Le nombre de demandes de régulari sations déposées par des parents sans papiers d'enfants scolarisés, au titre de la circulaire du 13 juin 2006 (1), a été officiellement revu à la hausse par le ministère de l'Intérieur. Nicolas Sarkozy a, le 15 août, dans un bilan provisoire, annoncé qu'« un peu moins de 30 000 demandes » avaient été enregistrées, contre 20 000 prévues en juillet. Mais le ministre n'a pas pour autant révisé ses estimations sur les régularisations accordées : environ 6 000. Ainsi maintenu, ce chiffre est, pour les associations, l'illustration même d'une politique de « quota » menée par le ministère de l'Intérieur, qui s'en défend pourtant.
De fait, les organisations, qui n'ont pas baissé la garde durant tout l'été pour défendre la cause des sans-papiers, n'ont pas été écoutées sur la nécessité de simplifier et d'élargir le cadre de la circulaire, comme l'a expressément demandé la Cimade. Nicolas Sarkozy a également rejeté la requête du Réseau éducation sans frontières (RESF) de reporter la date butoir du 13 août pour le dépôt des demandes. Même si le ministre affirme, tout en précisant que la rentrée « n'est évidemment pas une date couperet », que tous les dossiers devraient être traités d'ici à début septembre, le réseau doute par ailleurs que ce délai puisse être tenu : « à Paris, on a des convocations à début novembre », témoigne une porte-parole, s'inquiétant des conséquences pour les enfants d'une décision d'expulsion après le début des cours.
Sur le fond, les militants associatifs auront surtout échoué à se faire entendre sur leur volonté de voir émerger une nouvelle vague de régularisations d'envergure, après celle de 1997. Ne serait-ce que, comme l'explique France terre d'asile, pour résoudre l'inextricable cas des déboutés de la demande d'asile non expulsables. L'élargissement des critères de régularisation, estime l'association, ne remet pas en cause la prérogative d'un Etat à réguler ses flux migratoires, mais c'est une « mesure de bon sens, d'humanité et d'intérêt général ». A ses yeux, « la régularisation fort limitée voulue par Nicolas Sarkozy va avoir pour conséquence d'augmenter le nombre de situations conflictuelles et d'installer le débat sur l'immigration de la plus mauvaise manière au cours de l'élection présidentielle ».
RESF, qui s'était déjà alarmé de la disparité dans l'appréciation des critères imposés par la circulaire du 13 juin selon les préfectures, craint quant à lui « 50 à 100 000 expulsions du territoire de parents et d'enfants » si 20 à 25 000 dossiers étaient rejetés.
Dans ce contexte, les événements de Cachan (Val-de-Marne) ont sonné comme un tour de vis supplémentaire. 508 personnes qui occupaient un squat depuis quatre ans en ont été délogées le 17 août, lors d'une opération justifiée par le ministère par des raisons de sécurité et qui s'est soldée par l'interpellation de 49 étrangers en situation irrégulière (2). « C'est donc la voix de la violence et de la force qui a été privilégiée alors même que le dialogue reprenait ses droits avec une récente rencontre tenue en préfecture du Val-de-Marne, le 28 juillet, en présence des délégués des bâtiments et de membres du comité de soutien », dénonce la Cimade.
Dernier signe de fermeté de Nicolas Sarkozy à l'égard des étrangers en situation irrégulière : la création du fichier ELOI, destiné à faciliter l'éloignement des clandestins en stockant des informations sur eux-mêmes, leurs hébergeants s'il sont assignés à résidence, ou leurs visiteurs s'ils se trouvent en centre de rétention (voir ce numéro, page 25). « Une véritable atteinte aux libertés individuelles », s'insurge la Cimade. Parce qu'il va entraîner une réduction des visites en centre de rétention par la peur qu'il va engendrer, ce fichier va priver les personnes retenues du maintien de leurs liens familiaux et du droit de bénéficier d'un soutien, explique l'association. Le fichage des hébergeants risque encore, selon elle, d'amenuiser les possibilités de recourir aux dispositifs moins attentatoires aux libertés que la rétention administrative. La Cimade a annoncé qu'elle contesterait cette décision devant le conseil d'Etat.
(2) Pour plus d'informations sur cette évacuation, voir le site des ASH