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Les départements veulent expérimenter librement en matière d'insertion

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« Le département, collectivité des solidarités sociales et territoriales. » Pour les présidents de conseils généraux, réunis à Reims les 13 et 14 septembre, l'affirmation semble une telle évidence qu'ils n'en ont guère débattu. C'était pourtant le thème officiel du 76e congrès de l'Assemblée des départements de France (ADF) (1). Pour eux, pas de doute, « ce qui était - et est encore pour certains -, l'échelon de trop » dans l'architecture administrative de la France est « devenu un échelon-pivot de la République » en matière de solidarité, selon le mot de Michel Dinet, président du conseil général de Meurthe-et-Moselle. Aucun doute non plus, à droite comme à gauche, quant à la supériorité de la « gestion de proximité » sur celle de l'Etat en la matière.

Un seul atelier était consacré à la réforme des minima sociaux. Trop bref pour permettre des échanges approfondis, mais suffisant pour mettre en lumière ce qui fait déjà consensus. Et d'abord la nécessité de réformer quand s'ajoute aux neuf minima sociaux existants une multitude de dispositifs d'aide au logement, aux transports, aux cantines... - l'Eure en a dénombré 51 pour les seuls titulaires du revenu minimum d'insertion (RMI) ! Un système « inégal et inéquitable », et tellement complexe que ni l'usager ni même les décideurs ne s'y retrouvent. Pour Christophe Sirugue, président du conseil général de Saône-et-Loire et président de la commission insertion, cohésion sociale de l'ADF, ce système est aussi porteur de tensions sociales graves, qu'il sent monter, entre les travailleurs du bas de l'échelle et les six millions de bénéficiaires des minima sociaux.

« Etre partenaires de la réforme »

Autre aspiration partagée : les départements veulent être reconnus comme partenaires de la réforme. Ils attendent notamment que la loi leur permette, comme le gouvernement s'y est engagé, de mener des expérimentations sur le terrain, hors du cadre législatif actuel (2). Un accrochage significatif a eu lieu à cet égard entre les élus et Jean-Jacques Trégoat, directeur général de l'action sociale. « Nous allons lancer l'expérimentation, nous en sommes aux derniers ajustements. Mais il fallait d'abord que nous en concevions le cadre et les outils », a indiqué en substance ce dernier. « Qui ça, nous ? La seule administration centrale ? Sans concertation ? », a demandé Patrick Mareschal, président du conseil général de Loire-Atlantique. « Tout ce qu'on vous demande, c'est de nous laisser expérimenter librement », a insisté Christophe Sirugue. « Et d'inciter les partenaires qui dépendent de l'Etat - services déconcentrés, caisses de sécurité sociale, ANPE... - à venir autour de la table », a ajouté René-Paul Savary, président du conseil général de la Marne. Une demande d'autant plus vive que les élus sont conscients qu'il y a beaucoup de progrès à réaliser en matière d'insertion.

Six départements sont déjà engagés dans une réflexion avec Martin Hirsch autour de son idée de revenu de solidarité active (3). « Je ne sais pas si cela va déboucher, mais la dynamique enclenchée est très positive, avec une forte adhésion des travailleurs sociaux, qui apprécient de pouvoir agir de manière plus transversale. Les mentalités évoluent, c'est une expérience culturellement intéressante », témoigne Jean-Louis Destans, président du conseil général de l'Eure.

Mais, selon Christophe Sirugue, cette réflexion n'est pas la seule possible et la porte devrait être ouverte à d'autres types d'expérimentation. Pour lui, avant la refonte éventuelle des allocations et des aides, l'urgent serait de créer un « guichet unique » pour l'usager. Il s'agirait de faire en matière d'insertion comme pour les personnes âgées et pour les personnes handicapées.

Mais plus que de la mise en oeuvre de la solidarité, c'est encore de son financement dont il a été question pendant le congrès. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités locales, n'a pas laissé espérer de nouvelles mesures sur la compensation du RMI. Pour 2005, a-t-il indiqué, le différentiel entre les dépenses et les transferts de l'Etat n'est plus que de 340 millions d'euros, soit « à peu près 1,3 % de vos dépenses d'aide sociale. On est loin, même très loin, de la contribution supplémentaire qu'un précédent gouvernement vous a amené à faire pour financer l'allocation personnalisée à l'APA ». Et pour 2006, espère-t-il, « les tendances [à l'augmentation du nombre de bénéficiaires] ont commencé à s'inverser » (4).

Un autre problème a été soulevé, à propos d'une récente décision du gouvernement de ne pas prendre en compte dans les effectifs du RMI (et dans la compensation) les bénéficiaires engagés dans un contrat d'avenir. « J'en ai signé 5 000, je voulais en signer 15 000, mais à ce régime-là, j'arrête », tempête notamment Bernard Derosier, président du conseil général du Nord. Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale, a donné des signes d'apaisement et proposé à l'ADF d'en rediscuter rapidement avec Jean-Louis Borloo.

La réforme des tutelles à nouveau repoussée

A contrario, les présidents de conseils généraux ne semblent pas inquiets quant au financement de la prestation de compensation du handicap. « Les dotations de la CNSA devraient suffire pour 2006 et 2007, et l'Etat n'a pas ouvert inconsidérément les vannes, estime Bernard Cazeau, président de la commission des politiques sociales et familiales de l'ADF. De plus, la démographie des personnes handicapées n'a rien à voir avec le développement exponentiel annoncé pour les personnes âgées. » Un seul point semble faire problème dans la mise en place des maisons départementales des personnes handicapées : le transfert des personnels de l'Etat, très inégal selon les départements, et qui va faire l'objet d'un groupe de travail.

En revanche, les départements sont préoccupés par l'évolution future du coût de l'APA (financée aux deux tiers par les départements) et ils s'interrogent, comme Michel Dinet, sur ce qui devrait relever de la solidarité départementale et de la solidarité nationale. Beaucoup rangent la dépendance parmi les grands risques qui devraient relever de la seconde.

Tout le monde est d'accord aussi sur la nécessaire réforme d'une fiscalité locale unanimement jugée « désuète », « archaïque », « injuste » et « illisible ». Pour Brice Hortefeux, la période électorale qui s'ouvre ne doit pas interdire d'y réfléchir, afin de pouvoir agir rapidement par la suite. Selon lui, « l'Etat ne peut plus être schizophrène en voulant moins de dépenses, tout en en imposant toujours plus aux collectivités territoriales ».

En revanche, comme l'ADF elle-même, il estime qu'il faut faire une « pause » dans la décentralisation, et réaliser un bilan serein des transferts de charges. A cet égard, il a annoncé que la réforme des tutelles, pour lesquelles les départements redoutent une nouvelle hausse de leurs dépenses, n'entrerait pas en vigueur avant... le 1er janvier 2009. Une nouvelle qui devrait réjouir les présidents des conseils généraux, pas les associations de professionnels et d'usagers (5).

Notes

(1) ADF : 6, rue Duguay-Trouin - 75006 Paris - Tél. 01 45 49 60 20.

(2) Il est possible que cette disposition soit insérée dans le projet de loi de finances pour 2007, mais cela n'est pas assuré. Les sources administratives divergent en la matière.

(3) Voir ASH n° 2461 du 23-06-06, p. 31.

(4) Ce qui était vrai au premier trimestre, mais pas au deuxième - Voir ASH n° 2469 du 15-09-06, p. 5.

(5) Voir ASH n° 2453 du 28-04-06, p. 43.

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