Le champ de l'action sociale, qui emprunte à de nombreuses disciplines, ne se laisse pas définir facilement et les mots manquent souvent aux acteurs pour en parler avec précision. L'objectif est donc d'établir un corpus de mots commun à l'ensemble du secteur et de constituer un savoir, même si nous ne prétendons pas détenir la vérité. Plus de dix années sont passées depuis la première édition de ce dictionnaire et il était urgent de l'actualiser afin de tenir compte des nombreuses modifications réglementaires et de l'évolution du débat public sur la question sociale. C'est ainsi que 88 mots sont entièrement nouveaux et que 43 ont été abandonnés. Soit parce qu'ils recouvrent des notions générales et qu'on pourra retrouver leur définition dans des ouvrages généraux, comme « enfant » ou « éducation » ; soit parce qu'ils sont spécifiques à une discipline particulière comme la psychologie (« culpabilité », « déchéance »...) ou la sociologie (« rumeur », « bouc émissaire ») ; soit parce que nous avons considéré qu'ils relevaient plus de guides techniques comme la locution de « rationalisation des coûts budgétaires ».
Alors que, dans la première édition, la coordination était assurée par quatre personnes, nous avons voulu nous doter, cette fois-ci, d'un conseil scientifique. Celui-ci a cherché à « institutionnaliser » le dictionnaire, qui devrait être mis à jour tous les cinq ans. Issus des domaines de la pratique, de la formation, de l'administration sociale, de l'enseignement et de la recherche, ses onze membres, auteurs eux-mêmes, ont été déterminants dans le choix définitif des notices, d'autant que leur nombre était limté par l'éditeur.
Nous avons tenu compte des changements intervenus avec les nouvelles lois sur les usagers en revisitant complètement la notion de « citoyenneté » et en introduisant les notions d'« usager », de « participation » et de « situation sociale ». Nous avons pris en compte les évolutions de la société, par exemple celles sur la famille, en développant les concepts de « parentalité », d'« homoparentalité » ou de « médiation familiale ». De même, la question du travail est explorée sous l'angle de « l'employabilité » et du « sous-emploi ». Le dictionnaire s'ouvre également aux aspects juridiques en accueillant les termes d'« accès aux droits », d'« opposabilité », de « risque/ principe de précaution »... Enfin, les notions d'« éthique » et de « valeurs » sont très largement développées, de même que celle de « fraternité » que nous avons voulu réhabiliter en montrant qu'il s'agissait d'une valeur républicaine sans visée moralisante que les professionnels se devaient de connaître.
Chaque auteur est responsable des notices qu'il a rédigées et qu'il signe. Si bien qu'effectivement on peut constater des nuances, des orientations et des sensibilités différentes qui ne sont que le reflet des tensions et des incertitudes qui traversent le champ social. Mais les prises de position défendues par certains contributeurs doivent permettre justement de susciter le débat. Sachant que ceux-ci avaient néanmoins une feuille de route pour aborder chaque concept de manière à éclairer ses conditions de validité et d'usage : en exposer le sens étymologique et l'historique, voire son évolution, repérer les effets sur les pratiques et l'action sociale, analyser ses enjeux sociaux.
On se rend compte que les choses bougent à une vitesse folle et qu'il n'y a plus de stabilité dans l'action sociale. D'où l'intérêt de ce dictionnaire - et de sa réactualisation régulière - pour comprendre les enjeux de ces transformations et redonner du sens aux pratiques.
(1) Editions Bayard - 34 € .
(2) Respectivement professeure titulaire de la chaire en travail social du Conservatoire national des arts et métiers et directeur du Cédias-Musée social.