« La période d'élections multiples qui s'ouvre devant nous va cristalliser aussi bien les aspirations à un «mieux vivre ensemble» que les vieux démons démagogiques de la peur de l'autre, du repli identitaire et du simplisme sécuritaire. Sans trop d'illusions, nous pourrons attendre de ce temps fort démocratique les débats d'idées propres à éclairer les enjeux sociaux actuels ainsi que l'orientation des politiques publiques à venir. Dans un tel contexte, réfléchir à la place et au rôle de nos associations d'action sociale au sein d'une société en mouvement est une nécessité vitale : en quête d'une légitimité réaffirmée d'acteur des politiques sociales, le secteur associatif doit se positionner. Etre acteur lui impose une clarification de son identité comme de ses intentions.
Une association dite «d'action sociale» est avant tout une association, c'est-à-dire le regroupement de plusieurs personnes qui, à titre bénévole, décident d'adhérer à un projet commun, le projet associatif. Elles unissent leurs efforts et leurs compétences dans la réalisation des buts communs que représente «l'objet» associatif. Partie prenante du «fait associatif», cette démarche est au coeur de l'exercice citoyen et de la vie démocratique ; elle permet une expression concrète de la société civile et peut utilement contribuer à la mise en débat public des analyses et des attentes des personnes associées. Les associations du champ social, plus que les autres, ont à revendiquer cet aspect de leur identité : l'exercice citoyen, l'apport démocratique et la contribution au débat public sont au centre de leurs actions et donnent sens à leurs missions.
Une association d'action sociale se caractérise également par le choix professionnel et technique des missions qu'elle accepte ou demande de remplir en délégation de la puissance publique. Gestionnaires d'établissements ou de services, responsables d'interventions dans le champ du social et du médico-social, nos associations engagent leur responsabilité pleine et entière dans l'équilibre des financements comme dans la qualité des services rendus aux usagers. Elles assument également leur statut d'employeur dans les conditions de travail faites aux salariés, sans disposer toujours des moyens de manoeuvre propres à cette fonction.
Pour autant, ces missions sont assurées. Que ce soit dans le champ du handicap, de la dépendance, de la protection ou de l'insertion, elles contribuent à chaque fois à une amélioration du «faire société ensemble», à une réponse aux besoins sociaux non remplis et à l'accompagnement des personnes vers plus d'autonomie : en un mot, ces missions participent bel et bien à un projet de société respectueux de l'autre.
Cette double identité des associations d'action sociale les prédispose à un rôle politique fondateur : éclairer les décideurs politiques en mobilisant leurs capacités d'analyse sur les enjeux sociaux dans une démarche interactive entre élus et bénéficiaires de l'intervention sociale. Il s'agit de refonder la mission d'intérêt général du secteur associatif à partir de la contribution à un débat public argumenté.
Depuis l'après-guerre, les associations oeuvrant dans le social et le médico-social ont su repérer les manquements de la société dans sa responsabilité de solidarité auprès des personnes les plus démunies. Pendant des décennies, leur capacité d'expertise et d'action dans ces domaines a été largement reconnue. Dans une économie à forte croissance, la légitimité technique du secteur associatif à développer l'offre de service social à partir de ses propres analyses n'était pas réinterrogée. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas : le manque de croissance impose des arbitrages de plus en plus serrés dans les moyens mis à disposition par les collectivités publiques au titre de la solidarité. Les choix sont éminemment politiques et c'est sur ce terrain que la raison d'être des associations d'action sociale va se jouer !
Face à ce défi, elles ne sont pas démunies :
l'articulation de plus en plus étroite entre leurs composantes bénévoles et professionnelles est aujourd'hui entièrement repensée et mise à plat : rôle du conseil d'administration, du bureau, du conseil de direction, synergie entre le président et le directeur général, etc. ;
le référentiel projet permettant une meilleure lisibilité de l'identité de l'association par le croisement du projet associatif et des projets d'établissements devient peu à peu la norme institutionnelle ;
le travail d'analyse des besoins et des orientations par champ d'intervention et non plus par établissement ou service se développe de plus en plus ;
la prise en compte d'une nécessaire communication interne et externe des associations sur les actions menées ainsi que sur les besoins sociaux repérés devient une réalité avec des conséquences sur l'usage des médias et l'organisation de lobbyings plus efficaces au plan national comme au plan local ;
enfin, nombre d'associations estiment de leur responsabilité d'élaborer et de diffuser des prises de position aussi bien du registre politique que technique.
Autant d'éléments qui, si l'on y regarde de près, contribuent aujourd'hui à la construction d'une culture commune pour les associations d'action sociale. Cette évolution du secteur associatif peut lui donner les moyens de reconquérir une légitimité mise à mal : il faut l'encourager ! »