par décision motivée, pour une période de 3 mois (C. civ., art. 21-25-1 modifié). Rappelons que le non-respect de ces délais n'est pas sanctionné.
La cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française (art. 86 et 87)
La loi prévoit que, dans un délai de 6 mois à compter de l'acquisition de la nationalité française par déclaration, naturalisation ou réintégration, une cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française est organisée par le représentant de l'Etat dans le département ou, à Paris, le préfet de police, à l'intention des personnes résidant dans le département. Les députés et les sénateurs élus dans le département y sont invités. Les jeunes ayant acquis de plein droit la nationalité française à leur majorité ou entre 16 et 18 ans sont invités à cette cérémonie dans un délai de 6 mois à compter de la délivrance du certificat de nationalité française (C. civ., art. 21-28 nouveau).
Le représentant de l'Etat dans le département ou, à Paris, le préfet de police, communique au maire, en sa qualité d'officier d'état civil, l'identité et l'adresse des personnes résidant dans la commune et susceptibles de bénéficier de la cérémonie d'accueil. Lorsque le maire en fait la demande, le préfet peut l'autoriser à organiser la cérémonie (C. civ., art. 21-29).
La loi comporte un ensemble de dispositions visant à renforcer la lutte contre l'immigration clandestine en outre-mer.
En Guadeloupe et en Martinique, un observatoire de l'immigration sera chargé d'évaluer l'application de la politique de régulation des flux migratoires et les conditions d'immigration dans chacun de ces départements d'outre-mer. Un tel dispositif existe déjà en Guyane et à la Réunion.
Les mesures applicables en Guyane et dans la commune de Saint-Martin en matière d'éloignement des étrangers sont désormais applicables en Guadeloupe jusqu'au 25 juillet 2011. Pour mémoire, ce dispositif prévoit la possibilité d'une mise à exécution immédiate de l'arrêté de reconduite à la frontière et l'absence d'effet suspensif automatique du recours en annulation contre l'arrêté de reconduite à la frontière, l'étranger en faisant l'objet devant assortir sa requête d'une demande de suspension d'exécution.
Sont applicables sur tout le territoire français les mesures d'interdiction du territoire prononcées par toute juridiction siégeant à Mayotte, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, ainsi que les mesures de reconduite à la frontière et d'expulsion prononcées par le représentant de ces territoires. Seules les mesures prises en Nouvelle-Calédonie étaient auparavant visées.
Les dispositions relatives à la visite sommaire et à l'immobilisation pour contrôle des véhicules terrestres durant la recherche des infractions aux règles d'entrée et de séjour des étrangers sont étendues à de nouvelles zones de la Guyane, et jusqu'au 25 juillet 2011 à la Guadeloupe et Mayotte.
Le procureur de la République peut ordonner la destruction d'embarcations fluviales en Guyane et l'immobilisation de véhicules terrestres en Guyane, en Guadeloupe et à Mayotte, lorsque ces moyens de transport ont servi à commettre les infractions d'aide à l'entrée ou au séjour des étrangers en France.
Lorsque la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » est délivrée dans un département d'outre-mer, l'autorisation de travail qui l'accompagne est limitée au département dans lequel elle a été délivrée. Cette règle existe déjà pour les cartes de résident délivrées dans les DOM.
La loi autorise le relevé et la mémorisation des empreintes digitales et de la photographie des personnes dépourvues de titres lors du franchissement de la frontière à Mayotte.
La loi comporte également plusieurs mesures visant à limiter les reconnaissances de paternité de complaisance à Mayotte.
Jusqu'à présent, en cas de fermeture définitive d'un établissement ou service social ou médico-social, l'obligation de reverser les sommes versées à la structure par l'Etat, les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale ne s'appliquait que s'il était géré par une association privée. Cette obligation concerne désormais tous les établissements ou services gérés par une personne morale de droit public ou de droit privé. Celle-ci doit alors reverser à une collectivité publique ou à un établissement privé poursuivant un but similaire les sommes énumérées à l'article L. 313-19 et affectées à l'établissement ou au service fermé (certaines subventions d'investissement non amortissables, certaines réserves de trésorerie...).
(2) Exposé des motifs du projet de loi.
(3) Font partie de l'Espace économique européen tous les pays membres de l'Union eu-ropéenne plus l'Islande, le Liechtenstein et la Norvège.