Longtemps, les personnes handicapées psychiques ont été « les oubliées de l'asile ». A partir des années 90, des outils ont été mis en place pour améliorer leur qualité de vie : l'ordonnance du 24 avril 1996 dont l'article 51 a permis aux établissements publics de santé de gérer des structures médico-sociales ; la loi du 2 janvier 2002 qui insiste sur les notions de projet et de recommandations de bonnes pratiques ; la loi « handicap » du 11 février 2005 enfin, qui reconnaît la notion de « handicap psychique ». Nous souhaitons aujourd'hui établir un bilan d'étape : comment les acteurs se sont-ils saisis de ces instruments pour créer des lieux - à la fois de vie et de soins - hébergeant des personnes handicapées psychiques sorties de l'hôpital psychiatrique ? Leur qualité de vie en est-elle améliorée ?
En collaboration avec la Fondation John-Bost, le centre hospitalier spécialisé (CHS) Paul-Guiraud à Villejuif (Val-de-Marne) et la DREES, nous avons adressé en juin dernier un questionnaire à l'ensemble des institutions accueillant et soignant des personnes handicapées psychiques (CHS, centres hospitaliers avec secteur, structures sociales et médico-sociales avec hébergement). Ses résultats, qui devraient donner lieu à une publication ultérieure, vont nous permettre de faire des préconisations afin d'améliorer la prise en charge.
Ce questionnaire nous donne, pour la première fois, une photographie des structures sociales et médico-sociales qui accueillent des personnes handicapées psychiques. Nous en avons recensé 204 et 66 en projet, les plus anciennes remontant aux années 70. Il y a donc bien un mouvement positif, surtout depuis les années 90, de création de structures spécifiques pour ce type de public. Sachant que celles-ci sont assez hétérogènes avec un nombre de places qui va de 3 à 238. 50 % comptent entre 25 et 50 places.
Ce qu'il y a d'intéressant, c'est de constater que, dans 63 % des cas, il s'agit d'une démarche de projet d'établissement menée en interne. 13 % seulement répondent à une sollicitation des autorités de tutelle. Reste qu'à 72 %, le projet est porté par des établissements sanitaires confrontés à l'absence de solution pour leurs « patients stabilisés » ou à l'insuffisance de places adaptées. Avec le risque de donner une connotation sanitaire à des structures qui doivent à la fois soigner et apporter une réelle qualité de vie.
68 % des structures ont engagé une réflexion et/ou une action sur la qualité : évaluation des projets, établissement de charte et référentiels qualité, enquêtes de satisfaction, etc. Ce qui est encourageant. Néanmoins, elles ne sont que 36 % à avoir formalisé une relation avec « l'environnement social » : les mairies, les associations de familles ou autres, les institutions de proximité ou autres établissements... Ces structures fonctionnent encore de façon trop isolée.
Dans 21 % des cas, le projet répond à la recherche d'une solution pour faire face au vieillissement des personnes handicapées psychiques, qui ne peuvent, du fait de leurs troubles du comportement, être accueillies en maison de retraite. Face à ce problème qui ira en s'aggravant, il nous semble nécessaire de faire une étude des besoins à cinq ans. Une autre difficulté, hélas bien connue, concerne l'insuffisance des liens existant entre les personnels médico-sociaux et les services de soins psychiatriques afin que les résidents reçoivent des soins adaptés. Une absence de coordination et d'échange d'informations qui peut même générer des conflits dans les procédures d'admission et le suivi des ex-patients. C'est pour cela qu'au sein de la mission nationale d'appui en santé mentale, nous défendons l'idée de créer des équipes de liaison psychiatrique travaillant avec les structures médico-sociales. Enfin, il faut déplorer la faiblesse des ratios de personnels souvent inférieurs à un salarié pour un usager, malgré la dépendance très forte de ces publics.
(1) Lors d'un colloque intitulé « Psychiatrie et handicap » organisé à Bergerac (Dordogne) avec la Fondation John-Bost.
(2) Instance d'aide à la planification en santé mentale - MNASM : 5, avenue d'Italie - 75013 Paris - Tél. 01 53 94 56 90.