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Un engagement réciproque pour des projets à long terme

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Pour mettre en oeuvre les orientations de son schéma départemental enfance-famille, le conseil général du Nord a proposé aux associations partenaires de l'aide sociale à l'enfance des contrats d'objectifs et de moyens. Une démarche jugée plutôt intéressante et qui devrait être reconduite.

Au coeur de Sebourg, village du Valen-ciennois, la maison d'enfants Sainte-Anne nécessitait de sérieux réaménagements. « Les locaux ne correspondaient plus aux normes de sécurité et de modernité. En dortoir, les enfants manquaient d'intimité. En outre, nous étions sous-dotés en personnels », se souvient Hervé Debuire, son directeur. C'est dans le cadre d'un contrat d'objectifs et de moyens (COM), démarche instituée par le conseil général du Nord (1) pour décliner son schéma enfance-famille 2001-2005, que l'établissement de l'association de la Maison Sainte-Anne a pu se restructurer. Près d'un million d'euros ont été empruntés et investis dans des travaux architecturaux, achevés en 2006, et l'institution dispose désormais d'un personnel renforcé (psychologue, chef de service, éducateurs spécialisés...). « C'est un virage important. Le COM a permis de relancer la structure », assure le directeur.

Pour faire évoluer le dispositif de protection de l'enfance en fonction des besoins prioritaires du Nord (prévention précoce et aide à la parentalité, attention accrue aux jeunes éloignés de l'insertion, amélioration du dépistage des situations de maltraitance, alternatives au placement) inscrits au schéma, le département a en effet innové, il y a cinq ans, en adoptant une démarche de contractualisation avec les établissements de l'aide sociale à l'enfance (ASE). « Les COM sont des outils de développement et de dynamique. Ils marquent à la fois l'engagement du département et celui des associations sur des projets précis, avec à la clé des moyens financiers et humains », explique Jean-Luc Chagnon, vice-président du conseil général délégué à l'enfance, la famille, la prévention et la santé. Objectifs affichés : responsabiliser les partenaires, programmer les efforts financiers, organiser les partenariats et la complémentarité sur les territoires.

Trois années de gestation

Sur les 27 institutions partenaires de l'ASE, 24 dont l'établissement public départemental de soins, d'adaptation et d'éducation (EPDSAE), ont signé un COM - deux sont en attente et une n'a pas déposé de projet. Le démarrage a cependant été long, puisque trois années ont été nécessaires à la mise en route de la contractualisation, dont le processus a été lancé peu après le vote de la loi du 2 janvier 2002. Une lenteur que Jean-Luc Chagnon attribue à la nouveauté de la démarche. « Autant, dans le domaine médical, rappelle ce médecin hospitalier, le procédé est usuel, autant il n'est pas dans la culture de la protection de l'enfance. » En outre, un important travail devait être effectué en amont. Les huit directions territoriales ont en effet réalisé un diagnostic des besoins de leur territoire, en lien avec les associations, l'EPDSAE, la direction départementale de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) et autres acteurs de la protection de l'enfance (2). En a découlé un plan d'actions, validé fin 2002, puis une phase d'appel à projets et enfin de négociation et d'écriture des contrats. « Avant validation, chaque projet a été finement étudié. On négocie avec les associations dans le détail. Cela nous a d'ailleurs permis de discuter de leurs modalités de fonctionnement et certaines ont remis les pendules à l'heure. Pour la plupart, les COM ont été bouclés fin 2004-début 2005. Plus de 11 millions d'euros ont été consacrés aux dépenses de fonctionnement, 20 millions d'euros ont servi aux investissements. En outre, 190 équivalents temps plein ont été créés », résume le vice-président. « Un fonds spécial dédié au schéma de 3 millions d'euros annuels a été instauré dès le départ pour appuyer l'initiative et développer l'innovation » (3), précise Delphine Boudet, son assistante. En outre, la démarche qualité a été intégrée aux COM et 12 associations ont demandé des crédits spécifiques.

Large est la palette des projets soutenus. Certains sont, en tout ou partie, d'ordre immobilier ou liés aux personnels, tel celui porté par SOS Villages d'enfants qui a visé à retravailler le statut des mères SOS et, spécifie Delphine Boudet, « à le valoriser en leur permettant de prendre des congés, de mener une vie normale ». Certains intègrent aussi la création d'outils spécifiques : services à la parentalité, d'accueil d'urgence, de placement familial spécialisé (PFS), dispositif pour mineurs étrangers isolés... Les COM ont tenté d'assurer un rééquilibrage territorial et de combler des manques. « Ils sont aussi un outil de pilotage nous autorisant à mieux structurer le paysage départemental », affirme Jean-Luc Chagnon. Ainsi, sur l'Avesnois, d'importants moyens ont été dégagés pour créer 37 places d'internat, 9 de lieu de rupture, 10 de PFS et 10 de centre maternel et, sur le Valen-ciennois, où existe une forte problématique « adolescents », 15 places de PFS spécifique ont vu le jour.

Un autre axe du schéma inscrivait la volonté de « développer des alternatives au placement ou plutôt à l'accueil standard en maison d'enfants à caractère social », souligne Jean-Luc Chagnon, pour qui les COM étaient aussi l'occasion de « moderniser le système de protection de l'enfance » sans pour autant « recomposer le panorama associatif ». Aujourd'hui, le conseil général estime à 129 le nombre de places d'internat classique qui ont disparu, par fermeture ou redéploiement, au profit de 300 d'accueil diversifié (lieu de rupture, internat de semaine, appartement, PFS, centre maternel) et 52 d'accueil de jour. Cette logique est particulièrement visible en Flandres maritimes où 44 places d'internat ont été fermées au profit de prises en charge diversifiées. Un rééquilibrage de l'offre jugé « intéressant » par Marc Guillemaux, directeur du Home dunkerquois. Dans sa structure habilitée Justice, qui dépend de l'Association d'action éducative, le COM a permis, témoigne-t-il, de « mener une réflexion intéressante et de travailler ensemble sur les divers objectifs. Nous avons un peu recentré notre intervention sur l'accueil d'urgence, nécessaire sur le Dunkerquois, réétudié la question de l'accueil modulé, des fratries... ou encore retravaillé la sortie de l'établissement des 17-18 ans. Nous avons ainsi un projet de mise en place d'appartements pour favoriser l'autonomie. »

Du côté des associations, la démarche, en tant que telle, est plutôt bien perçue. Les structures apprécient de bénéficier d'une vision à long terme. Ce que rapporte Pascale Serra, directrice territoriale de prévention et d'action sociale du Valenciennois : « Les associations peuvent se projeter plus loin que la programmation budgétaire annuelle, que le «cette année, je vais demander mes balles de ping-pong, mon quart de poste de secrétaire»... » Un point de vue que confirme, à Tourcoing, Régis Theys, directeur général du Home des Flandres, pour qui « le COM permet de mieux gérer et prévoir les choses. Cela sécurise l'activité et les personnels. » Néanmoins, pour certains responsables de structures désirant garder l'anonymat, la démarche se résume d'abord à une « politique d'encadrement » « mal coordonnée » qui a « imposé des pratiques et des fonctionnements, dans le cadre d'une signature difficilement refusable » et « une politique de gestion des coûts ».

D'autres acteurs, par ailleurs favorables à la méthode, soulignent aussi l'importance de la dimension financière. Ainsi, tout en estimant que « l'idée de contrat, et donc d'engagement des deux parties, est intéressante », Marc Guillemaux observe que « si l'axe éducatif était séduisant au départ, on est tout de même sur des schémas de régulation d'activités, d'établissements... La démarche est positive mais la logique financière est prégnante ». Une impression partagée par Régis Theys : « Mon seul regret est le manque de retour sur la dimension éthique des projets, du bien-fondé de notre mission. On a eu des échanges sur le plan logistique, financier, mais peu sur celui des valeurs. » D'une association à l'autre, ou d'un territoire à l'autre, les expériences varient (voir encadré ci-dessous). La démarche devrait cependant s'améliorer avec le temps. « Avoir des perspectives à cinq ans est nouveau et on manque d'habitude, assure Régis Theys. Cette approche doit prendre toute sa dimension, on n'y est pas encore. Mais la démarche est bonne. D'autant que la position affichée est que le COM ne doit pas être un carcan : si un besoin particulier apparaît, il peut être examiné. » Le budget n'est toutefois pas extensible à l'infini. Ce que reconnaît Delphine Boudet : « La seule limite de la méthode, c'est que les COM offrant déjà des moyens supplémentaires, il reste ensuite moins de souplesse pour de nouvelles créations. »

Aujourd'hui, l'évaluation du schéma enfance-famille est en route. La démarche des COM, qui continuent à être mis en oeuvre en 2006, devrait être reprise dans le prochain schéma. Quant aux projets mis en place, ils se poursuivront. « Ils entrent désormais dans les budgets des structures : on ne peut valider, par exemple, un accueil modulé à Dunkerque, sans assurer son financement dix ans plus tard, assure Jean-Luc Chagnon. Dès lors que l'on valide un COM, on valide un engagement pérenne. »

Un territoire, un diagnostic, une priorité, un projet...

« Sur le Valenciennois, nous avons tenté d'avoir une vision prospective des besoins en nous appuyant sur le réseau territorial de compétences. Après un diagnostic commun, nous avons dégagé deux priorités : l'accueil d'urgence et les jeunes difficiles », explique Pascale Serra, directrice territoriale de prévention et d'action sociale. C'est ainsi que l'établissement public départemental de soins, d'adaptation et d'éducation (EPDSAE) a monté un service d'accueil immédiat et que Diva (4) a mis en place un service de placement familial spécialisé (PFS). Pour cette structure de l'Association départementale du Nord pour la Sauvegarde de l'enfant à l'adulte, l'idée d'un tel projet avait en fait germé bien avant. « C'est parti d'une réflexion que nous avions menée sur la notion d'adolescent difficile. En fait, il s'agit souvent de jeunes pour lesquels les établissements n'ont pas de réponse. Notre objectif était de faire en sorte qu'ils s'inscrivent dans une continuité de suivi et aient toujours en face un adulte qui tienne bon », explique Christophe Robinet, chef de service du PFS. En 2000, l'équipe rédige un pré-projet et le présente à la direction territoriale de prévention et d'action sociale, qui, malgré son intérêt, ne peut le financer. Avec les contrats d'objectifs et de moyens (COM), il a pris forme. « Grâce au travail effectué en amont, les choses ont vite avancé : il ne s'est écoulé qu'un an et demi entre la signature du COM et l'ouverture, en janvier 2006. La démarche s'est révélée très concrète et rapide. De plus, nous avons eu, à tous les niveaux de construction du projet, une écoute et un retour, en particulier, au niveau du sens. »

Aujourd'hui, le dispositif, qui prévoit à terme un accueil de 15 jeunes, se met en place. « Nous sommes contactés par des travailleurs sociaux qui recherchent un PFS pour un jeune et nous demandent de trouver une famille adaptée à sa problématique, mais nous sommes aussi sollicités pour apporter une expertise, évaluer si un tel accueil peut aider un jeune », résume Patricia Lemaire, psychologue. Une fois la famille sélectionnée et le projet d'accompagnement élaboré en commun, les liens restent étroits entre elle et l'équipe. « Le travail de suivi éducatif est très poussé. De plus, dans la famille, il se passe des choses qui ne se produisent pas avec l'éducateur, et qu'on peut travailler », estime Karine Grobelny, éducatrice spécialisée. « Ce type d'outil, défend Pascale Serra, sécurise aussi l'assistante familiale. Des allers et retours sont également possibles. D'ailleurs, le jeune est placé à Diva. Symboliquement, c'est important : il s'agit bien d'une institution qui le prend en charge, mais avec une autre formule. » Et de compléter : « Le réseau permet de construire ensemble un parcours contenant pour ces adolescents difficiles et de proposer des outils différents à des moments différents. Les outils créés dans le cadre des COM sont ainsi à la disposition du territoire. Un changement de dynamique que les partenaires ont très bien accepté. »

Notes

(1) Conseil général du Nord : 51, rue Gustave-Delory - 59047 Lille cedex - Tél. 03 20 13 44 74.

(2) Dans le cadre des réseaux territoriaux de compétences copilotés par le conseil général et la PJJ.

(3) Le budget consacré à l'enfance s'élevait, en 2005, à 345 millions d'euros ; en 2006, il est de 350 millions d'euros.

(4) Diva : 33, rue de la Gare - 59770 Marly - Tél. 03 27 29 50 12.

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