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Le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance

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Le projet de loi défendu par Nicolas Sarkozy place le maire au coeur de la prévention de la délinquance, modifie une nouvelle fois l'ordonnance de 1945 sur l'enfance délinquante et propose une réforme de l'internement psychiatrique. Il suscite toujours l'ire des professionnels.

Le texte était dans les cartons du ministère de l'Intérieur depuis 2003. Il en est ressorti opportunément à l'automne dernier, en réponse aux violences qui ont secoué les banlieues. Le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance a été présenté le 28 juin en conseil des ministres et entamera son parcours parlementaire le 13 septembre au Sénat.

Critiqué tant par les professionnels de l'action sociale, de la santé et de la justice que par de nombreux élus (voir encadré, page 29), il touche à des sujets aussi divers et fondamentaux que le secret professionnel des travailleurs sociaux ou l'internement psychiatrique. Il fait aussi du maire le nouveau « patron » de la prévention de la délinquance, en lui offrant de nouvelles possibilités d'action en matière de contrôle social de ses administrés. Autre bouleversement : le texte ajoute expressément aux missions d'action sociale du conseil général la prévention de la délinquance, brouillant les frontières entre cette dernière et la prévention spécialisée.

Enfin, le projet de loi modifie encore une fois l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante. Objectif : « apporter une réponse rapide et adaptée dès la première infraction » commise par un mineur, afin de combattre le sentiment d'impunité, a expliqué le Premier ministre le 24 mai lors du comité interministériel de prévention de la délinquance. Dans cet esprit, le texte propose, d'une part, d'adapter les mesures de comparution immédiate aux mineurs - avec la nouvelle procédure de présentation immédiate devant le juge des enfants aux fins de jugement - et, d'autre part, d'enrichir la palette des sanctions susceptibles d'être prononcées à leur égard : élargissement de la médiation-réparation et de la composition pénale aux mineurs, consécration législative de l'avertissement solennel, création d'une mesure d'activité de jour susceptible d'être prononcée à différents stades d'une procédure judiciaire et s'adressant plus particulièrement aux jeunes désocialisés, diversification des mesures de contrôle judiciaire pour les 13-16 ans, création de nouvelles sanctions éducatives à l'égard des plus jeunes...

Certaines mesures phares de l'avant-projet de loi préparé par Nicolas Sarkozy n'auront pas résisté aux arbitrages du Premier ministre. C'est le cas de la détection précoce des troubles du comportement chez le jeune enfant dès 3 ans, qui a toutefois refait son apparition par voie d'amendement parlementaire dans le projet de loi sur la protection de l'enfance de Philippe Bas (1), voté en première lecture au Sénat, et qui doit désormais poursuivre son examen au Parlement. En revanche, il n'est pas question, pour l'instant, de toucher, contrairement à ce que souhaitait le ministre de l'Intérieur, à la majorité pénale, qui reste fixée à 18 ans. Nicolas Sarkozy s'était aussi prononcé en faveur d'une exception au principe de non-rétroactivité des lois afin d'obliger les anciens délinquants sexuels à se soumetter à des soins. Mais de la même façon cette idée a été pour l'heure écartée. Les discussions parlementaires pourraient toutefois orienter le texte dans le sens voulu par le pensionnaire de la Place Beauvau.

I - LE MAIRE, EN PREMIÈRE LIGNE DE LA PRÉVENTION DE LA DÉLINQUANCE

A - Le contrôle social par les maires

Les prérogatives du maire devraient être renforcées afin qu'il puisse assurer pleinement son futur rôle d'animateur et de coordonnateur de la prévention de la délinquance dans sa commune. Ainsi, alors que la loi Perben II du 9 mars 2004 permet déjà aux édiles d'être informés notamment de « toutes les mesures ou décisions de justice, civiles ou pénales, dont la communication paraît nécessaire à la mise en oeuvre d'actions de prévention, de suivi et de soutien, engagées ou coordonnées par l'autorité municipale ou intercommunale » (2), le projet de loi va beaucoup plus loin, élargissant les frontières de cette information au domaine social, scolaire et sanitaire. Il offre par ailleurs aux maires de nouveaux pouvoirs de sanction contre ceux que le gouvernement appelle les « parents défaillants ».

1 - LE MAIRE DÉPOSITAIRE DE DONNÉES SOCIALES

Dans le souci d'une « meilleure efficacité de l'action sociale », le projet de loi impose à « tout professionnel de l'action sociale » d'informer le maire de la situation d'une personne ou d'une famille lorsque celle-ci rencontre des difficultés sociales, éducatives ou matérielles d'une telle gravité qu'elles nécessitent l'intervention de plusieurs professionnels. Lorsqu'il alerte l'édile, le travailleur social - agissant seul dans cette hypothèse - est « autorisé » à lui révéler les informations confidentielles « nécessaires à l'exercice de ses compétences dans les domaines sanitaire, éducatif et social ».

Quid lorsque plusieurs professionnels interviennent auprès d'une même personne ou de personnes composant un même foyer ? Le maire devrait, dans ce cas, - après consultation du président du conseil général - désigner parmi eux un travailleur social pivot, chargé d'assurer la coordination de l'ensemble des actions mises en oeuvre et « autorisé » lui aussi à révéler au maire les informations confidentielles « nécessaires à l'exercice de ses compétences dans les domaines sanitaire, éducatif et social ». A défaut du maire, la désignation de ce coordonnateur devrait être effectuée par le président du conseil général.

Professionnels et coordonnateur devraient être « autorisés » à partager entre eux les informations et documents « nécessaires à la continuité ou à l'efficacité de leurs interventions ». Pour le reste ou vis-à-vis des tiers, ils resteraient tenus au secret professionnel. Et pourraient donc être passibles, en cas de divulgation non autorisée, d'une peine de un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende. Le projet de loi offre ainsi une consécration législative au « secret partagé », qui a fait l'objet de beaucoup d'initiatives sur le terrain et a parfois donné lieu à des « chartes de confidentialité », note l'exposé des motifs.

Ce dernier souligne également que « ces dispositions ne doivent pas conduire les travailleurs sociaux à signaler au maire toutes les situations. Seules les situations personnelles et familiales que ces professionnels considèrent eux-mêmes comme graves feront l'objet de ce partage d'information. »

2 - LE MAIRE, DESTINATAIRE DE DONNÉES SCOLAIRES

Afin notamment « d'améliorer le suivi de l'obligation d'assiduité scolaire », le maire devrait pouvoir enregistrer dans un fichier des informations à caractère personnel sur les enfants en âge scolaire domiciliés dans sa commune.

Cette base de données devrait être alimentée par les organismes chargés du versement des prestations familiales, mais aussi par l'inspecteur d'académie. Le projet de loi impose en effet à ce dernier de communiquer à l'édile la liste des élèves domiciliés dans la commune pour lesquels un avertissement pour défaut d'assiduité scolaire a été notifié. « Ce maillage n'a pour seul objectif que de permettre à chaque enfant d'avoir un droit égal à l'éducation », précise l'exposé des motifs.

3 - LE MAIRE FACE AUX «PARENTS DÉFAILLANTS»

Le projet de loi prévoit de rendre obligatoire, dans les villes de plus de 10 000 habitants, la création d'un « conseil pour les droits et devoirs des familles », nouvelle instance dont les rênes seraient confiées au maire. Ce dernier devrait en outre disposer - en tant que président de ce conseil ou plus simplement en sa qualité d'édile - de nouvelles possibilités d'action face aux « parents défaillants ».

a - Le conseil pour les droits et devoirs des familles

Le projet de loi n'est pas extrêmement précis en ce qui concerne la composition de la nouvelle instance. En effet, il ne prévoit pas de nombre de membres minimum ou maximum et indique simplement que, présidé par le maire ou son représentant, le conseil pour les droits et devoirs des familles pourra comprendre « des représentants de l'Etat » - dont la liste sera fixée par décret -, « des représentants des collectivités territoriales et des personnes oeuvrant dans les domaines de l'action sociale, sanitaire et éducative, de l'insertion et de la prévention de la délinquance ».

La vocation du conseil sera d'être un « lieu de coordination des dispositifs existants tout en fournissant une occasion de dialogue aux familles intéressées et une instance de proposition pour le maire », explique l'exposé des motifs.

Ainsi, concrètement, un maire devrait le réunir afin :

d'entendre une famille, de l'informer de ses droits et devoirs envers l'enfant et de lui adresser des recommandations destinées à prévenir des comportements susceptibles de mettre l'enfant en danger ou de causer des troubles pour autrui ;

d'examiner avec la famille les mesures d'accompagnement parental susceptibles de lui être proposées ;

d'examiner avec la famille l'opportunité d'informer les professionnels de l'action sociale et les tiers intéressés des recommandations qui lui sont faites et, le cas échéant, des engagements qu'elle a pris dans le cadre d'un contrat de responsabilité parentale conclu avec le président du conseil général (3).

Le maire devrait par ailleurs réunir l'instance, pour la consulter, chaque fois qu'il envisage de proposer un accompagnement parental (voir page 21).

Aussi et surtout, « lorsque le suivi social ou les informations portées à sa connaissance font apparaître que la situation d'une famille ou d'un foyer est de nature à compromettre l'éducation des enfants, la stabilité familiale et qu'elle a des conséquences pour la tranquillité ou la sécurité publique », le conseil devrait pouvoir proposer au maire de demander à la caisse d'allocations familiales de mettre en place en faveur des intéressés un dispositif d'accompagnement à l'utilisation des prestations familiales. Il s'agirait plus précisément de « mesures d'aide et de conseil de gestion destinées à permettre une utilisation des prestations familiales conforme à l'intérêt de l'enfant et de la famille ».

b - L'accompagnement parental

Au lendemain de la flambée de violences de l'automne dernier dans les banlieues, Dominique de Villepin soulignait que « les enseignants ne peuvent faire face seuls aux situations scolaires les plus difficiles » et que, à ses yeux, « les parents ont aussi leur rôle à jouer ». Dans cet esprit, la loi pour l'égalité des chances a créé le contrat de responsabilité parentale, censé apporter une aide aux parents qui éprouvent de graves difficultés dans l'exercice de leurs devoirs éducatifs (4).

Le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance va dans la même direction en offrant au maire la possibilité de proposer - en tant que président du conseil pour les droits et devoirs des famille ou en sa qualité de premier magistrat si une telle instance n'existe pas - un accompagnement parental. La mesure consiste en un « suivi individualisé au travers d'actions de conseil et de soutien à la fonction éducative ».

L'élu ne devrait toutefois pouvoir y avoir recours que dans certaines situations. En l'occurrence, s'il constate par lui même que le défaut de surveillance ou d'assiduité scolaire d'un mineur fait peser une menace sur l'ordre, la sécurité ou la tranquillité publiques. Ou si on l'informe de cet état de fait. A cet égard, l'accompagnement parental devrait pouvoir également être mis en place à l'initiative des parents ou du représentant légal du mineur.

En tout état de cause, avant de prendre cette décision, l'édile devrait toujours avoir à vérifier qu'un contrat de responsabilité parentale n'a pas été conclu entre les parents à qui il compte proposer la mesure et le président du conseil général. De plus, le maire devrait être obligé d'informer ce dernier lorsqu'il envisage de mettre en place l'accompagnement parental.

Une fois la mesure mise en place, plusieurs suites seraient envisageables. Dans le meilleur des cas, au terme de l'accompagnement, les parents ou le représentant légal du mineur devraient se voir délivrer une attestation comportant leur engagement solennel de se conformer aux obligations liées à l'exercice de l'autorité parentale. En revanche, s'ils refusent sans motif légitime l'accompagnement parental ou l'accomplissent de manière partielle, le maire devrait alors saisir le président du conseil général en vue de la conclusion d'un contrat de responsabilité parentale.

c - L'intervention du maire en matière de tutelle aux prestations sociales

Actuellement, dans le cas où les enfants donnant droit aux prestations familiales sont élevés dans des conditions d'alimentation, de logement et d'hygiène manifestement défectueuses ou lorsque les prestations ne sont pas employées dans l'intérêt des enfants, le juge des enfants peut ordonner qu'elles soient, en tout ou partie, versées à un tuteur aux prestations sociales. Le projet de loi offre au maire - en tant que président du conseil pour les droits et devoirs des familles - la possibilité de saisir le juge à cette fin et de lui proposer, conjointement avec la caisse d'allocations familiales, de désigner le professionnel coordonnateur de sa commune pour exercer la tutelle.

d - Le rappel à l'ordre

Le projet de loi prévoit d'inscrire dans le code général des collectivités territoriales la possibilité pour le maire confronté à des « faits susceptibles de porter atteinte au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité ou à la salubrité publiques », de rappeler verbalement à leur auteur les dispositions qui s'imposent à lui pour se conformer à l'ordre et à la tranquillité publics.

Face à un mineur, le maire aurait, « dans la mesure du possible », à effectuer ce rappel à l'ordre en présence de ses parents ou de ses représentants légaux.

B - Une nouvelle répartition des rôles

Le projet de loi propose une répartition des rôles en matière de prévention de la délinquance, visant à faciliter la coordination et l'échange d'information au niveau local. « C'est essentiel pour une action qui engage des acteurs aussi divers que des policiers, des magistrats, des enseignants, des médecins et des travailleurs sociaux », a expliqué Dominique de Villepin le 24 mai dernier à l'occasion du comité interministériel de prévention de la délinquance. Or, le gouvernement en est convaincu : ce sont les maires qui sont les mieux placés en la matière, puisqu'ils sont en contact avec tous ces intervenants. Le texte les charge ainsi d'animer et de coordonner la politique de prévention de la délinquance sur le territoire de leur commune.

« Cette attribution n'est pas exclusive », précise l'exposé des motifs. « Elle s'exerce dans le respect des compétences du représentant de l'Etat et de celles de l'autorité judiciaire, et dans la concertation avec le président du conseil général. »

1 - LE RÔLE D'ANIMATION ET DE COORDINATION DU MAIRE

Le projet de loi confie au maire le soin d'animer, sur le territoire de sa commune, la politique de prévention de la délinquance et d'en coordonner la mise en oeuvre.

Pour « mobiliser les énergies », le texte prévoit par ailleurs de généraliser les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) aux communes de plus de 10 000 habitants. Cette instance, présidée par l'édile, a vu le jour au sein de l'architecture de la sécurité intérieure en juillet 2002 pour remplacer les conseils communaux de prévention de la délinquance, jugés inefficaces. Leur création n'est pas actuellement une obligation pour les maires. Mais le projet de loi prévoit donc de l'imposer aux villes de plus de 10 000 habitants. Il permet aussi la mise en place de ces conseils dans un cadre intercommunal, afin que la prévention de la délinquance puisse être coordonnée par les présidents des établissements publics de coopération intercommunale.

2 - LA PARTICIPATION DES DÉPARTEMENTS À LA PRÉVENTION DE LA DÉLINQUANCE

Si les maires sont placés en première ligne en matière de prévention de la délinquance, les départements ne sont pas oubliés. Le projet de loi prévoit en effet que le conseil général, par ses compétences propres dans le domaine de l'action sociale, concourt à la politique de prévention de la délinquance. Plusieurs dispositions légales devraient être modifiées en ce sens. Comme l'article L. 3214-1 du code général des collectivités territoriales, qui dispose actuellement que le conseil général « statue sur l'organisation et le financement des services et des actions sanitaires et sociales qui relèvent de sa compétence ». Il s'agit « notamment des actions qui concourent à la politique de prévention de la délinquance », ajoute le projet de loi. Le texte prévoit en outre que, pour la mise en oeuvre de ces dernières, le département conclut une convention avec la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale intéressé, afin de déterminer « notamment les territoires prioritaires, les moyens communaux et départementaux engagés et leur mode de coordination, l'organisation du suivi et l'évaluation des actions mises en oeuvre ».

Le code de l'action sociale et des familles devrait lui aussi être modifié, toujours dans le même sens. Il dispose actuellement que « dans les zones urbaines sensibles et dans les lieux où se manifestent des risques d'inadaptation sociale, le département participe aux actions visant à prévenir la marginalisation et à faciliter l'insertion ou la promotion sociale des jeunes et des familles, qui peuvent prendre plusieurs formes » : actions de prévention spécialisée, actions d'animations socio-éducatives, etc. Le projet de loi ajoute à cette liste les actions de prévention de la délinquance.

Il prévoit également la possibilité, pour une commune, d'exercer directement tout ou partie des compétences attribuées au département dans le domaine de l'action sociale. A charge pour elle de conclure avec le conseil général une convention précisant l'étendue et les conditions financières de ce transfert de compétences. Les services départementaux correspondants seraient mis à la disposition de la mairie.

3 - LE RÔLE DU PRÉFET

La loi exige actuellement du représentant de l'Etat dans le département qu'il associe le maire à la définition des actions de prévention de la délinquance et de lutte contre l'insécurité, et l'informe régulièrement des résultats obtenus, selon des modalités qui peuvent être définies par des conventions que l'élu signe avec l'Etat. Le projet de loi vient préciser que le préfet devra s'assurer de la compatibilité des actions menées par les collectivités territoriales et leurs établissements publics avec le plan de prévention de la délinquance qu'il aura arrêté.

4 - LA COOPÉRATION AVEC L'AUTORITÉ JUDICIAIRE

Afin de confirmer que l'autorité judiciaire a bien également un rôle à jouer en matière de prévention de la délinquance, le projet de loi propose de modifier le code de procédure pénale, afin qu'il soit affirmé que l'action des procureurs de la République peut avoir pour objet non seulement la répression mais aussi la prévention des infractions pénales.

« Dans le cadre de ses attributions en matière d'alternative aux poursuites, de mise en mouvement de l'action publique, de direction de la police judiciaire, de contrôle d'identité et d'exécution des peines, le procureur de la République veille à la prévention des infractions à la loi pénale », indique le texte.

« A cette fin, précise-t-il encore, il anime et coordonne dans le ressort du tribunal de grande instance la politique de prévention de la délinquance dans sa composante judiciaire, conformément aux orientations nationales de cette politique déterminées par l'Etat » et définies par le procureur général.

Cette implication de l'autorité judiciaire devrait trouver aussi sa place dans le code général des collectivités territoriales. Celui-ci prévoit d'ores et déjà des échanges entre les procureurs de la République et le maire, suite à la loi Perben II du 9 mars 2004 (5). En effet, d'un côté, l'édile est tenu de signaler sans délai au procureur de la République les crimes ou les délits dont il acquiert la connaissance dans l'exercice de ses fonctions. De l'autre, ce dernier peut porter à la connaissance du maire (ou du président de l'établissement public de coopération intercommunale) toutes les mesures ou décisions de justice, civiles ou pénales, dont la communication paraît nécessaire à la mise en oeuvre d'actions de prévention, de suivi et de soutien engagées ou coordonnées par l'autorité municipale (ou intercommunale). Le projet de loi indique que les modalités d'échange de toutes ces informations pourront être définies par les conventions conclues entre les maires et l'Etat (voir page 22), que signeront également les procureurs de la République.

II - LES MODIFICATIONS DE L'ORDONNANCE DE 1945

A - De nouvelles alternatives aux poursuites proposées par le procureur de la République

1 - LA MÉDIATION-RÉPARATION

Le procureur de la République confronté à une personne majeure ayant commis une infraction dispose de toute une gamme de mesures qu'il peut prendre préalablement à sa décision sur l'action publique, s'il lui apparaît qu'une de ces mesures est susceptible d'assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de l'infraction ou de contribuer au reclassement de l'auteur des faits. Il peut le faire directement ou par l'intermédiaire d'un officier de police judiciaire, d'un délégué ou d'un médiateur du procureur de la République.

Plus précisément, il peut, dans ce cadre :

procéder au rappel auprès de l'auteur des faits des obligations résultant de la loi ;

l'orienter vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle, mesure pouvant consister dans l'accomplissement par l'intéressé, à ses frais, d'un stage ou d'une formation dans un service ou un organisme sanitaire, social ou professionnel, et notamment d'un stage de citoyenneté (6) ou en cas d'infraction commise à l'occasion de la conduite d'un véhicule terrestre à moteur, dans l'accomplissement d'un stage de sensibilisation à la sécurité routière ;

lui demander de régulariser sa situation au regard de la loi ou des règlements ;

lui demander de réparer le dommage qu'il a causé ;

faire procéder, avec l'accord des parties, à une mission de médiation entre l'auteur des faits et la victime ;

en cas d'infraction commise soit contre son conjoint, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, soit contre ses enfants ou ceux de son conjoint, concubin ou partenaire, demander à l'auteur des faits de résider hors du domicile ou de la résidence du couple et, le cas échéant, de s'abstenir de paraître dans ce domicile ou cette résidence ou aux abords immédiats de celui-ci, ainsi que, si nécessaire, de faire l'objet d'une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique.

Le projet de loi offre au procureur de la République la possibilité d'utiliser toute cette palette de mesures également à l'égard d'un mineur. Le cas échéant, les représentants légaux de l'intéressé devraient être convoqués. En outre, leur accord devrait être requis en cas d'orientation du mineur vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle, de demande de régularisation de sa situation ou de réparation, ou encore en cas de médiation avec la victime.

De plus, dans l'hypothèse où le procureur choisirait la voie de l'orientation du jeune vers une structure spécialisée, cette mesure devrait pouvoir consister également dans l'accomplissement d'un stage de formation civique ou dans une consultation auprès d'un psychiatre ou d'un psychologue. Et le parquet devrait fixer, le cas échéant, le montant des frais de stage pouvant être mis à la charge des représentants légaux du mineur.

A noter : au-delà des nouveautés introduites pour faire entrer les mineurs dans le champs de la médiation-réparation, le projet de loi propose que la décision du procureur d'orienter l'auteur d'une infraction vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle puisse aussi conduire à l'accomplissement d'un stage de responsabilité parentale ou d'un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants.

2 - LA COMPOSITION PÉNALE

La « composition pénale » permet au procureur de la République, tant que l'action publique n'a pas été mise en mouvement, de proposer à l'auteur de certaines infractions d'exécuter une ou plusieurs obligations en échange de l'extinction des poursuites pénales (7) : accomplissement au profit de la collectivité d'un travail non rémunéré, suivi d'un stage ou d'une formation dans un service ou un organisme sanitaire, social ou professionnel, etc. Une composition pénale ne peut, plus précisément, être proposée qu'à une personne physique qui reconnaît avoir commis un ou plusieurs délits punis à titre de peine principale d'une peine d'amende ou d'une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à 5 ans, ainsi que le cas échéant, une ou plusieurs contraventions connexes.

Actuellement, elle ne concerne pas les mineurs. Mais le projet de loi prévoit de changer la donne, en offrant la possibilité aux parquets d'en user à l'égard des jeunes d'au moins 13 ans. Il allonge parallèlement la liste des mesures susceptibles d'être proposées dans le cadre d'une composition pénale, que l'auteur des faits soit majeur ou mineur (voir encadré ci-dessous).

a - Le déroulement de la procédure à l'égard des mineurs

Le projet de loi donne au procureur de la République la possibilité de proposer une composition pénale à un mineur âgé d'au moins 13 ans, si celle-ci apparaît adaptée à la personnalité de l'intéressé. La présence des représentants légaux de l'enfant devrait être requise. De même, leur accord - ainsi que celui de l'enfant - devrait être recueilli en présence de l'avocat du mineur.

Dans la procédure appliquée aux majeurs, lorsque l'auteur des faits donne son accord aux mesures proposées, le procureur de la République saisit par requête le président du tribunal afin qu'il valide la composition. Le projet de loi prévoit que, pour celle appliquée aux mineurs, le juge des enfants puisse, avant cette étape, soit d'office, soit à la demande des représentants de l'intéressé, procéder à l'audition de ces derniers ou à celle du mineur. Si c'est une demande des représentants légaux, l'audition devrait être de droit.

Comme pour les majeurs, la proposition du parquet devrait devenir caduque si le magistrat ne la valide pas. Et cette décision de non-validation - nécessairement notifiée à l'auteur des faits, à ses représentants légaux et le cas échéant, à la victime - ne devrait pas être susceptible de recours. A charge ensuite pour le procureur de la République, sauf élément nouveau, de mettre en mouvement l'action publique.

b - Les mesures proposées aux mineurs

Toutes les mesures qui peuvent être proposées à un majeur dans le cadre d'une composition pénale ne devraient pas pouvoir l'être à un mineur. Ainsi le projet de loi prévoit que l'accomplissement d'un stage de citoyenneté ou l'interdiction de quitter le territoire national (avec remise de son passeport) ne figureront pas dans la palette de mesures de composition pénale à disposition des procureurs de la République face à un mineur.

Inversement, il dresse une liste de mesures ne pouvant être proposées qu'au mineur et dont la durée d'exécution ne peut excéder 6 mois :

accomplissement d'un stage de formation civique ;

suivi de façon régulière d'une scolarité ou d'une formation professionnelle ;

respect d'une décision antérieurement prononcée par le juge de placement dans une institution ou un établissement public ou privé d'éducation ou de formation professionnelle habilité ;

consultation d'un psychiatre ou d'un psychologue ;

exécution d'une mesure d'activité de jour (voir ci-contre).

B - La procédure de présentation immédiate

Afin de raccourcir les délais de jugement des mineurs, le projet de loi introduit le concept nouveau de « présentation immédiate aux fins de jugement ». Distincte de la « comparution immédiate » - qui restera réservée aux délinquants majeurs -, elle devrait remplacer l'actuelle procédure de « jugement à délai rapproché » devant le tribunal pour enfants.

Cette dernière s'adresse aux mineurs âgés de 16 à 18 ans déférés devant le procureur de la République qui encourent une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à 3 ans en cas de flagrance ou supérieure ou égale à 5 ans dans les autres cas.

Première différence notable entre les deux procédures : la présentation immédiate devrait s'adresser à ceux qui encourent une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à 1 an en cas de flagrance ou supérieure ou égale à 3 ans dans les autres cas.

Par ailleurs, actuellement, le jugement à délai rapproché ne peut être engagé que si des investigations sur la personnalité du mineur ont été accomplies, le cas échéant au cours d'une procédure antérieure de moins de 12 mois. Le projet de loi allonge, pour la présentation immédiate, ce délai à 18 mois.

Autre innovation : alors qu'aujourd'hui, dans le cadre du jugement à délai rapproché, l'audience du mineur devant le tribunal pour enfants doit normalement avoir lieu entre 10 jours et un mois, le projet de loi permet, en cas de présentation immédiate, de procéder au jugement à la première audience au tribunal pour enfants qui suit sa présentation, c'est-à-dire avant le délai minimal de 10 jours. Sous réserve toutefois de l'accord exprès du mineur et de son avocat et sans opposition de ses représentants légaux.

C - La nouvelle « mesure d'activité de jour »

Pour le gouvernement, le travail est un des piliers sur lequel doit s'appuyer la prévention ou la réinsertion d'un mineur délinquant. Il ne s'agit pas de proposer aux jeunes une forme de travail d'intérêt général, mais « de les initier aux règles sociales, de leur faire découvrir le monde du travail, le respect de l'autre qu'il suppose, l'esprit de cohésion et de solidarité qu'il induit et, surtout, l'implication dans la réalisation d'objectifs communs », explique l'exposé des motifs. Tel est l'objectif assignée à la nouvelle « mesure d'activité de jour », « une nouvelle alternative entre les mesures éducatives en milieu ouvert et le placement judiciaire », expliquait le garde des Sceaux, le 2 mai, lors d'un déplacement.

En quoi consistera-t-elle ? Il devrait s'agir, pour le jeune visé par la mesure, de participer à des activités d'insertion professionnelle ou scolaires. Soit auprès d'une personne morale de droit public, d'une personne morale de droit privé exerçant une mission de service public ou d'une association habilitées à organiser de telles activités, soit au sein du service de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) auquel il est confié.

Quelles catégories de mineurs seront concernées ? Le projet de loi reste évasif sur ce point, indiquant simplement que la nouvelle mesure pourra être ordonnée à l'égard d'un mineur en matière correctionnelle. Pascal Clément indiquait pour sa part il y a quelques mois qu'elle « s'adressera principalement aux adolescents déscolarisés et en rupture de formation pour lesquels la situation personnelle et familiale n'impose [...] pas un placement ».

Le juge des enfants devrait pouvoir la prononcer avant (8) et après jugement. Le tribunal pour enfants devrait pouvoir lui aussi l'ordonner à des mineurs de plus de 13 ans. A l'égard des mineurs de 13 à 16 ans, il pourrait même le faire en tant qu'obligation liée à un ajournement du prononcé de la mesure éducative ou de la peine.

En tout état de cause, la juridiction pour enfants prononçant la mesure devrait en fixer la durée - qui ne pourra être supérieure à 12 mois - et les modalités d'application. Elle devrait également désigner la structure d'accueil.

Le projet de loi renvoie à un décret le soin de déterminer les règles de mise en oeuvre de la mesure et notamment les conditions dans lesquelles :

le juge des enfants devra établir la liste des activités dont la découverte ou auxquelles l'initiation sont susceptibles d'être proposées dans son ressort ;

la mesure devra se concilier avec les obligations scolaires du mineur ;

les personnes morales et les associations concernées seront habilitées.

Précision importante : selon l'exposé des motifs, la nouvelle mesure pourrait aussi « trouver sa place pour les adultes, notamment pour les plus jeunes, quand ils sont désocialisés ». « En effet, le passage à la majorité ne signifie pas une meilleure connaissance des règles de la vie en société ».

D - Le placement sous contrôle judiciaire

1 - DE NOUVELLES OBLIGATIONS POUR LES MINEURS DE 13 À 18ANS PLACÉS SOUS CONTRÔLE JUDICIAIRE

Actuellement, seuls les mineurs âgés de 13 à 18 ans peuvent être placés sous contrôle judiciaire, par ordonnance prise, selon les cas, par le juge des enfants, le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention. Un certain nombre d'obligations peuvent leur être imposées dans ce cadre, sous peine éventuellement d'être placés en détention provisoire (9). Comme par exemple celle de se soumettre aux mesures de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation confiées à un service de la PJJ ou à un service habilité à cette fin par un magistrat. Ou encore de respecter les conditions d'un placement dans un centre éducatif de la PJJ ou relevant d'un service habilité auquel le mineur a été confié et, notamment, dans un centre éducatif fermé.

Le projet de loi propose d'imposer au mineur placé sous contrôle judiciaire 3 nouvelles obligations :

accomplir un stage de formation civique ;

suivre de façon régulière une scolarité ou une formation professionnelle jusqu'à sa majorité ;

respecter les conditions de placement dans un établissement permettant la mise en oeuvre de programmes à caractère éducatif et civique.

A noter : cette dernière obligation ne devrait pouvoir être ordonnée que pour une durée de 6 mois, renouvelable une fois par une ordonnance motivée, pour une durée au plus égale à 6 mois.

2 - LE CAS PARTICULIER DES MINEURS DE 16ANS AUTEURS D'UN GRAVE DÉLIT

En matière correctionnelle, les mineurs âgés de moins de 16 ans ne peuvent actuellement être placés sous contrôle judiciaire que lorsque la peine d'emprisonnement encourue est supérieure à 5 ans et lorsqu'ils ont déjà fait l'objet d'une ou de plusieurs mesures éducatives ou d'une condamnation à une sanction éducative ou à une peine.

Caractéristique supplémentaire qui les distingue encore plus des autres mineurs : le contrôle judiciaire auquel ils peuvent être astreints ne peut comporter que l'obligation de respecter les conditions d'un placement dans un centre éducatif fermé. Et en cas de non-respect de cette obligation, ils peuvent être placés en détention provisoire.

Le projet de loi change la donne, tout d'abord en supprimant la règle qui empêche actuellement le juge de lier au contrôle judiciaire visant un tel mineur une obligation autre que celle de respecter les conditions d'un placement dans un centre éducatif fermé (voir ci-dessus).

Un nouveau cas fait par ailleurs son apparition : celui des mineurs encourant une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à 7 ans. Pour eux, le texte opère une distinction. Ainsi :

ceux placés sous contrôle judiciaire avec obligation de respecter les conditions d'un placement dans un centre éducatif fermé pourraient, comme c'est le cas actuellement, être placés en détention provisoire en cas de non-respect de cette obligation ;

dans les autres cas, le contrôle judiciaire pourrait être modifié pour prévoir le placement de l'intéressé dans un centre éducatif fermé, placement dont le non-respect pourrait entraîner sa mise en détention provisoire.

E - De nouvelles sanctions éducatives à l'égard des plus jeunes

Les mesures pouvant être prononcées par le tribunal pour enfants à l'encontre des mineurs délinquants les plus jeunes ne sont pas les mêmes selon l'âge de l'enfant. Le projet de loi propose d'élargir la palette des sanctions possibles.

1 - À L'ÉGARD D'UN MINEUR DE 13ANS

La nouvelle « mesure d'activité de jour » devrait ainsi s'ajouter à la liste de celles pouvant être prononcées à l'égard d'un mineur de 13 ans. Etant entendu que le tribunal ne pourrait toujours prononcer que l'une des mesures de la liste et non plusieurs. Pour mémoire, actuellement, cette liste comprend notamment la remise du mineur à ses parents ou au service de l'aide sociale à l'enfance ou encore le placement de l'intéressé dans un internat approprié aux mineurs délinquants d'âge scolaire.

2 - À L'ÉGARD D'UN MINEUR D'AU MOINS 10ANS

S'agissant des mineurs d'au moins 10 ans, 4 « sanctions éducatives » devraient faire leur apparition :

une mesure de placement pour une durée de un mois dans une institution ou un établissement public ou privé d'éducation habilité permettant la mise en oeuvre d'un travail psychologique, éducatif et social portant sur les faits commis et situé en dehors du lieu de résidence habituel ;

l'exécution de travaux scolaires ;

un avertissement solennel ;

le placement dans un établissement scolaire doté d'un internat pour une durée correspondant à une année scolaire avec autorisation de rentrer dans sa famille lors des fins de semaine et des vacances scolaires.

Le tribunal pourrait, comme aujourd'hui, choisir une ou plusieurs mesures sur la liste enrichie des sanctions éducatives (10).

En outre, le projet de loi ajoute l'avertissement solennel et la mesure d'activité de jour (voir page 25) à la liste des sanctions éducatives pouvant être prononcées par le tribunal pour enfants à l'égard d'un mineur de plus de 13 ans.

III- LE VOLET «PSYCHIATRIE»

« Comme la prévention de la délinquance passe par la protection des plus vulnérables, il faut que l'accompagnement des personnes atteintes de souffrances psychiatriques et présentant des risques pour leur propre sécurité ou celle d'autrui soit renforcé. » C'est ainsi que le gouvernement explique, dans l'exposé des motifs, la présence d'un volet « psychiatrie » dans le projet de loi. Ce dernier, notamment, aménage le dispositif de l'hospitalisation d'office et contient diverses autres mesures qui, pour certaines s'appliquent aussi bien à l'hospitalisation d'office qu'à l'hospitalisation sur demande d'un tiers.

A - Les mesures propres à l'hospitalisation d'office

1 - UNE NOUVELLE PROCÉDURE D'HOSPITALISATION FAISANT INTERVENIR LE MAIRE

Actuellement, c'est le préfet de département (le préfet de police à Paris) qui peut, au vu d'un certificat médical circonstancié, prononcer l'hospitalisation d'office - sous forme d'arrêté motivé énonçant avec précision les raisons qui l'ont rendu nécessaire - d'une personne dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public.

Le projet de loi modifie cette procédure en prévoyant que ce sont les maires (les commissaires de police à Paris) qui prononceront à l'avenir les hospitalisations d'office, à charge pour eux d'en référer au préfet de département dans les 24 heures. Ils prendront leur décision par le biais d'un arrêté, sur la base d'un certificat médical ou, ce qui est nouveau, d'un avis médical en cas d'urgence. Le préfet de département garderait toutefois la prérogative de prononcer l'hospitalisation d'office « en cas de nécessité ».

Lorsque l'avis médical ne pourra être obtenu immédiatement, ou lorsque l'arrêté du maire aura été rendu mais ne pourra pas être exécuté sur-le-champ, la personne en cause sera retenue dans une structure médicale adaptée « le temps strictement nécessaire et justifié ».

Après l'admission du malade, il reviendra au préfet, dans un délai maximum de 72 heures, de confirmer ou non l'hospitalisation d'office (voir page 29).

2 - LA CRÉATION D'UN FICHIER NATIONAL DE DONNÉES

Pour « permettre une meilleure information des autorités amenées à prendre une décision d'hospitalisation d'office et [...] prévenir les risques liés à la détention d'une arme par des personnes susceptibles de présenter une vulnérabilité particulière », le projet de loi met en place un traitement national de données à caractère personnel, placé sous l'autorité du ministre de la Santé. Seules les données en rapport avec la situation administrative des intéressés devraient y être recueillies. Elles devraient être accessibles :

au préfet du département et, à Paris, au préfet de police, ainsi qu'aux personnes individuellement habilitées et dûment désignées par eux ;

à l'autorité judiciaire ;

au directeur départemental des affaires sanitaires et sociales, ainsi qu'aux personnes individuellement et dûment désignées par lui.

Le projet de loi laisse le soin à un décret en conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, de fixer les modalités d'application de cette mesure : nature des données à caractère personnel enregistrées et conditions dans lesquelles les personnes intéressées peuvent exercer leur droit d'accès. Il précise toutefois que les données recueillies seront conservées pendant toute la durée de l'hospitalisation et jusqu'à la fin de la cinquième année civile suivant la fin de l'hospitalisation.

Selon le texte, ce fichier ne fera l'objet d'aucune mise à disposition, rapprochement ou interconnexion avec d'autres traitements de données à caractère personnel.

B - Les mesures communes à l'hospitalisation d'office et sur demande d'un tiers

1 - UN MEILLEUR CONTRÔLE DES SORTIES D'ESSAI

Le projet de loi de prévention de la délinquance entend assurer un meilleur contrôle des sorties d'essai dont peuvent bénéficier les personnes faisant l'objet d'une hospitalisation sur demande d'un tiers ou d'office afin de favoriser leur guérison, leur réadaptation ou leur réinsertion sociale. Ces sorties, d'une durée de 3 mois renouvelables, comportent une surveillance médicale assurée par le secteur psychiatrique compétent. Avec le projet de loi, la décision de sortie d'essai devrait à l'avenir comporter l'identité du malade, l'adresse de sa résidence habituelle ou du lieu de son séjour, le calendrier des visites médicales obligatoires et, s'il en détient un, son numéro de téléphone, ainsi que, le cas échéant, la date de son retour à l'hôpital.

En outre, en matière d'hospitalisation d'office, le projet de loi prévoit que le maire de la commune où est implanté l'établissement d'accueil et celui de la commune où le malade a sa résidence habituelle ou son lieu de séjour doivent être informés sous 24 heures de la sortie d'essai, de son renouvellement ou de sa cessation, la décision demeurant prise par le préfet de département sur proposition écrite et motivée d'un psychiatre de l'établissement.

2 - L'OPPORTUNITÉ D'UNE EXPERTISE À TOUT MOMENT

Autre innovation du texte : à tout moment, le préfet de département devrait pouvoir ordonner l'expertise médicale des troubles des personnes ayant été hospitalisées sur demande d'un tiers ou d'office. Cet examen devrait être effectué par un psychiatre n'appartenant pas à l'établissement d'accueil du patient, choisi par le préfet sur la liste des experts psychiatres inscrits près la cour d'appel du ressort de l'établissement.

3 - L'ALLONGEMENT DE LA DURÉE DU DIAGNOSTIC PSYCHIATRIQUE

Selon le projet de loi, dans les 24 heures puis, ce qui est nouveau, dans les 72 heures suivant l'admission du malade, un psychiatre de l'établissement d'accueil - différent de celui ayant rédigé les certificats ou avis médicaux venant à l'appui de la demande d'hospitalisation d'office ou sur demande d'un tiers - devra établir un nouveau certificat constatant l'état mental de la personne. Ce document sera adressé au préfet de département et à la commission départementale des hospitalisations psychiatriques (11) par le directeur de l'établissement. Au vu de ce certificat, le préfet de département ou, à Paris, le préfet de police, prononcera par arrêté la confirmation de l'hospitalisation des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte de façon grave à l'ordre public. L'arrêté devra être motivé et stipuler avec précision les circonstances qui ont rendu l'hospitalisation nécessaire. A défaut de décision du préfet, la mesure deviendra caduque au terme de ces 72 heures.

« Les efforts consentis dans ce cadre devront correspondre à la souffrance physique ou morale supportée par la victime »

« Perçu comme la réponse pénale la mieux adaptée aux primo-délinquants »

« susceptible d'ajouter aux vertus dissuasives de la peine les effets socialisants du travail »

« des difficultés d'ordre juridique et technique »

« l'insuffisance de postes de travail offerts »

« éviter que ne soient prononcées des peines identiques dont la répétition rend la justice virtuelle »

« convoqués des dizaines de fois devant l'autorité judiciaire »

Dispositions diverses

Délinquants sexuels

Toute personne dont l'identité est enregistrée au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles et qui a été définitivement condamnée pour un crime ou un délit puni de 10 ans doit actuellement justifier de son adresse une fois tous les 6 mois en se présentant à cette fin auprès des forces de l'ordre. Le projet de loi offre à la justice la possibilité d'ordonner une présentation tous les mois si la dangerosité de la personne le justifie. Il prévoit même de rendre cette décision obligatoire si la personne est en état de récidive.

Service volontaire citoyen

« L'expérience générale des adultes-relais et certaines initiatives prises ces derniers mois ont [...] montré combien il était utile d'apporter un cadre général et une possibilité d'indemnisation pour des actions de médiation », explique l'exposé des motifs. C'est pourquoi le projet de loi organise la création d'un « service volontaire citoyen de la police nationale » ouvert aux citoyens français ou ressortissants communautaires âgés d'au moins 17 ans. L'idée est de permettre à des volontaires de contribuer à des actions de médiation sociale et de sensibilisation au respect de la loi, à l'exclusion toutefois de toute prérogative de puissance publique.

Service civil volontaire

Les périodes de temps consacrées à un contrat de service civil volontaire - prévu par la loi sur l'égalité des chances (12) - devraient pouvoir être intégrées dans le calcul des limites d'âge prévues pour l'accès à un emploi public et pour le calcul de l'ancienneté de service exigée pour la promotion interne dans les 3 fonctions publiques.

Violences conjugales

Les violences habituelles commises par le conjoint ou le concubin de la victime ou encore par la personne liée à elle par un pacte civil de solidarité devraient être punies au même titre que celles commises sur un mineur de 15 ans ou une personne dont la particulière vulnérabilité est apparente ou connue de leur auteur (de 5 ans d'emprisonnement et 75 000 à 30 ans de réclusion criminelle, selon leur gravité). Le projet de loi prévoit par ailleurs la possibilité de condamner les auteurs de différents types de violences commises dans la sphère du couple à des mesures de suivi socio-judiciaire. Enfin, il propose d'autoriser les médecins à révéler les cas de maltraitance liées à des violences au sein du couple et ce, sans avoir à obtenir l'assentiment de la victime.

Lutte contre la toxicomanie

Le projet autorise la justice à imposer une « mesure d'injonction thérapeutique » à l'encontre des personnes - majeures ou mineures - ayant fait un usage illicite de stupéfiants. La mise en oeuvre de cette mesure de soins ou de surveillance médicale devrait être confiée à un médecin habilité en qualité de « médecin relais ». Il assurera « l'interface entre le médecin soignant et l'institution judiciaire, simplifiant la procédure actuelle et évitera la confusion que certains dénoncent entre soignant et exécutant d'un mandat judiciaire », a expliqué le garde des Sceaux, Pascal Clément, le 27 juillet, à l'occasion d'une visite au tribunal de grande instance de Paris. Le ministre a également indiqué que les médecins choisis pourront exercer en secteur libéral ou hospitalier.

Régions

Le projet de loi prévoit que le plan régional de développement des formations professionnelles - que la région se doit d'adopter notamment pour définir une programmation à moyen terme des actions de formation professionnelle des jeunes et des adultes - devra comporter, « au bénéfice, en particulier des jeunes en difficulté et confrontés à un risque d'exclusion professionnelle, des actions de formation destinées à la prévention de la délinquance ».

Rôle de l'école

Le code de l'éducation dispose actuellement que les écoles, les collèges, les lycées et les établissements d'enseignement supérieur « contribuent à favoriser la mixité et l'égalité entre les hommes et les femmes, notamment en matière d'orientation ». Le projet de loi leur ajoute deux nouvelles missions : concourir à l'éducation à la responsabilité civique et participer à la prévention de la délinquance.

Composition pénale : de nouvelles mesures communes aux majeurs et aux mineurs

Le projet de loi crée 3 nouvelles mesures, susceptibles d'être prononcées dans le cadre d'une composition pénale à l'égard de l'auteur des faits, qu'il soit majeur ou mineur (d'au moins 13 ans) :

accomplissement - le cas échéant, aux frais de l'intéressé - d'un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage des produits stupéfiants ;

obligation de se soumettre à une mesure d'activité de jour, consistant en la mise en oeuvre d'activités d'insertion professionnelle ou de mise à niveau scolaire soit auprès d'une personne morale de droit public, soit auprès d'une personne morale de droit privé chargée d'une mission de service public ou d'une association habilitées à mettre en oeuvre une telle mesure ;

obligation de se soumettre à une mesure d'injonction thérapeutique - prenant la forme d'une mesure de soins ou de surveillance médicale -, lorsque les circonstances de fait ou de droit font apparaître que le condamné fait usage de stupéfiants ou a une consommation habituelle et excessive de boissons alcooliques.

Une autre innovation est également à signaler. Dans la liste des mesures susceptibles d'être prononcées dans le cadre d'une composition pénale figure actuellement l'accomplissement au profit de la collectivité d'un travail non rémunéré pour une durée maximale de 60 heures, dans un délai qui ne peut être supérieur à 6 mois. Le projet de loi propose que cette tâche puisse être accomplie « notamment au sein d'une personne morale de droit public ou d'une personne morale de droit privé chargée d'une mission de service public ou d'une association habilitées ».

Autres mesures relatives aux sanctions

Sanction-réparation

Le projet de loi crée une sanction nouvelle, la « sanction-réparation », qui oblige l'auteur d'une infraction à remettre, dans la mesure du possible la situation dans son état d'origine, dans le délai et selon des conditions fixés par le juge.

, indique l'exposé des motifs. Elle devrait pouvoir être prononcée en cas de délit puni de un an d'emprisonnement, à la place ou en même temps que cette peine. En cas de non-respect de l'obligation de réparation, le condamné devrait encourir, de ce seul fait, une peine d'emprisonnement d'une durée maximale de 6 mois ou une amende d'un montant maximum de 15 000

.

Travail d'intérêt général

dans la mesure où il est

, le travail d'intérêt général se heurte, selon l'exposé des motifs, à

ainsi qu'à

. Ce qui nuit à son développement. Pour remédier à cette situation, le projet de loi propose d'ajouter à la liste des structures susceptibles de proposer la mesure les personnes morales de droit privé exerçant une mission de service public.

Stage de responsabilité parentale

Le projet de loi offre la possibilité à la justice de condamner les auteurs de certaines infractions - à titre de peine complémentaire - à accomplir un stage de responsabilité parentale. Le champ d'application de la mesure devrait être large. Cette peine complémentaire pourrait en effet toucher des personnes condamnées aussi bien en matière contraventionnelle, que délictuelle ou criminelle. Elle devrait être exécutée aux frais de l'intéressé, dans un délai de 6 mois à compter de la date à laquelle la condamnation est devenue définitive.

Limitation des admonestations et des remises à parents

En mai dernier, le garde des Sceaux annonçait vouloir

. Et pointait du doigt, en particulier, les mineurs interpellés à répétition et

pour faire l'objet, au final, d'une simple série d'admonestations. Les déclarations de Pascal Clément prennent corps dans le projet de loi. En effet, l'admonestation ou la remise du mineur à ses représentants légaux ne devraient plus pouvoir être ordonnées seules par le juge des enfants si elles ont déjà été prononcées à l'égard du mineur pour une infraction identique - ou assimilée au regard des règles de la récidive - commise moins de un an avant la commission de la nouvelle infraction.

Centre éducatif fermé

Les mineurs peuvent actuellement être placés en centre éducatif fermé dans le cadre d'un contrôle judiciaire, d'un sursis avec mise à l'épreuve ou à la suite d'une libération conditionnelle. Le projet de loi prévoit de rendre un tel placement possible également dans le cas d'un mineur bénéficiant d'un « placement extérieur ».

A retenir également

Hospitalisation d'office à la demande de la justice

L'auteur d'une infraction qui était atteint, au moment des faits incriminés, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes, n'est pas pénalement responsable. Actuellement, il est prévu que, si elles estiment que l'état mental de la personne qui a bénéficié en conséquence d'un non-lieu, d'une décision de relaxe ou d'un acquittement, nécessite des soins et compromet la sûreté des personnes ou porte atteinte, de façon grave, à l'ordre public, les autorités judiciaires doivent en avertir le préfet de département, ainsi que la commission départementale des hospitalisations psychiatriques. A charge pour cette dernière de prendre, sans délai, toutes mesures utiles. Le projet de loi propose qu'il en soit de même lorsque la personne a profité, pour les mêmes raisons, d'un classement sans suite.

En outre, il ne pourra être mis fin aux hospitalisations d'office intervenues dans ce cadre que sur les avis convergents (et non plus les décisions conformes) de 2 psychiatres n'appartenant pas à l'établissement et choisis par le représentant de l'Etat dans le département sur la liste des experts inscrits près la cour d'appel du ressort de l'établissement. Une liste actuellement établie par le procureur de la République, après avis de la direction des affaires sanitaires et sociales du département dans lequel est situé l'établissement. Ces avis des 2 psychiatres résultant de 2 examens séparés et concordants doivent établir que l'intéressé n'est plus dangereux ni pour lui-même, ni pour autrui.

Restriction du champ de l'hospitalisation sur demande d'un tiers

Une personne atteinte de troubles mentaux ne peut actuellement être hospitalisée sans son consentement sur demande d'un tiers que si ses troubles rendent impossible son consentement et si son état impose des soins immédiats assortis d'une surveillance constante en milieu hospitalier. Le projet de loi exclut de ce dispositif les personnes dont les troubles mentaux compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte de façon grave à l'ordre public, qui relèvent de l'hospitalisation d'office. Avec cette disposition, il met fin à « la superposition des régimes d'hospitalisation » et procède ainsi à l'harmonisation du droit français avec les recommandations du Conseil de l'Europe, explique l'exposé des motifs.

« L'action sociale réduite à la prévention de la délinquance »

Depuis sa première version officieuse en 2003, qui a provoqué l'ire des travailleurs sociaux - et du coup redynamisé les débats sur les fondamentaux de l'action sociale -, la mobilisation contre le projet de loi de Nicolas Sarkozy n'a eu de cesse de s'organiser. Dévoiement des missions d'action sociale, confusion des compétences, modifications législatives mal ficelées, dispositions ambiguës... Même corrigé à plusieurs reprises, le texte continue de susciter des critiques de fond.

Aux côtés du Collectif national unitaire de résistance à la délation, qui prépare une journée nationale de mobilisation d'ici à la fin du mois de septembre, a émergé au printemps une plate-forme intitulée « Nos vies de moins en moins privées, nos enfants de plus en plus suspects » (13), rassemblant une trentaine d'organisations des secteurs social, sanitaire et judiciaire, unanimes à dénoncer le mélange des genres entre deux logiques que tout oppose : la prévention à visée éducative et sociale, fondée sur l'accompagnement et la relation d'aide, et la prévention de la délinquance à visée sécuritaire. C'est pour valoriser la première que s'est constitué au mois de juillet le « Collectif pluridisciplinaire pour une vraie prévention de la délinquance » - qui se veut un « espace d'expertise » composé de personnalités - en vue d'élaborer des contre-propositions (14).

Mais les associations et collectifs, soutenus par les syndicats du secteur social et qui n'ont d'ailleurs été consultées que très tardivement sur le texte, ne sont pas les seuls à être montés au créneau. Dans deux avis successifs en mai et en juin, le Conseil supérieur du travail social s'est insurgé contre ce projet qui modifie les compétences des collectivités locales en matière d'action sociale et leur répartition (15). Les maires eux-mêmes, s'ils ne voient pas d'un mauvais oeil la possibilité d'être davantage informés par les travailleurs sociaux, sont réservés sur les nouvelles prérogatives que leur attribue le projet de loi, à la croisée des pouvoirs de police et de justice. Les présidents de conseils généraux, qui assistent à un empiètement sur leurs compétences, sont également dubitatifs : « Il y a un risque de

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