Après avoir été adopté en première lecture au Sénat le 21 juin, le projet de loi réformant le dispositif de protection de l'enfance devra attendre une « fenêtre parlementaire » dans la prochaine session pour continuer son examen à l'Assemblée nationale. « Le ministre se bat pour que la première navette soit terminée avant la fin de l'année », explique-t-on au cabinet de Philippe Bas. Dans l'attente, les professionnels de l'enfance et de la jeunesse s'inquiètent de la primeur qui pourrait être donnée au projet de loi sur la prévention de la délinquance, dont l'examen au Sénat a commencé pendant la session extraordinaire, le 13 septembre. Ce dernier, qui attribue au maire de nouvelles compétences en matière d'action sociale et en fait le chef de file de la prévention de la délinquance, s'appuie sur une conception de la prévention qui suscite une opposition quasi unanime (1). « Pour lutter contre l'apparition de comportements délinquants, il faut d'abord agir contre la rupture des liens de filiation, d'intégration et de citoyenneté, ce qui signifie organiser un accompagnement social qui s'appuie sur la compétence et l'expérience des travailleurs sociaux et des associations », insiste la Fédé-ration nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (FNARS).
Dans un courrier adressé au Premier ministre, l'UNAF, l'Unasea, l'Uniopss, le GNDA et l'Andesi, représentant « l'ensemble des unions et groupements oeuvrant dans le champ de la protection de l'enfance, de l'action sanitaire et sociale et de la promotion de la famille » (2) s'interrogent sur le calendrier et la méthode employée. Faire passer en priorité « un projet de loi qui soulève de profondes interrogations et qui n'a donné lieu à aucune réelle concertation préalable aboutirait à dénaturer les dispositions les plus essentielles du projet de loi réformant la protection de l'enfance », alertent-elles. Les organisations demandent au chef du gouvernement « la garantie » que le projet de loi de Philippe Bas sera examiné et adopté avant celui de Nicolas Sarkozy, et que leurs observations sur ce dernier texte, d'ailleurs communiquées aux parlementaires, seront prises en compte.
De son côté, le président de l'Assemblée des départements de France (ADF) (3) a pris une initiative similaire. « Oui à la liberté de convention, non à un transfert de compétences », proteste Claudy Lebreton dans un communiqué dénonçant un projet de loi qui introduit, « outre la défiance à l'encontre des départements et de leurs travailleurs sociaux, un ferment de conflit de compétence entre les conseils généraux et les communes ». Et le président de l'ADF d'annoncer qu'un courrier sera adressé au Premier ministre pour lui demander quelles suites le gouvernement entend donner au projet de loi réformant le dispositif de protection de l'enfance, « dont le contenu est en contradiction avec le texte proposé par le ministère de l'Intérieur ».
Le Collectif national unitaire contre la délation (4), qui rassemble depuis janvier 2004 une vingtaine d'organisations syndicales et associatives, demande toujours, quant à lui, le retrait « immédiat » du projet de loi sur la prévention de la délinquance et appelle à une grande mobilisation début octobre. Le gouvernement a, de son côté, à la veille de la discussion du texte au Sénat, exprimé sa « volonté d'écoute » et indiqué être ouvert « aux amendements qui méritent d'être adoptés ».
(1) Voir ASH n° 2468 du 2468 du 8-08-06, p. 19.
(2) Dont les membres de la Coordination nationale des associations pour la protection de l'enfance, l'Union nationale ADMR, l'AIRE, la FNARS, l'UNA. Contact : Unasea - 118, rue du Château-des-Rentiers - 75013 Paris - Tél. 01 45 83 50 60.
(3) ADF : 6, rue Duguay-Trouin - 75006 Paris - Tél. 01 45 49 60 20.
(4) Contact : Danielle Atlan au 06 11 73 89 93 ou Fabienne Binot au 06 83 20 48 07 -