« Pour la première fois de son histoire, l'Uniopss n'a pas été en capacité de proposer des amendements à un projet de loi, sauf à supprimer certains articles. » Karine Métayer, conseillère technique au pôle enfance, famille, jeunesse de l'organisation, déplore la philosophie générale du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, adopté le 21 septembre en première lecture au Sénat (voir ce numéro, page 9). Dans ce texte, « le mineur n'est plus en danger, mais source de danger », souligne-t-elle, annonçant une initiative de l'Uniopss pour la campagne présidentielle : la finalisation de la plate-forme interassociative « L'éducation : une responsabilité partagée », sur laquelle elle a commencé à travailler en 2005.
Associations, fédérations et syndicats continuent de condamner la stigmatisation par le projet de loi de catégories entières de population. « L'amalgame fait entre délinquance et maladie mentale est un affront, et même une insulte, à l'ensemble de la communauté psychiatrique », s'insurge la Fédération santé et action sociale de la CGT qui, à l'instar des organisations professionnelles et d'usagers (1), exigent le retrait des dispositions sur la psychiatrie.
Egalement indignée par cette dérive répressive à l'égard des publics vulnérables, la Fondation Abbé-Pierre juge « scandaleuse » la nouvelle procédure d'évacuation des gens du voyage en cas de stationnement illicite, adoptée par voie d'amendement. « Elle s'inscrit dans un contexte de déni total du droit des gens du voyage et des devoirs des collectivités locales », commente la fondation, qui se pose au passage la question de l'avenir de la Commission nationale consultative des gens du voyage, dont le président est à l'origine du texte incriminé (2).
Remanié en plusieurs endroits, le projet adopté au Sénat conserve sa logique de contrôle et de suspicion « qui risque de faire échouer la lutte contre les exclusions », fondée sur la confiance et l'accès aux droits fondamentaux, déclare ATD quart monde.
En la matière, les retouches apportées à l'article sur le partage d'informations, notamment sur les cas où celui-ci se justifie, apportent plus de confusion qu'elles ne limitent les dérives, constate pour sa part l'Association nationale des assistants de service social (ANAS). « Alors que le Conseil d'Etat avait introduit la notion de gravité dans un souci de respect du droit à la vie privée [...], les sénateurs ont choisi le terme d'aggravation », moins limitatif. Sans apporter de réelles garanties aux personnes et aux professionnels, l'introduction du président du conseil général dans la liste des dépositaires d'informations nominatives multiplie les procédures, au risque de créer « une usine à gaz », craint Laurent Puech, président de l'ANAS. Preuve supplémentaire d'une méconnaissance du travail social, ajoute-t-il, « le secret professionnel est mis sur le même plan que l'obligation de discrétion et le devoir de réserve ».
« Si le texte est adopté en l'état, nous envisageons tous les moyens possibles afin que les professionnels de l'action sociale ne soient pas utilisés comme une «police municipale des familles» », prévient l'ANAS. En attendant, elle prévoit de se rapprocher des associations de maires pour faire valoir sa position. Et appelle les professionnels de l'action sociale à rejoindre la mobilisation nationale prévue le 10 octobre contre le projet de loi, à l'appel du Collectif national unitaire de résistance à la délation et de collectifs locaux.