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Détenus dangereux : des propositions pour éviter les « sorties sèches » et améliorer les outils de repérage

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Chargé d'approfondir certaines des propositions du rapport Burgelin (1), Jean-Paul Garraud, député (UMP) de la Gironde, a remis, le 18 octobre, au Premier ministre, son rapport sur l'« évaluation de la dangerosité des auteurs d'infractions pénales atteints de troubles mentaux » (2). Il y émet des recommandations notamment pour éviter les « sorties sèches » des détenus dangereux et améliorer les outils de repérage des personnes présentant un risque de dangerosité. Dans la foulée, Dominique de Villepin a demandé aux ministres de la Justice et de la Santé d'« étudier la possibilité de mettre en oeuvre les préconisations pouvant l'être rapidement dans le respect de la Convention européenne des droits de l'Homme ».

De nouveaux outils pour accompagner la sortie

Considérant que le champ d'application de la surveillance judiciaire est limité, dans son principe, aux infractions pour lesquelles le suivi socio-judiciaire est encouru et à une durée correspondant à celle des réductions de peine, le député de la Gironde recommande la création d'une mesure de « suivi de protection sociale », reprenant ainsi, en la complétant, l'une des propositions du rapport Burgelin. Une telle mesure, explique l'auteur, serait fondée sur la seule dangerosité de l'individu et non sur sa culpabilité, et devrait apparaître comme une mesure de sûreté extérieure au champ pénal. Elle viserait ainsi les « auteurs d'infractions ayant purgé une peine privative de liberté, n'ayant pas été condamnés à une peine de suivi socio-judiciaire et n'ayant bénéficié ni d'une libération conditionnelle, ni d'une mesure de «surveillance judiciaire» et présentant une dangerosité criminologique » (3). « Plusieurs mois » avant la fin de l'exécution de la peine privative de liberté, le juge de l'application des peines ou le procureur de la République pourrait initier la procédure, en saisissant la commission pluridisciplinaire d'évaluation de la dangerosité - dont la création est suggérée dans le rapport - en vue d'une expertise sur la dangerosité de la personne. Ordonnée par le juge des libertés et de la détention (JLD), la mesure serait prononcée à l'issue d'un débat contradictoire et public, réunissant l'intéressé, un avocat - dont la présence serait obligatoire - et le ministère public. Elle serait alors d'une durée « illimitée » - considérant la nature imprévisible de l'évolution de la dangerosité de la personne - et pourrait faire l'objet d'un « réexamen tous les deux ans », l'intéressé disposant de la possibilité de saisir le JLD aux fins de mainlevée de la mesure au bout de un an. Dans ce cadre, celui-ci pourrait, par exemple, soumettre la personne à une obligation de soins ou de pointer de manière régulière auprès d'un service de police ou de gendarmerie, ou encore à une interdiction de fréquenter certains lieux, de rencontrer certaines personnes, de détenir ou de porter une arme. Tout cela, sous le contrôle des forces de police et, en cas d'obligation de soins, des directions départementales des affaires sanitaires et sociales, les préfectures ayant vocation à coordonner l'action entre ces différents services. L'inexécution de l'une des obligations ou la méconnaissance de l'une des interdictions serait constitutive d'une nouvelle infraction.

Par ailleurs, Jean-Paul Garraud estime que l'instauration de centres fermés de protection sociale, également préconisée par le rapport Burgelin, pourrait - parallèlement aux dispositifs d'application des peines déjà existants - être un « outil complémentaire » de prévention à la dangerosité criminologique et de la récidive. Tout comme celle de « suivi de protection sociale », cette mesure de sûreté à durée illimitée et exécutée en milieu fermé tendrait à prévenir les « sorties sèches » des détenus présentant une dangerosité criminologique persistante et parmi eux, les plus dangereux ne bénéficiant d'aucune mesure de suivi en milieu ouvert. Toutefois, souligne le député, dans sa rédaction actuelle, cette disposition se heurte à l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'Homme relatif au droit à la liberté et à la sûreté, aussi bien au niveau de sa portée que de sa durée. Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme, pour pouvoir être envisageable, le prononcé de la mesure de sûreté en milieu fermé devrait répondre à plusieurs exigences : « être fondé sur la seule dangerosité de la personne », « être la conséquence d'une décision de condamnation prononcée par un tribunal compétent » et « donner lieu à une révision régulière par le juge judiciaire ».

Faciliter le repérage des individus dangereux

Le rapport prône le « maintien [de] la mention des condamnations au bulletin n° 1 du casier judiciaire des individus dont la dangerosité criminologique est avérée ». Et propose de fixer la périodicité de l'obligation de justifier de son adresse à un mois pour les individus inscrits au fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles (4), contre une fois par an actuellement.

Dans le même esprit, le député de la Gironde suggère la création d'un répertoire de données à caractère personnel collectées dans le cadre des procédures judiciaires, placé sous l'autorité du ministre de la Justice et d'un magistrat. Il pourrait notamment rassembler l'ensemble des expertises judiciaires, psychiatriques et psychologiques, les comptes rendus des examens médicaux effectués en garde à vue lorsqu'ils mentionnent l'existence d'une forme de dangerosité, ainsi que les documents administratifs relatifs aux hospitalisations d'office intervenues à la suite d'une décision fondée sur l'irresponsabilité pénale de la personne mise en cause. Et ce, « sans qu'il y ait lieu de distinguer selon la nature ou la gravité de l'infraction, l'âge de l'auteur ou encore son éventuel statut de récidiviste », précise le rapport. Objectif : éclairer et faciliter le travail des magistrats et des experts dans l'évaluation de la dangerosité d'un individu, en mettant à leur disposition des données relatives au passé et aux antécédents de la personne.

Notes

(1) Voir ASH n° 2415 du 8-07-05, p. 17.

(2) Disponible sur www.ladocumentationfrancaise.fr.

(3) Jean-Paul Garraud rappelle que la notion de « dangerosité » est complexe et comporte deux acceptions : criminologique et psychiatrique, donnant lieu à diverses interprétations. Aussi préconise-t-il de rechercher une définition plus objective de la dangerosité, tout en distinguant la dangerosité criminologique et psychiatrique.

(4) Rappelons que ce fichier a pour but de prévenir la récidive des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes déjà condamnés, de faciliter leur identification et de les localiser.

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