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L'usure des travailleurs handicapés en ESAT

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Le vieillissement et la cessation d'activité des travailleurs handicapés dans les structures de travail protégé posent-ils des problèmes particuliers ? Si oui, comment sont-ils pris en compte ? Quelles bonnes pratiques recommander en la matière ? Autant de questions qui ont fait l'objet d'une intéressante recherche-action, lancée à l'initiative de Chorum (1). Menée par Valérie Luquet, du Centre de liaison, d'étude, d'information et de recherche sur les problèmes des personnes âgées (Cleirppa), cette analyse fine et sans jargon croise les points de vue de 36 adultes handicapés, de 14 membres de familles, de 29 responsables de structures et de 36 professionnels de terrain.

Mais d'abord, le public des établissements et services d'aide par le travail (ESAT) - des handicapés mentaux pour plus des trois quarts - connaît-il des problèmes particuliers de vieillissement ? Oui, et dès 40 ans, selon certains auteurs. Pour les professionnels du secteur interrogés, en tout cas, pas de doute : une majorité de travailleurs handicapés en ESAT vieillit plus vite que la population générale et ne pourra travailler jusqu'à l'âge de la retraite. Ils en jugent notamment par une progression de l'absentéisme et des accidents du travail, une aggravation de problèmes de santé et des troubles psychologiques, une lenteur générale et une diminution de la motricité et, plus globalement, un désintérêt et une démotivation au travail. Autant de caractéristiques qui vont à l'encontre des comportements habituels, la majorité des travailleurs handicapés se montrant très attachée et très assidue à son travail, synonyme d'inscription dans une vie « ordinaire » et de rémunération.

Pourquoi ce vieillissement précoce ? Si les facteurs génétiques jouent pour certaines catégories de handicap, les professionnels mettent surtout en avant d'autres explications. Ils sont les premiers à reconnaître, par exemple, que les travailleurs handicapés sont « mis sous pression » bien davantage que les travailleurs ordinaires, qu'ils sont constamment sollicités depuis leur enfance pour être « toujours à 100 % de leurs capacités ». Une pression à la « productivité » qui s'accroît aussi du fait des contraintes économiques grandissantes qui pèsent sur les ESAT.

L'étude détecte d'autres facteurs de vieillissement comme les effets secondaires du traitement médical lourd que suivent souvent les personnes souffrant d'un handicap psychique. Ou encore l'« usure institutionnelle » qui peut gagner des personnes prises en charge à la fois pour leur travail et pour leur hébergement par la même association, parfois depuis des décennies. D'ailleurs, la structure elle-même a pu vieillir aussi et s'installer dans la routine. Le décès des parents et les phénomènes dépressifs qui l'entourent peuvent aussi accélérer sensiblement le vieillissement.

Face à ces réalités, l'étude cerne deux types de comportements. Certains travailleurs handicapés ont tendance à minimiser, à relativiser ou même à nier leurs problèmes. Ils refusent alors de cesser leur activité parce qu'ils s'y sont beaucoup investis, ou parce qu'ils craignent une baisse de leurs revenus, ou une perte des liens sociaux avec leurs collègues de travail ou leurs encadrants. Certains redoutent aussi de devoir quitter leur foyer d'hébergement, ou ont, tout simplement, peur du changement.

D'autres avouent au contraire leur désir de « se poser » ou de s'évader. Là encore, les motivations sont diverses : fatigue générale ou ennuis de santé, peur de se trouver en situation d'échec, mais aussi retraite considérée comme un droit acquis, envie de profiter enfin de loisirs, départ à la retraite des proches encadrants ou encore, même si c'est plus rare, volonté d'accompagner un parent vieillissant.

Quelles sont les réponses apportées par les ESAT ? La première qui s'impose est l'aménagement du poste de travail, notamment en cas de tâches physiquement exigeantes ou répétitives. Démarche qui devrait être naturelle dans les ESAT mais qui suppose de pouvoir varier les tâches et alléger les contraintes de production. Autre solution fréquente : la réduction du temps de travail, dans la journée ou à la semaine, le choix de la formule étant souvent contraint par les possibilités de transports. L'expérience prouve, en tout cas, que mieux vaut laisser les travailleurs aux contraintes allégées parmi leurs collègues plutôt que dans des ateliers séparés. Elle montre aussi qu'il faut souvent prévoir un accompagnement des travailleurs pendant le temps libéré.

Quand la cessation définitive d'activité se profile, il faut d'abord en « apprivoiser l'idée », puis aider la personne concernée à occuper son temps libre, à maintenir son réseau relationnel, éventuellement à se déplacer. Il faut aussi l'accompagner dans les démarches administratives et parfois l'aider à trouver un nouveau lieu de vie. Le rapport passe en revue les opportunités mais aussi les difficultés liées aux différentes formules : maintien au foyer de vie, ou déménagement dans un autre foyer, accueil en maison de retraite ou en foyer spécialisé (encore rare). Il insiste, dans tout les cas, sur l'importance du suivi par un service d'aide à la vie sociale ou par un référent de l'ESAT, et sur l'importance des partenariats entre établissements pour personnes handicapées et pour personnes âgées afin de proposer des solutions diversifiées. Il souligne aussi l'intérêt des accueils de jour pour les travailleurs vivant dans leur famille.

Autant de pratiques qui demandent « d'anticiper » avec les travailleurs et avec leur famille, d'améliorer leur information, de développer la formation des personnels et enfin d'intégrer la question dans les politiques publiques. Celles des départements à qui il revient de développer la palette des réponses et celle de l'Etat, en charge de garantir l'effectivité et l'équité de ces réponses.

Notes

(1) « Vieillissement et cessation d'activité des travailleurs handicapés en ESAT » - Disponible sur www.chorum.fr. Ce travail sera aussi présenté lors d'une journée d'étude le 10 octobre - Chorum : 56-60, rue Nationale - 75349 Paris cedex 13 - Tél. 01 56 61 47 37- Une dizaine d'associations actives dans le domaine du handicap ont participé au comité de pilotage de ce travail, qui a aussi été soutenu par la MSA et Agrica.

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