« La tension forte liée à la situation budgétaire et à l'inflation réglementaire a caractérisé cette année. Pourtant, aucune réponse déterminante n'a été apportée aux problèmes sociaux. » Hubert Allier, directeur général de l'Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (Uniopss) s'est inquiété, le 26 septembre, des nombreuses turbulences qui fragilisent notre système de protection sociale. Quatre points au moins appellent à un débat de fond au moment de la campagne électorale, a-t-il indiqué, présentant les enjeux politiques des associations sanitaires, sociales et médico-sociales pour 2006-2007 (1) : le financement de la protection sociale, le risque d'une « solidarité sélective », la gouvernance territoriale et la place de l'économie sociale aux côtés de l'économie de marché.
Sur le premier point, l'Uniopss, qui se demande si la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) n'a pas finalement servi de « prétexte » aux restrictions financières, appelle le gouvernement et le Parlement « à honorer les engagements de l'Etat et à faire de la santé et de l'action sociale une priorité budgétaire ». Or, constate-t-elle, les annonces faites par Matignon aux différents ministères en juin dernier sur les budgets 2007, qui restent à être confirmées dans le projet de loi de finances, sont inquiétantes. Parmi les secteurs particulièrement exsangues : la protection judiciaire de la jeunesse. « Malgré le déblocage cette année de 25,6 millions d'euros pour résorber la dette à l'égard des associations habilitées justice, il reste 74,4 millions d'euros de report sur le budget 2007. Et la hausse du budget de la Justice de 5 % pour l'année prochaine ne nous rassure pas sur la capacité de l'Etat à résorber cette dette et à mettre à niveau les moyens du secteur », explique Arnaud Vinsonneau, conseiller technique à l'Uniopss. En période d'arbitrages budgétaires tendus, prévient en outre l'organisation, attention à ne pas laisser se creuser un fossé entre les usagers qui « bénéficient » d'une certaine reconnaissance statutaire - dont les personnes âgées et les personnes handicapées -, et les exclus, jeunes en difficulté et autres publics « à risques », sur lesquels la société et les pouvoirs publics portent un « regard plus contrasté ».
Aux insuffisances de crédits chroniques s'ajoutent des incertitudes sur les financements relevant des départements. Alors que leur charge s'alourdit, la répartition des compétences entre les collectivités territoriales et l'Etat n'est toujours pas stabilisée, constate l'Uniopss. Laquelle rappelle notamment la proposition de l'inspection générale des affaires sociales de décentraliser les compétences « résiduelles » encore assumées par l'Etat (2) et la mission en cours d'Hélène Gisserot sur le financement de la dépendance (3), qui devrait, selon les annonces de Philippe Bas, préparer un grand débat sur la prise en charge de la dépendance au début de l'année prochaine. « La clarification de la gouvernance territoriale est indispensable. Nous ne pouvons rester, comme aujourd'hui, au milieu du gué. La cohérence, la coordination et la complémentarité dans la mise en oeuvre, dans l'observation et dans l'évaluation sont donc indispensables à tous les niveaux pour optimiser les réponses », estime l'Uniopss, qui envisage des pistes de réflexion dans la perspective d'un « acte III » de la décentralisation.
Dans ce paysage, « la spécificité des modes d'accompagnement des publics fragiles par les associations de solidarité doit les différencier d'autres types d'opérateurs », maintient l'organisation, qui plaide pour le droit « à entreprendre autrement ». Une bataille à remporter à l'échelle européenne, avec l'exclusion des services sociaux et de santé de la directive services (4), mais aussi au plan national, alors que l'ordonnance du 1er décembre 2005 sur le droit d'option entre « autorisation » et « agrément » pour les services d'aide à domicile contribue à « banaliser les acteurs associatifs de solidarité » et que le nouveau code des marchés publics systématise le recours à l'appel d'offres. Mais reconnaître le secteur associatif non lucratif comme un acteur politique et économique, c'est aussi reconnaître le poids et la particularité de ses emplois (900 000 pour le seul champ sanitaire et social), précise l'Uniopss (5). C'est dans cet objectif que, comme l'a demandé la Conférence permanente des coordinations associatives (CPCA), une table ronde devrait être organisée d'ici à la fin de l'année avec le ministère de l'Emploi sur les conditions d'un suivi statistique de l'emploi associatif et de sa prise en compte dans le développement des politiques publiques. Cette rencontre devrait déboucher sur la signature d'un protocole entre l'Etat et la CPCA.
(1) Voir le document « Rentrée sociale des associations sanitaires, sociales et médico-sociales - Enjeux politiques, budgets prévisionnels 2007 » - Octobre 2006 - Uniopss : 133, rue Saint-Maur - 75541 Paris cedex 11 - Tél. 01 53 36 35 00.
(2) Dans son rapport annuel 2005 - Voir ASH n° 2441 du 3-02-06, p. 5.