« Les inégalités de niveaux de vie évoluent peu, avec néanmoins une légère inflexion à la baisse », juge l'INSEE en observant la période 1996-2004 dans son « portrait social » de la France 2006 (1). Les évolutions sont cependant un peu plus marquées aux deux extrémités de l'échelle des revenus et la pauvreté monétaire continue de diminuer légèrement (2). Si l'on retient les standards européens et en fixant le seuil de pauvreté à 60 % du revenu médian, le taux de pauvreté passe de 13,5 % en 1996 à 12,2 % en 2002 et à 11,7 % en 2004. Ce qui représente 6,9 millions de pauvres pour cette dernière année connue. Si l'on retient le seuil de 50 % du revenu médian, l'évolution récente est moins favorable, puisque l'on passe de 7,2 % en 1996 à 6,0 % en 2002, 6,3 % en 2003 et 6,2 % en 2004. Soit 3,6 millions de personnes cette dernière année.
Pour 2005, l'INSEE parle d'une « année en demi-teinte », au cours de laquelle l'embellie de l'emploi se conjugue avec un ralentissement de la progression du pouvoir d'achat (+ 1,1 % en moyenne), sans que l'on connaisse encore quelle a été l'évolution des revenus des plus pauvres.
Pour eux, on le sait, les transferts sociaux jouent un grand rôle. Alors que le jeu des prélèvements et des prestations réduit de 12 % le niveau de vie des 20 % les plus aisés, il augmente de 57 % celui des 20 % les plus modestes. Au milieu de l'échelle, l'incidence des transferts est faible. Quelle est la part de chaque mesure dans ces résultats ? Les prélèvements contribuent pour 42 % à la réduction des inégalités, l'impôt sur le revenu ayant le plus fort impact : 29 % à lui seul. Mais ce sont les prestations qui jouent le plus grand rôle redistributif (58 %). Parmi elles, les prestations familiales attribuées sans condition de ressources pèsent pour 19 %, celles sous conditions représentent près de 10 % et les aides au logement 16 %. Quant aux minima sociaux, ils contribuent pour près de 14 % à la réduction des inégalités.
Reste que l'examen des ressources purement monétaires - outre qu'il est difficile et imparfait - ne rend compte que d'une partie des réalités. Dans une enquête réalisée en janvier 2006, l'institut a essayé de définir la pauvreté à partir des conditions de vie, et plus précisément des privations subies, suivant en cela une expérience britannique. La méthode se fonde sur le jugement public en posant la question suivante : « Si une personne doit, par manque d'argent, se priver de [...], diriez-vous que cette situation est inacceptable et qu'il faut aider cette personne ? » 90 % des Français trouvent inacceptable de ne pouvoir acheter à ses enfants des vêtements et des chaussures à leur taille (c'est le plus fort taux), 84 % de ne pouvoir se payer de prothèse dentaire et 78 % de ne pouvoir souscrire à une complémentaire santé, 63 % de ne pouvoir manger des fruits et légumes frais plusieurs fois par semaine, 48 % de ne pouvoir recevoir à déjeuner ou à dîner sa famille ou des amis, 30 % de ne pouvoir se payer le coiffeur deux fois par an, 8 % de ne pouvoir acheter un ordinateur et 4 % son paquet quotidien de cigarettes...
« Dans l'ensemble, le consensus ne se réalise qu'autour d'une conception très stricte de la pauvreté, conclut Christine Chambaz, chef de la division « études sociales » de l'INSEE. Ne sont retenues que les privations qui affectent les besoins vitaux : se vêtir, se nourrir, se loger, se soigner. Les restrictions relatives aux divertissements et à la convivialité ne sont pas considérées comme inacceptables, de même que celles qui touchent à des biens ou services durables récents. Quand les privations affectent les enfants, elles sont davantage citées, mais l'écart reste très mesuré, contrairement à ce qu'on observe en Grande-Bretagne. » Autant de résultats qui vont être examinés de près par le groupe de travail « niveaux de vie et inégalités sociales » du Conseil national de l'information statistique, dont l'objectif est d'améliorer le système de suivi des inégalités et de la pauvreté.
(1) France, portrait social , édition 2006 - INSEE références - 15 € - Commandes possibles sur
(2) Les calculs de l'INSEE, basés sur les déclarations fiscales, n'incluent pas une grande partie des revenus du patrimoine, ce qui ne permet pas de rendre compte sérieusement des inégalités de revenus, estime l'Observatoire des inégalités.