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Services à la personne : « des régulations territoriales seront nécessaires »

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La dynamique nationale créée par le plan de développement des services à la personne se heurte, au plan local, à certains obstacles. Jean-Luc Charlot, animateur du réseau « moderniser sans exclure » au sein de l'association Développement et emploi les détaille : connaissances statistiques lacunaires, absence de démarche d'accompagnement des nouveaux offreurs de services et difficulté des salariés à jongler avec des employeurs multiples.

« Une récente étude visant à éclairer le comité de suivi du plan de cohésion sociale sur les conditions de professionnalisation du secteur des services à la personne (1) permet de saisir localement les premiers effets du plan présenté le 16 février 2005 par Jean-Louis Borloo (2).

Premier constat, la célérité avec laquelle l'ensemble des dispositions prévues afin d'accélérer le développement des services à la personne s'est mis en place. Moins de six mois après le vote de la loi, le volet législatif et réglementaire ainsi que les principaux dispositifs d'animation et de coordination de ce plan, pilotés par l'Agence nationale des services à la personne, sont en ordre de marche, ce qui constitue indéniablement un cadre structurant, disponible et effectivement susceptible d'inciter à la professionnalisation du secteur.

Second enseignement, qui, en soi, ne constitue pas une réelle découverte : un certain nombre d'obstacles et de difficultés surgissent dans le contexte toujours singulier de la mise en oeuvre locale du plan. Il faut les comprendre si l'on veut les dépasser. Ainsi, dans le département où a été réalisée l'étude, peut-on relever au moins trois situations problématiques, dont la résolution à court terme conditionne la réalisation des objectifs affichés par ce plan : l'accroissement de la demande et la stimulation de l'offre de services ; la simplification de l'accès aux nouveaux services ; l'amélioration et la valorisation des conditions de travail des salariés.

Au premier rang de ces obstacles figure l'absence de production en continu des connaissances statistiques qui permettraient de suivre et d'évaluer, d'une part, le développement de la demande de services (et particulièrement l'évolution de sa répartition entre emploi direct, emploi associatif et emploi d'entreprise) et, d'autre part, l'évolution de la qualité et du volume horaire des emplois, ainsi que des garanties sociales qui leur sont associées. Ces données, qui faciliteraient un pilotage local du plan, demeurent actuellement fragmentées et non consolidées. Pour être tout à fait clair, dans le département étudié, en l'état actuel des données disponibles et de leur éparpillement, les différents services concernés ne peuvent que formuler des hypothèses sur l'augmentation du volume d'activité ! De la même manière, apprécier les effets du plan sur l'amélioration et la valorisation des conditions de travail des salariés est une tâche presque impossible du fait de l'information incertaine et toujours limitée actuellement accessible sur ce sujet.

Agrément sans filet ?

Autre difficulté, la mise en oeuvre de la procédure d'agrément simplifiée des structures, particulièrement en ce qui concerne l'agrément qualité. Les services concernés (directions départementales de l'emploi et de la formation professionnelle et conseils généraux) doivent désormais délivrer cet agrément à de nouveaux opérateurs, dont la particularité, pour la majorité d'entre eux, est de ne pas posséder d'expérience antérieure auprès des «publics fragiles». Ces services ont donc à se prononcer au vu d'une déclaration d'intention de moyens, sans pouvoir apprécier les compétences d'animation, d'organisation et de direction nécessaires pour rendre ces moyens effectifs. Ces nouveaux opérateurs sont-ils en mesure de proposer, de réaliser et d'évaluer une prestation de qualité, répondant à un cahier des charges qui dresse les contours d'une activité s'apparentant fortement à une intervention sociale ? Telle est la question posée aux services instructeurs. Il ne s'agit pas de suspecter a priori ces nouveaux offreurs de services. L'inquiétude porte sur les moyens dont vont pouvoir se doter les services de l'Etat et des conseils généraux une fois l'agrément obtenu afin de suivre, d'accompagner et d'évaluer ces nouvelles structures, particulièrement dans les premiers mois de leur activité. Cet accompagnement permettrait d'éviter de probables dysfonctionnements, dont la publicité ne pourra que nuire à la nécessaire confiance des usagers et clients envers ces services, condition de leur développement.

La troisième difficulté, enfin, réside dans le fait qu'un certain nombre de salariés du secteur sont contraints de multiplier les employeurs et articulent des situations d'emploi direct avec un emploi via le mandataire par exemple. Ce qui induit des situations complexes où les droits, les statuts et les conditions de travail peuvent varier malgré une activité comparable. Même si la dynamique enclenchée par le plan de développement des services à la personne n'est pas à l'origine de cette réalité - l'obligation des salariés à domicile liés à plusieurs employeurs de combiner des temps de travail fractionnés et de gérer seuls cette flexibilité a été constatée depuis longtemps -, elle risque cependant de l'accentuer. A la fois parce que les nouveaux offreurs se créent le plus souvent sur une base de mono-activité, qui, du fait de contraintes temporelles, induit quasi inévitablement un temps partiel pour les salariés, que ces derniers vont tenter de compléter sous d'autres statuts, et parce que les offreurs de services déjà en place avant le plan de développement (et l'on pense ici principalement à ceux du secteur associatif) se «crispent» en redoutant une concurrence sur les prix du fait de l'arrivée des nouvelles structures et semblent freiner par exemple la formation de leurs salariés afin de contenir la masse salariale. Autant d'éléments qui incitent à la création d'un cadre de gestion locale et collective de ces activités.

Autrement dit, la réussite de ce plan orientée vers le développement d'une offre de services et d'emplois de qualité nécessite d'articuler cette dynamique nationale à des instruments de régulation territoriale : construction, à partir des différentes sources existantes, d'outils de suivi de l'activité, des emplois créés et de leur qualité ; proposition de démarches d'appui et d'accompagnement des nouveaux offreurs de services ; construction locale d'outils de gestion collective des situations multi-employeurs... De tels instruments, qui apparaissent plus que nécessaires, demeurent, pour la plupart, sinon à inventer, tout au moins à mettre en oeuvre. »

Notes

(1) Intitulé « Le plan de développement des services à la personne et la construction territoriale de la professionnalisation de ce secteur », ce rapport réalisé par l'association Dévelop-pement et emploi et non rendu public a été déposé en septembre dernier auprès du comité de suivi du plan de cohésion sociale. Développement et emploi vise à nourrir le débat de société sur l'emploi et les conditions du développement économique - Site Internet : www.developpementetemploi.com.

(2) Voir ASH n° 2396 du 25-02-05, p. 19.

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