Les inspections générales de l'Education nationale et de l'administration de l'Education nationale ont remis le mois dernier à Gilles de Robien un rapport sur « la contribution de l'éducation prioritaire à l'égalité des chances des élèves » (1). Elles y dressent un bilan mitigé de la politique d'éducation prioritaire conduite en France depuis 1982 et formule une série de propositions pour poursuivre la réforme engagée. Ce qui, en soit, n'a rien de surprenant. En effet, la première note d'étape remise au ministre par ces administrations en décembre dernier a « largement inspiré » la relance du dispositif par le ministre (2).
Cibler l'éducation prioritaire sur des territoires limités paraît indispensable aux yeux des inspecteurs. Evoquant la réforme mise en oeuvre par le gouvernement, les auteurs du rapport proposent ainsi de poursuivre le travail de redéfinition de la carte des zones d'éducation prioritaire (ZEP). « Si l'on conserve l'idée de zones dans lesquelles l'environnement empêcherait les acquisitions scolaires, de territoires polarisés qui cumulent des difficultés sociales et locales - c'est l'idée des réseaux ambition-réussite, dits EP1 -, il convient au plan national de continuer le travail de définition en amont des critères de ces territoires prioritaires », estiment-ils. Ces critères « devraient être uniquement économiques et sociaux, en cohérence avec les travaux actuels de la géographie prioritaire des contrats urbains de cohésion sociale, et en n'hésitant pas à rendre plus pertinents nos indicateurs de publics les plus défavorisés » : facteurs économiques (taux de chômage), culturels (ségrégation ethniques, handicaps de langage) et sociaux (logement, grande pauvreté), niveaux de violence... Simultanément, toutes les autres étiquettes (« sensibles », « violence »...) pourraient être supprimées. Les autres établissements ou zones (EP2 et EP3) deviendraient, quant à eux, des établissements à fort taux de publics dits « prioritaires » qui, sans avoir d'étiquette « éducation prioritaire », disposeraient de moyens supérieurs mais non spécifiques. « Ainsi, les territoires prioritaires pourraient bénéficier d'une politique d'éducation prioritaire particulière et spécifique, tandis que les publics prioritaires continueraient à bénéficier de moyens pédagogiques, de partenariats (programmes de réussite éducative, contrat de réussite scolaire) et de ressources humaines privilégiés mais de «droit commun». »
Les inspecteurs envisagent par ailleurs la possibilité d'aller, dans les territoires prioritaires, jusqu'à désaffecter et fermer un établissement scolaire de ZEP « lorsque tout a été fait et que, manifestement, il n'est plus possible de réussir ». Cinq critères cumulatifs pourraient conditionner cette suppression. Il devrait ainsi s'agir d'un établissement scolaire relevant d'un réseau ambition-réussite (3), situé à l'intérieur d'un territoire classé, au titre de la politique de la ville, en zone urbaine sensible, zone de redynamisation urbaine ou zone franche urbaine. Il faudrait également qu'aucune mixité sociale n'y existe, que ses résultats scolaires soient, durablement, extrêmement faibles et qu'il n'y ait pas de perspective raisonnable d'amélioration de la situation en raison de l'évolution de l'urbanisme, de l'économie et de la structure de la population.
Autre proposition de réforme : « développer le choix et donc la responsabilité des familles en ouvrant des perspectives d'assouplissement de la sectorisation en EP1 ». Les inspecteurs soulignent que la faculté de décision des familles quant à la scolarisation de leurs enfants est beaucoup moins importante dans les zones d'EP1. « La mobilité des familles est réduite, la dépendance vis-à-vis du système scolaire y est très forte, et le sentiment de résignation devant les contraintes est prégnant. » Plusieurs solutions pourraient être mises en oeuvre : « désectoriser l'affectation des élèves du primaire et des collèges ; développer les offres alternatives publiques ; privilégier, pour l'attribution ou l'extension de contrats à l'enseignement privé, les demandes correspondant à des implantations dans les territoires de l'EP1 ».
(1) La contribution de l'éducation prioritaire à l'égalité des chances des élèves - Inspection générale de l'Education nationale et inspection générale de l'administration de l'Education nationale et de la recherche - Rapport n° 2006-076 - Octobre 2006 - Disp. sur
(3) Ou, cas exceptionnel, d'un lycée d'enseignement général et technique ou lycée professionnel connaissant le même type de difficultés.