Si 5,5 à 6 millions de personnes sont éligibles à la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C), seulement un peu plus de 4,8 millions en bénéficiaient au 30 avril 2006. Ce phénomène de non-recours « n'est donc pas marginal », souligne une étude commandée par le Fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie (Fonds CMU) au laboratoire d'économie et de gestion des organisations de santé de l'université Paris-Dauphine (1).
Le document dresse le profil d'un échantillon d'environ 450 ménages éligibles au dispositif de la CMU-C en 2004. 57 % d'entre eux ont déclaré être couverts par une complémentaire privée, et seulement 29 % bénéficier de la CMU complémentaire (2). Le non-recours au dispositif concerne surtout les ménages dont le chef de famille est âgé de 65 ans ou plus (21 %) ou est un ouvrier (17 %). En revanche, « les ménages dirigés par un diplômé du supérieur ou par une personne peu ou non qualifiée ont recours à la CMU-C ». En outre, le non-recours est « nettement plus important » chez les couples sans enfants et chez les ménages plus « complexes » que parmi les familles monoparentales. D'une façon générale, la raison la plus souvent invoquée est le manque d'information sur les droits.
Le rapport s'est par ailleurs focalisé sur les titulaires du revenu minimum d'insertion (RMI), bénéficiaires de droit de la CMU-C. Il apparaît, selon des entretiens approfondis menés avec certains allocataires, que le non-recours à la CMU-C tient principalement au fait que « soit les individus ne connaissent absolument pas le dispositif, soit ils en ont éventuellement déjà entendu parler mais pensent qu'il s'agit d'un droit automatique », les exemptant de toute démarche. Globalement, il s'agit le plus souvent de personnes « masculines, isolées, sans enfant à charge et jeunes ».
Pourquoi alors ces publics, dont les ressources sont faibles, consacrent-ils une part importante de leur budget à l'acquisition d'une complémentaire privée ? Bon nombre d'entre eux, anciennement salariés et nouvellement bénéficiaires du RMI, sont encore couverts pour l'année en cours par leur mutuelle. Quant aux jeunes diplômés, ils bénéficient d'une prolongation de leur couverture par leur mutuelle étudiante ou par la complémentaire de leurs parents. D'autres encore estiment que la « CMU-C est «moins bien» qu'une mutuelle privée, qu'elle les rembourserait moins et préfèrent donc conserver leur mutuelle payante ». Ou pointent l'effet stigmatisant du dispositif, qui engendre parfois chez eux un « sentiment profond de gêne, lequel peut également être lié à l'attitude de certains professionnels de santé et, en particulier, aux refus de soins des médecins » (3).
Un constat que partage le rapport remis au Fonds CMU par l'Observatoire des non-recours aux droits et services et portant sur les personnes titulaires du RMI (4). A titre d'exemple, au 31 janvier 2006, sur un échantillon de près de 1 100 bénéficiaires du RMI, le taux de non-recours à une complémentaire santé a atteint 61 %. Seuls 14 % d'entre eux ont choisi la CMU-C, 25 % des personnes ayant souscrit une mutuelle privée. 44 % des assurés qui connaissent l'existence de la CMU-C et la possibilité d'en profiter ont été informés par leur référent social au cours de l'instruction de leur demande de RMI. Toutefois, souligne l'observatoire, même si la majorité connaissent le dispositif, « cela n'induit pas qu'ils ont compris [son] fonctionnement, ni les démarches à mettre en oeuvre pour en bénéficier ».
(1) « Comprendre les causes du non-recours à la CMU-C » - LEGOS pour le Fonds CMU - Septembre 2006 - Disponible sur
(2) Les 14 % restants ne déclarent aucune complémentaire.
(3) Voir notamment ASH n° 2454 du 5-05-06, p. 7 et n° 2462 du 30-06-06, p. 33 - Voir également la délibération de la HALDE, ce numéro, p. 11.
(4) « Le non-recours à la couverture maladie universelle complémentaire de allocataires du RMI : mesure et analyse » - Odenore - Septembre 2006 - Disponible sur