La réforme de l'allocation d'insertion (AI) - rebaptisée allocation temporaire d'attente (ATA) -, prévue par la loi de finances pour 2006 (1), peut dorénavant entrer en vigueur. Les décrets d'application sont en effet parus. L'un d'eux lève les doutes qui s'étaient fait jour sur le champ d'application de l'ATA, qui a été modifié par rapport à celui de l'ancienne AI. Il apporte également des précisions notamment sur les conditions de ressources à remplir pour pouvoir prétendre à l'allocation. L'autre texte fixe le montant journalier de l'ATA à 10,04 € .
Les demandeurs d'asile figurent au premier rang des bénéficiaires de l'ATA visés par la loi. L'un des effets principaux de la réforme doit être le refus d'accorder ou le retrait de l'allocation à ceux qui refusent l'offre qui leur a été faite d'une prise en charge dans un centre d'accueil pour demandeurs d'asile. Le décret pose les bases de l'organisation devant permettre aux pouvoirs publics de bien cibler les personnes concernées : « l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations communique, chaque mois, aux institutions gestionnaires chargées du service de l'allocation la liste nominative des demandeurs d'asile pris en charge dans un centre d'accueil pour demandeurs d'asile ». Pour sa part, le préfet communique chaque mois à ces mêmes institutions les listes nominatives des demandeurs d'asile ayant refusé l'offre de prise en charge qu'il leur a faite. Enfin, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides communique chaque mois, toujours à ces institutions, les décisions devenues définitives relatives aux demandes d'asiles. Rappelons que pour ce public spécifique, la loi prévoit que le versement de l'aide est limité à la durée de la procédure d'examen de la demande d'asile.
Le législateur a également désigné comme titulaires potentiels de l'ATA les étrangers bénéficiaires de la protection subsidiaire et ceux auxquels une carte de séjour « vie privée et familiale » a été délivrée pour avoir dénoncé l'auteur de certaines infractions (2). Mais pour ces deux catégories de population, la loi est restée muette sur la question de la durée du versement de l'allocation. Le décret apporte les précisions attendues : ces personnes peuvent se voir accorder l'ATA pour une période de 12 mois au maximum.
Le texte éclaire par ailleurs d'un jour nouveau les « catégories de personnes en attente de réinsertion » également désignées par la loi comme bénéficiaires potentiels de l'allocation. Quelles personnes cette formulation vise-t-elle concrètement ? Comme le laissaient entendre les travaux parlementaires, il s'agit bien des anciens détenus dont la durée de détention n'a pas été inférieure à 12 mois et des travailleurs salariés expatriés non couverts par le régime d'assurance chômage en France qui, lors de leur retour, justifient d'une durée de travail de 182 jours au cours des 12 mois précédant la fin de leur contrat. Les apatrides font également partie des personnes concernées.
Alors que tous les bénéficiaires de l'ATA visés par la loi doivent remplir des conditions de ressources (voir ci-dessous), ces trois dernières catégories de personnes doivent, en plus, être inscrites comme demandeurs d'emploi. Elles peuvent se voir accorder l'ATA pour une période de 12 mois au maximum.
Précision importante : le droit à l'allocation temporaire d'attente ne peut être ouvert qu'une seule fois au titre de chacun des cas envisagés par la loi.
Toute personne réclamant, à quelque titre que ce soit, le bénéfice de l'ATA doit justifier de ressources mensuelles inférieures au montant du revenu minimum d'insertion. « Les ressources prises en considération pour l'application de ce plafond comprennent, hors l'allocation temporaire d'attente, celles de l'intéressé et, le cas échéant, de son conjoint, de son concubin, ou de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, telles qu'elles doivent être déclarées à l'administration fiscale pour le calcul de l'impôt sur le revenu avant déduction des divers abattements », précise le décret. Les ressources perçues hors du territoire national sont prises en compte comme si elles avaient été perçues sur ce territoire. En revanche, il n'est pas tenu compte des prestations familiales. Il en est de même pour les allocations d'assurance ou de solidarité, les rémunérations de stage ou les revenus d'activité perçus pendant la période de référence lorsqu'il est justifié que leur perception est interrompue de manière certaine à la date de la demande et que le bénéficiaire de ces ressources ne peut prétendre à un revenu de substitution. Si, précisément, le bénéficiaire peut prétendre à un revenu de substitution, un abattement de 30 % sera appliqué sur la moyenne des ressources auxquelles ce revenu se substitue. Autre précision : la pension alimentaire ou la prestation compensatoire fixée par une décision de justice devenue exécutoire est déduite des ressources de celui qui la verse.
Le montant pris en compte est le douzième du total des ressources perçues pendant les 12 mois précédant celui au cours duquel les ressources sont examinées. La condition relative aux ressources est appréciée le mois de la demande d'allocation, puis à échéance semestrielle.
Les nouvelles dispositions s'appliquent aux demandes d'allocation temporaire d'attente déposées à partir du 16 novembre ainsi qu'aux demandes d'allocation d'insertion qui n'ont pas fait l'objet d'une décision des organismes gestionnaires à cette même date. Quant aux personnes qui, toujours à cette même date, bénéficient de l'AI, elles continuent de percevoir cette allocation jusqu'à l'échéance d'une des deux périodes semestrielles prévues par l'ancien dispositif (3). Elles peuvent aussi, si elles le souhaitent, dans un délai de deux mois à partir du 16 novembre, déposer une demande d'allocation temporaire d'attente. Etant entendu que le bénéfice de ces allocations n'est pas cumulable.
Dernière précision : dans tous les cas où les personnes bénéficient de l'ATA pendant une durée de maximale de 12 mois, la période pendant laquelle elles ont perçu l'allocation d'insertion est imputée sur la durée de leurs droits à la nouvelle allocation.
(2) Traite des êtres humains, proxénétisme...
(3) Rappelons que l'AI est attribuée pour une période de un an par périodes de six mois, après examen de la situation des intéressés.