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Un service relais pour prendre son indépendance

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Comment, après des années d'hospitalisation, de rééducation ou de soins attentionnés de sa famille, découvrir ou réapprendre l'autonomie ? C'est à partir de ce questionnement que s'est créé, à l'initiative de la Fondation santé des étudiants de France, le service d'accompagnement et de soutien de Rennes-Baulieu, qui accueille chaque année 17 handicapés physiques âgés de 18 à 30 ans.

Un sas, une étape entre la rééducation fonctionnelle et l'autonomie... Le sigle de son nom est la meilleure définition du service d'accompagnement et de soutien (SAS) (1), une structure originale créée à Rennes (Ille-et-Vilaine) en 1992 pour permettre à de jeunes handicapés moteurs de tester leur projet de vie autonome.

Tout est parti du centre médical et pédagogique de Rennes-Baulieu, un des douze établissements gérés par la Fondation santé des étudiants de France (FSEF), dont le projet vise à permettre d'allier les soins et les études.

Installé sur le campus de l'université de Rennes-I, cet établissement accueille depuis 30 ans des adolescents et de jeunes adultes handicapés de naissance, accidentés de la route, traumatisés crâniens ou en rupture scolaire du fait de problèmes psychologiques. Hospitalisés à temps plein ou seulement de jour, ils y reçoivent des soins de réadaptation tout en poursuivant, pour certains, leur scolarité. Mais au fil des ans, la question se pose : que faire pour aider ces jeunes à s'insérer dans la société, à trouver du travail ou à continuer leurs études une fois la rééducation terminée ? Sont-ils suffisamment armés pour vivre ailleurs que dans un foyer et réellement préparés à la gestion de leur handicap ?

L'idée d'une structure intermédiaire émerge alors peu à peu. La fondation dispose à l'époque d'un terrain libre à côté du centre médical et pédagogique. Un emplacement idéal : dans ce quartier, tous les trottoirs sont accessibles aux fauteuils roulants, de même que les bus.

Mais pour mener à bien ce projet qui ne relèverait plus du secteur sanitaire comme l'ensemble des établissements placés sous sa responsabilité, la FSEF souhaite trouver un partenaire du secteur social. Le conseil général d'Ille-et-Vilaine, soucieux alors de développer des alternatives à l'hébergement en foyer et de favoriser les prises en charge non traditionnelles, se montre intéressé.

En parallèle, Espacil, une société d'habitat social, accepte la maîtrise d'ouvrage et la gestion locative d'une résidence pour étudiants imaginée pour héberger ce service. Un édifice de deux étages, conçu suivant les conseils des ergothérapeutes du centre médical, voit le jour. Il comprend 52 studios, dont 17 aménagés pour des personnes handicapées, des espaces communs (lingerie, hall de rencontre, cafétéria et salle multisport) ainsi qu'un studio d'évaluation et trois bureaux réservés au service d'accompagnement et de soutien. L'objectif est de faire se côtoyer des étudiants valides et handicapés et d'assurer une proximité rassurante. Un bon préalable à la réinsertion pour des jeunes qui n'ont souvent jamais quitté leur famille ou ont vécu très protégés durant la période de soins.

Sur les 17 studios aménagés, cinq sont réservés à de jeunes handicapés d'Ille-et-Vilaine. Les autres viennent du reste de la Bretagne, de Basse-Normandie, des Pays-de-la-Loire, parfois d'autres régions. Seule condition à leur admission : que l'aide sociale de leur département d'origine accepte de participer aux frais de fonctionnement du service. Et aussi, bien sûr, que les jeunes handicapés, qui signent un bail comme tous les autres étudiants avec la société d'habitat social, aient des ressources suffisantes pour payer leur loyer et les services nécessaires à leur vie quotidienne. Outre l'aide personnalisée au logement (APL) et parfois une bourse d'étudiant, ils disposent, suivant les cas, de l'allocation aux adultes handicapés, d'une pension d'invalidité ou d'une rente d'accident du travail, à laquelle peut s'ajouter, depuis janvier 2006, la prestation de compensation pour l'aide humaine, la majoration pour la vie autonome, voire, plus rarement, un complément de ressources versé par leur caisse d'allocations familiales.

La résidence du Bois des Gallets ouvre ses portes en octobre 1992. Quatre professionnels, dont les postes sont financés par le conseil général, s'installent dans les bureaux du SAS : une assistante sociale, un ergothérapeute, une conseillère en économie sociale et familiale, une secrétaire. Au fil des ans, l'équipe s'étoffe d'une chargée d'insertion professionnelle (financée par l'Agefiph) et d'une monitrice-éducatrice. Mais sa mission reste inchangée : accompagner pendant un an, dans le cadre d'un contrat individuel, chaque résident handicapé vers la réalisation de son projet d'autonomie. C'est-à-dire l'aider à gérer ses droits, les transports, ses activités culturelles, sa vie quotidienne à travers le logement, les repas, le budget, mais aussi prendre en compte son handicap en mettant en place un réseau médical et paramédical et mesurer sa fatigabilité ; l'aider également à élaborer un projet d'insertion, professionnel, scolaire ou autre.

« Nous sommes un outil pour avancer dans le projet des résidents selon leurs demandes, explique Sylvie Bébin, assistante sociale, responsable du service d'accompagnement et de soutien. Notre accompagnement commence là où ils se trouvent quand ils arrivent. Et à tout moment, il colle à ce qu'ils sont capables de faire. C'est un principe essentiel. » Dans les deux mois qui suivent son arrivée au Bois des Gallets, le jeune handicapé se voit désigner un référent parmi l'équipe de professionnels et élabore avec lui son projet individuel. Un projet qui peut être régulièrement revu. « La santé est réellement un facteur à prendre en compte, note Nathalie Polet, chargée d'insertion socio-professionnelle. Il faut tenir compte des difficultés physiques et psychologiques avant d'entamer la réalisation des premiers objectifs. »

Un rôle d'aiguillage et de médiation

L'accompagnement prend la forme de rendez-vous avec les différents professionnels et d'une présence physique lors des démarches extérieures. Contrairement à d'autres services d'accompagnement pour personnes handicapées physiques, les professionnels ne jouent pas le rôle de soignant ou de tierce personne. Ils servent d'aiguillage, de médiateurs vis-à-vis des services de soins et d'auxiliaires de vie. Ce service ne peut d'ailleurs travailler qu'en partenariat. Avec toutes les structures existantes, et sans exclusive, pour l'aide à domicile, les soins infirmiers en libéral et les transports ; avec des organismes comme Cap'emploi, Handisup ou l'Agence nationale pour l'emploi en matière d'insertion ; avec certaines associations locales pour des actions sur le logement, l'alimentation, les loisirs...

L'objectif, en effet, est de faire connaître aux résidents tous les dispositifs existants pour leur permettre d'exercer ensuite, en fonction de leur budget, leur liberté de choix. « Le passage au SAS est une expérience qui les aide à devenir adultes en réaménageant leurs liens avec la famille, à devenir locataires en ayant des exigences mais aussi des devoirs vis-à-vis du propriétaire, à envisager enfin le statut d'employeur d'une tierce personne pour l'aide humaine dont ils ont besoin », explique Sylvie Bébin.

Afin de vérifier la pertinence de leur projet de vie autonome, les candidats passent par une procédure d'admission qui comporte une semaine de mise en situation dans le studio d'évaluation. Après un premier rendez-vous, une fiche d'indépendance fonctionnelle est adressée au postulant. A travers des questions simples et précises - le candidat peut-il ouvrir une porte seul ? Est-il capable d'effectuer sans aide ses transferts lit-fauteuil roulant ? -, ce document renseigne l'équipe du SAS sur ce que sait la personne de son handicap et la façon dont elle se voit. Il lui est d'ailleurs demandé de remplir seul ce questionnaire. Si quelqu'un le relit et l'amende, il lui faudra utiliser une autre couleur. Le formulaire renvoyé, l'ergothérapeute prend contact avec le candidat. Elle vérifie avec lui les informations fournies et prépare les interventions de la semaine d'observation, dont huit rendez-vous avec les différents membres de l'équipe. « En une semaine, ces jeunes handicapés découvrent la solitude, la gestion du temps et la coordination des soins et des tiers autour d'eux », explique la responsable du SAS. Lors du bilan, ils doivent résumer en un mot leurs impressions et faire savoir s'ils maintiennent leur projet d'autonomie au SAS.

De son côté, l'équipe du SAS émet un avis motivé sur le candidat et transmet le dossier à la commission d'admission, composée d'un membre de la direction de l'action sociale du conseil général d'Ille-et-Vilaine et de deux représentants de la Fondation santé des étudiants de France. C'est cette commission qui statue. A tel point d'ailleurs, qu'il est arrivé parfois à l'équipe d'admettre une personne pour laquelle elle avait émis un avis « négatif ».

Le service accueille surtout les publics atteints de handicap moteur (de naissance ou accidentel), sensoriel partiel ou compensé, ou présentant des maladies évolutives dégénératives, des lésions cérébrales traumatiques ou dues à une maladie. « Pour les personnes lésées cérébrales qui ont des problèmes de repérage dans le temps et l'espace, qui souffrent de troubles de mémoire, d'analyse, nos moyens se révèlent parfois insuffisants, surtout si les personnes sont dans le déni de leur handicap. Nous sommes vigilants sur ce point lors de l'admission », explique Sylvie Bébin, soulignant qu'une grande partie de l'équipe travaille à temps partiel.

Le service d'accompagnement et de soutien a dû faire face en 2005 au désengagement de l'Agefiph, qui ne voulait pas prendre en charge le public étudiant ou relevant du travail en milieu protégé. Pour maintenir la mission d'insertion, le conseil général a compensé cette perte de ressources en augmentant la dotation annuelle. Autre écueil pour le service : la disponibilité et la réactivité des partenaires. « Pour la première fois, à la rentrée 2005, nous n'avions pas eu de réponse satisfaisante des services de transport, d'aide à domicile ou de visiteurs de nuit, déplore Sylvie Bébin. Nous avions dû refuser une personne à qui nous ne pouvions garantir les soins dont elle avait besoin et amené une résidente à rentrer dans sa famille tous les week-ends. »

Le service d'accompagnement et de soutien ne manque pas pour autant de projets de développement. « En 2004, nous avons effectué un diagnostic de notre service et dégagé plusieurs voies d'évolution », explique sa responsable. Parmi celles-ci, la proposition présentée au conseil général de développer un suivi allégé pour quelques résidents après les 12 mois passés au SAS. En effet, si pratiquement toutes les personnes accèdent à la sortie à un logement adapté, certaines ont encore besoin d'un accompagnement pour signer des documents importants, rechercher du travail ou s'inscrire à des activités de loisirs. Une aide que le service continue d'assurer actuellement, sans être financé, afin d'éviter les ruptures brutales de prise en charge avant le passage de relais à un autre partenaire.

L'équipe réfléchit également à la possibilité de mettre à la disposition d'autres institutions, moyennant une contrepartie financière, sa compétence en matière d'évaluation : il s'agirait de réaliser des bilans de vie autonome dans le studio d'observation pour la maison départementale du handicap ou pour des centres de rééducation fonctionnelle. Enfin, autre préoccupation : renforcer la domotisation des logements afin de pouvoir accueillir des personnes plus lourdement handicapées.

Notes

(1) Service d'accompagnement et de soutien : 4, rue Yann-Sohier - 35700 Rennes - Tél. 02 99 25 19 75.

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